Il y a d'un côté la démocratie et les mouvements sociaux de revendication des droits fondamentaux.
Il y a de l'autre la dictature, la révolution et les mouvements de libération.
Ces deux formules sont antinomiques.
Il y a d'un côté la démocratie et les mouvements sociaux de revendication des droits fondamentaux.
Il y a de l'autre la dictature, la révolution et les mouvements de libération.
Ces deux formules sont antinomiques.
Pour que la justice sociale puisse se réaliser dans un État moderne, le régime politique de la cité doit, par ses institutions et par son projet sociétal global, permettre de marier la rationalité économique et l’identité ethnique, de combiner l’exigence d’investissement et l’impératif de redistribution. Ces institutions et ce projet sociétal global doivent permettre de reconnaître et de défendre simultanément les intérêt particuliers qui s’expriment dans la cité et l’intérêt général qui permet de les unir. Le régime politique de la cité doit permettre de construire, à partir de la multiplicité des appartenances culturelles, un corps politique uni par un sentiment d'appartenance commune.
Il doit en être ainsi pour que les vertus civiques se développent dans la cité, que les échanges produisent du développement endogène, que l’interaction entre le pouvoir politique et la société conduise à l’émancipation des peuples.
Sous sa forme démocratique, l’État moderne a un rôle fonctionnel spécifique qui est universel. Sa fonction est de bâtir l’unité nationale de la société, de transformer en un seul peuple (dèmos) la multiplicité des communautés (ethnos) qui composent la population de son territoire. Elle est de transformer les groupes communautaires ( Gemeinschaft ) en société civile (Gesellschaft) en favorisant les associations corporatives et la libre association des groupements d’intérêts. Elle est de laisser s’exprimer les particularités et d’affirmer la liberté tout en préservant l’universalité et en défendant l’égalité à travers la loi. Son rôle fonctionnel est de laisser s’exprimer les intérêts particuliers mais de représenter et de défendre en même temps l’intérêt général.
Deux semaines après la pseudo rencontre discrétionnaire Bédié/Gbagbo à Bruxelles, dont aucune preuve factuelle jusqu’à ce jour n’atteste la tenue, cet évènement est néanmoins, en dépit du sens commun, globalement considéré comme une rencontre historique et une réalité politique normale par une grande partie de l’intelligentsia et des médias ivoiriens et Africains.
La rencontre Bédié/Gbagbo, qui blesse les règles élémentaires de l’éthique démocratique, est médiatiquement avalisée et légitimée. Aucun journal de la sous-région n’a, à ma connaissance jusqu'à ce jour, mentionné le scandale constituée par cette rencontre discrétionnaire placée sous le sceau de l'autocratie communautariste, de la thématique identitaire et du partage du pouvoir entre des chefs politiques qui se considèrent comme représentants lignagers d'une collectivité d'autochtones envahie par l'étranger.
L’étranger : une arme de combat politique en Afrique.
Dispositif stratégique destiné à garantir les rapports de reproduction sociale, à empêcher la diffusion de l’économie marchande dans le reste de la société, instrument de contention du capital dans la sphère du pouvoir, bête de somme ou prête-nom, l’étranger fut utilisé à la fois comme capital économique et instrument de lutte politique par les classes dirigeantes des royautés et des empires de l'Afrique précoloniale. (Cf : « Les causes endogènes de la pauvreté de masse en Afrique noire 3ième partie ». cedea.net, 15 Décembre 2015).
Bernard Dadié, après avoir été ministre sous Houphouët-Boigny est ensuite devenu la caution morale du FPI ethno-nationaliste de Laurent Gbagbo. Il fut le chef de fil des pétitionnaires militant pour la libération de Laurent Gbagbo. Son soutien fut constant durant les dix années calamiteuses du régime Gbagbo en matière de déprédations économiques et de violation des droits élémentaires de l’homme ( cf « La trahison de Bernard Dadié. », cedea.net, 17 juin 2016, « Pétition pour la libération de Laurent Gbagbo. Pour quelle Afrique a combattu Bernard Dadié ?», 18 juin 2016).
