Pour éclairer le débat politique en Côte d’Ivoire : qu’est-ce que le libéralisme ?

Le RHDP, la coalition au pouvoir en Côte d’Ivoire est une coalition démocratique et républicaine d’obédience libérale. Son programme politique social et économique et son projet sociétal s’en inspirent. La critique de sa gouvernance par les partis d’opposition ivoiriens devrait donc s’effectuer  corrélativement aux principes de cette obédience. Pour qu’il en soit ainsi, les partis d’opposition se doivent d’affirmer clairement leurs obédiences idéologiques, leurs projets sociétaux et les catégories socio-professionnelles qu’ils prétendent représenter et servir. La constructivité de leur critique en dépend.  En démocratie multi-partisane, le respect du principe d’identité par tous  les acteurs de l’échiquier politique est un impératif juridique. Or force et de reconnaître qu’un flou préjudiciable à la clarté du jeu politique persiste sur ce plan en Côte d’Ivoire.  Bien malin celui qui pourra dire de quel type de socialisme se réclame le FPI de Laurent Gbagbo qui ,en ses divers courants, semble relever d'un mélange confus entre extrémisme identitaire de droite et extrémisme révolutionnaire de gauche. Bien malin aussi celui qui pourra dire de quel type de libéralisme se réclame le LIDER de Mamadou Koulibaly en tant qu’opposé au gouvernement libéral RHDP au pouvoir. Mes exhortations jusqu’à ce jour, quant à cette exigence capitale, sont restées lettre morte.  (Cf. « Partis politiques africains quels sont vos valeurs, vos idéologies et projets de société respectifs ? L’exemple de la Côte d’Ivoire ». Cedea.net Novembre 2012).

Les critiques des partis d’opposition  se concentrant sur le libéralisme du RHDP qui est, par eux, identifié à de l’ultralibéralisme sous une perspective populiste qui mélange les registres, il est nécessaire d’éclairer les ivoiriens sur ce qu’est le libéralisme. Il importe de rappeler sur ce point  que le RHDP est un gouvernement démocratique républicain d’obédience libérale qui se réclame de cette synthèse du libéralisme et de la démocratie. Le bref synopsis suivant de Serge Berstein montre aux ivoiriens ce qu’est le libéralisme.

Les thèses principales de la doctrine libérale de John Locke

Comme doctrine politique, le libéralisme procède de la philosophie du droit naturel. L’un des philosophes les plus éminents du droit naturel fut John Locke. De son œuvre majeure L’Essai sur le gouvernement civil (1681) procède une série de thèses qui sont directement  l’origine de la pensée libérale.  « Pour John Locke, le pouvoir suprême émane des individus et, s’ils délèguent ce pouvoir à un souverain, ils ne renoncent pas pour autant à le contrôler. Surtout ils n’acceptent pas d’aliéner en sa faveur toute liberté. Pour préserver celle-ci, Locke affirme qu’il est nécessaire que les divers pouvoirs ( exécutifs, législatifs, judiciaire) ne soient pas concentrés entre les mains d’un seul homme, le souverain, mais séparés ; que la prépondérance doit appartenir non au souverain, détenteur du pouvoir exécutif, mais au législatif confié à plusieurs personnes pour un temps limité, le rôle de l’exécutif se bornant à faire appliquer les lois votées par le pouvoir législatif ; enfin, qu’au cas où le contrat tacite passé entre le peuple et le souverain serait rompu par ce dernier, il est licite pour le peuple de se soulever.

Les différentes acceptions du libéralisme.

Le libéralisme a d’abord une acception politique : c’est le système qui a pour objet de préserver les droits naturels de l’individu. En premier lieu en affirmant l’existence des libertés fondamentales, libertés individuelles (se déplacer, acquérir de biens, jouir de la liberté de conscience) et libertés politiques (droit de s’exprimer, de se réunir…). Pour maintenir ces libertés, il importe que le pouvoir exécutif soit réduit à des tâches de protection des citoyens, mais ne puisse décider des lois qui régissent la société, ni intervenir arbitrairement contre elle, ce qui exige qu’il soit étroitement contrôlé. La traduction institutionnelle de cette exigence est l’adoption du système parlementaire. Celui-ci est fondé sur trois principes : à la base, la reconnaissance que la souveraineté réside dans la nation ; comme moyen de mise en œuvre l’élection de délégués de celle-ci, chargés de la représenter et choisis parmi les élites éclairées ; enfin au niveau du mécanisme de fonctionnement, l’instauration de la responsabilité du pouvoir exécutif devant l’assemblée des délégués de la nation.

Mais ce libéralisme politique est inséparable de la formulation, à peu près au même moment, d’un libéralisme économique et social. Celui-ci est inspiré par des théoriciens de la fin du XVIII ième siècle et du début du XIX ième sicle, Adam Smith, Ricardo, Stuart Mill, Bastiat ou Jean-Baptiste Say. Comme le libéralisme politique, il part du primat de l’individu qui doit pouvoir bénéficier d’une liberté complète dans l’ordre du travail, de la production ou des échanges complément de ses droits naturels. Théorisant le modèle d’expansion britannique du XIX ième siècle, le libéralisme économique affirme qu’il existe des lois naturelles de l’économie, traduisant une harmonie universelle qui devrait apporter à l’homme le bien-être et la prospérité si aucune intervention extérieure ne vient les perturber. Le principe défendu est donc, là aussi, celui de l’abstention de l’Etat qui doit laisser l’individu libre de produire et de commercer, en se pliant non à des règlements formés de toutes pièces, mais aux lois naturelles. Quant au libéralisme social, il découle du libéralisme économique et implique et implique la non-intervention de l’Etat dans les rapports sociaux qui sont, eux aussi, régis par les lois naturelles, celles-ci pouvant être perturbées même par la charité. En France, Bastiat et  Dunoyer considèrent ainsi la misère comme un mal nécessaire contre lequel il fau se garder d’agir. Ces idées seront reprises et développées par l’utilitarisme de Bentham pour qui une société est un groupe d’individus dont chacun doit, pour que l’ensemble soit stable, assurer sa satisfaction par ses propres moyens, sans aucune aide extérieure. Dans la seconde moitié du XIX ième siècle, on débouche ainsi sur le « darwinisme social » dont le principal théoricien le britannique Herbert Spencer, applique au domaine social les idées de Darwin : la société, comme la nature, est un milieu de vie ordonné dans lequel les plus doués et les mieux adaptés l’emportent, les autres étant voués à la disparition. » (Cf. Serge Berstein : Démocraties, régimes autoritaires et totalitarismes au XX ième siècle »)  La revendication démocratique dans l’Europe au XIX ième siècle viendra corriger les ambiguïtés du libéralisme et donner ensuite lieu à une synthèse entre les principes du libéralisme et de la démocratie. De cette synthèse naîtra la démocratie libérale. Il importe à ce sujet de rappeler que le RHDP est un gouvernement démocratique républicain d’obédience libérale qui se réclame de cette synthèse du libéralisme et de la démocratie. (A suivre)  

 

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