Le trio Bédié-Gbagbo-Soro, en Côte d'Ivoire, incarne symboliquement, l’image de trois générations d’acteurs politiques réunies en des pratiques et des discours qui contredisent les principes les plus élémentaires de la démocratie pluraliste et du consensus républicain. Ce trio symbolise la résilience de la culture du parti-État. Cette culture est antinomique à celle de la démocratie républicaine pluraliste.
La démocratie pluraliste repose sur trois dimensions fondamentales : la citoyenneté, la représentation des intérêts sociaux et la limitation du pouvoir par les droits fondamentaux de l’homme.
Ces trois dimensions sont garanties par la séparation des pouvoirs, par la définition du pouvoir politique comme instrument du service de la société, par la subordination du pouvoir politique au pouvoir social, par la soumission des appareils partisans aux besoins de la société, par la définition de l’affrontement politique comme affrontement de programmes inclusifs et, enfin par la résolution institutionnelle des conflits sociaux.
Le discours et les pratiques politiques du trio Bédié-Gbagbo-Soro heurtent de front ces trois dimensions de la démocratie pluraliste. Ils en sont la négation.
Le critère de citoyenneté est nié par le nationalisme ethnique et le populisme qui structure le discours et les pratiques politique du trio Bédié-Gbagbo-Soro qui en appellent à une définition communautaire de la société, de la nation et de l’État. Le critère de représentation des intérêts sociaux est nié par l’indigence programmatique de leur position politique, par l’idolâtrie du pouvoir et par le culte subséquent de leur personnalité qui se substituent au programme et au projet sociétal. Le critère de limitation du pouvoir par les droits de l’homme, expression politique du principe de séparation des systèmes de la société, est nié par la tendance confirmée des membres de ce trio à confondre les pouvoirs, à violer le principe de la séparation des pouvoirs. En témoigne la prétention symbolique des deux chefs du Parlement Bédié et Soro à diriger, l’exécutif dans l’exercice de leur fonction chacun à leurs époques respectives. En témoigne aussi pratique habituelle du FPI de Laurent Gbagbo consistant à caporaliser les organisations et les associations de la société civile, comme instrument du parti dans le combat politique.
Autrement dit l’action politique des membres de ce trio est caractérisée par le piétinement des principes et des garanties institutionnelles qui assurent le respect des trois dimensions de la démocratie pluraliste.
En leur discours et dans leurs pratiques, chacun des membres de ce trio subordonne le pouvoir social au pouvoir politique, utilise la société comme ressource politique de son appareil partisan et de sa fraction. Il fait fi du principe de la majorité du vote. Il méprise le choix des urnes. Il tend à utiliser la violence de la rue et l’insurrection comme moyen de conquête du pouvoir.
Le trio Bédié-Gbagbo-Soro incarne de manière symbolique, une succession de générations d’acteurs politiques qui reprennent, au fil du temps, le modèle et les habitus du parti-État contre les transformations structurelles et le changement social requis par l’histoire. En prélude aux pas de danse symboliques qu’il vient d’effectuer en compagnie de Henri Konan Bédié pour sceller leur « alliance », la visite symbolique du leader générationnel Guillaume Soro à certains autocrates de la sous-région, montre que ce trio incarne les pratiques régressives du passé qui bloquent l’avenir politique et économique de l’Afrique noire.
Vue sous la perspective de la demande de démocratie pluraliste et d’émancipation qui mobilise les peuples africains, l’affrontement politique opposant en Côte d’Ivoire la plate-forme autocratique du trio Bédié-Gbagbo-Soro au RHDP libérale d’Alassane Ouattara est, à l’échelle de l’Afrique au sud du Sahara, un affrontement symbolique entre les forces réactionnaires du passé et les forces progressistes de l’avenir.
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