L'élite intellectuelle et politique ivoirienne se doit de relever un défi civique afin d'apaiser l'élection présidentielle 2020. Elle doit remplacer, à court et long terme, l'affrontement des personnes, les attaques ad-hominem et la compétition des injures par l'affrontement des projets sociétaux et des programmes, par la compétition des représentations divergentes du bien commun. Elle doit élever le niveau du débat public et répondre à la demande populaire d’argumentation et de clarification conceptuelle des enjeux de la lutte politique et de la compétition pour l’exercice du pouvoir d’Etat. C’est à cette condition que la souveraineté du peuple se traduit concrètement dans les urnes.
La conscience malheureuse post-coloniale africaine est victimaire. C'est un fait avéré. Il en est ainsi parce que l'Afrique post-coloniale s'est définie comme étant la réprouvée de l'histoire, la victime innocente de toutes les oppressions et de toutes les injustices. En conséquence de ce sentiment d’insupportable injustice subie, elle s’est figée dans l'amertume, dans le ressentiment, dans l'acrimonie et les récriminations perpétuelles contre l'ancien colonisateur et contre l'Autre en général.
La démocratie se définit-elle par la séparation des pouvoirs ? Ne se définit-elle pas plutôt par la coordination des pouvoirs et par la limitation du pouvoir y compris du pouvoir législatif ? Le peuple serait-il souverain si les pouvoirs étaient radicalement séparés et sans coordination ? Le pouvoir législatif pourrait-il déterminer le pouvoir exécutif, si les pouvoirs étaient radicalement indépendants ? Que deviendrait la démocratie si chaque pouvoir était indépendant l’un de l’autre ? Cette indépendance radicale des pouvoirs ne favoriserait-elle pas la formation de centres de pouvoirs oligarchiques à l’intérieur des sous-systèmes ?
Le trio Bédié-Gbagbo-Soro, en Côte d'Ivoire, incarne symboliquement, l’image de trois générations d’acteurs politiques réunies en des pratiques et des discours qui contredisent les principes les plus élémentaires de la démocratie pluraliste et du consensus républicain. Ce trio symbolise la résilience de la culture du parti-État. Cette culture est antinomique à celle de la démocratie républicaine pluraliste.
La démocratie pluraliste repose sur trois dimensions fondamentales : la citoyenneté, la représentation des intérêts sociaux et la limitation du pouvoir par les droits fondamentaux de l’homme.
Les appels de Bob Marley et de Myriam Makeba à l’unité nationale et transnationale des peuples africains sont, jusqu’en ce premier quart du 21ème siècle, restés quasiment lettre morte.
Toujours divisés à l’intérieur des Etats et maintenant menacés par les séparatismes ethniques et confessionnels, les États de l’Afrique postcoloniale peine à réaliser leur intégration nationale et leur unité transnationale, régionale et continentale.
Ils sont marqués par l’incapacité de leur intelligentsia à formuler et à résoudre la problématique vitale d’unité politique de la diversité des appartenances ethniques et confessionnelle. Le sentiment d’appartenance nationale entre les identités culturelles diversifiées des territoires est battu en brèche par le sentiment d’appartenance communautaire et par le rejet subséquent de l’altérité. Le panafricanisme est démenti par le repli identitaire et la xénophobie.
Armée du verbalisme antidémocratique de la révolution prolétarienne et des déclamations creuses de l’anticolonialisme de salon et de l’antilibéralisme, une grande partie de l’intelligentsia des États postcoloniaux officie en qualité d’intellectuelle organique au service des despotismes ou s’engage dans une opposition inefficiente porteuse de domination. Inspirée bien souvent par le modèle marxiste et maoïste elle installe des dictatures liberticides et anime des oppositions anti-démocratiques.
Depuis les années 1990, dans l’ère de la démocratie pluraliste, elle opère en qualité d’architecte des intégrismes confessionnels et du mythe ethno-nationaliste. Obsédée par le culte du terroir, de l’autochtonie et du village, elle installe des États communautaires ségrégationnistes, manie avec dextérité le charabia étrange de l’anticolonialisme oppresseur et du panafricanisme xénophobe.
Les Etats africains peinent donc à réaliser leur intégration nationale et leur unité politique régionale et continentale.
Le modèle politique d’État-nation qui permet d’opérer la combinaison de l’unité de gestion et de la diversité des appartenances est supplanté par un modèle concurrent d’unité politique. Une partie l’intelligentsia africaine rejette le modèle de l’Etat-nation démocratique pluraliste au profit du modèle de la communauté villageoise ethiquement homogène et de l'Etat communautaire parce que ces derniers favorisent l’instrumentalisation politique de l’ethnicité dans la lutte pour le pouvoir.
Dans les États centralisés ce modèle d’homogénéité communautaire qui combat l’État-nation moderne a enfanté des dictatures tribales et lignagères. Dans les États fédéraux il a engendré des fédéralismes ethniques et confessionnels sans unité politique réelle. Ces modèles véhiculent nécessairement des politiques d’exclusion, génèrent la désintégration nationale et le sous-développement.
L’enjeu politique de la démocratie africaine est aujourd’hui de substituer au modèle politique d’unité communautaire qui sépare et divise, le modèle politique d’unité nationale qui réunit et rassemble. Le projet de construction nationale devrait, à cet effet animer le programme des majorités démocratiques et son exécution devrait être le critère de leur légitimité politique.
Considérons, en perspective, le cas emblématique de la Côte d'Ivoire, pour analyser cette problématique générale. En ce pays qui se caractérise par sa diversité ethnique et confessionnelle, les thématiques du nationalisme, de la défense d’une identité culturelle et d’une souveraineté nationale menacée par une invasion étrangère et par les intérêts du capitalisme financier international, occupent la scène de l’affrontement politique depuis les années 1990.
Il ne faut pas oublier ce principe: dans les États de l’Afrique postcoloniale, la revendication identitaire vient plutôt des dirigeants et des idéologues que de la masse de la population. Cette revendication artificielle sert les intérêts particuliers des acteurs politiques qui instrumentalisent l'ethnicité dans la lutte pour le pouvoir.
La revendication identitaire justifie toujours des politiques nationalistes qui méprisent les intérêts sociaux de la masse de la population au lieu de les défendre.
Le discours d’Henri Konan Bédié devant la chefferie Akan le 23 septembre 2018 dernier est un discours d’opposition programmatique et sociétal au RHDP. Appelant à l’ethnie contre la nation, à la chefferie contre l’Etat national, il conteste le programme politique et le projet sociétal houphouëtiste du gouvernement RHDP. Le programme politique de l’houphouëtisme, rappelons-le, consiste à unifier la diversité des cultures ethniques de notre pays dans la citoyenneté, à allier ces cultures à la rationalité économique afin de bâtir un Etat national par la modernisation de notre société. Le PDCI-RDA fut crée en Avril 1946 par Félix Houphouët-Boigny pour servir cette fin ultime qui est la conception du bien public ivoirien.
L’autonomie de la pensée, la capacité de la personne à penser par soi-même, à être l’auteur absolu de ses choix, est le fondement ultime de la démocratie. Cette autonomie de la pensée, cette efficience de l’esprit critique est la condition ultime de la souveraineté du peuple.
Etre autonome et donc souverain c’est prendre de la distance critique par rapport à soi-même et aux divers déterminismes externes. Cette aptitude à la distanciation critique, considérée comme aptitude spécifique de l’être humain, est le fondement de la Liberté et la condition de l’Egalité. Elle constitue le peuple comme entité morale et politique.