Côte d’Ivoire: pour une nouvelle coalition politique éclairée par l’esprit de l’houphouëtisme.

L’équation existentielle et vitale qu’eurent à résoudre  la plupart des États africains, aussitôt  leur indépendance politique  acquise, fut d’unifier des territoires caractérisés par une grande diversité culturelle et par une faible intégration économique et administrative. En Côte d’Ivoire singulièrement, la pluralité diversifiée des ethnies et la multiplicité  des confessions portaient à incandescence cette problématique existentielle.  Les dirigeants africains qui ne réussirent pas à combiner la pluralité des appartenances et l’unité de gestion et d’administration basculèrent dans l’unification autoritaire liberticide ou dans la diversification fédéraliste sans unité politique. Certains installèrent des dictatures personnelles, ethniques ou tribales dans des Etats marqués par l’exclusion ; d’autres instituèrent des fédéralismes sans substance menacés par les tendances centrifuges des communautés dans des territoires désintégrés. Quelques rares États parmi lesquels se comptent la Côte d’Ivoire et le Sénégal furent les exceptions qui confirmaient la règle.

 Le génie politique de Félix Houphouët-Boigny fut, comme je l’ai maintes fois souligné, d’avoir su utiliser les deux catégories fondamentales de l'Un et du Multiple comme principes d’architectonique politique. Il sut les combiner pour construire la Côte d’Ivoire. Réussir à réunir la diversité des appartenances, et à respecter les particularismes au sein d’une démocratie libérale dirigée par un parti-Etat, fut la marque de fabrique de l’houphouëtisme. La Côte d’Ivoire est née de cette unification politique et administrative de la diversité culturelle et régionale. C’est en cela que Félix Houphouët-Boigny, le fondateur du PDCI-RDA, fut un bâtisseur de cité et un démocrate.

Inspiré par le respect des principes d’unité et de diversité  conçus comme  les éléments complémentaires et structurants de toute architecture politique soucieuse d’égalité et de liberté,  le choix du parti-État ne fut pas motivé par une volonté de domination et d’homogénéisation totalitaire de la société.

Quoi qu’autoritaire, le parti-État ivoirien fut loin d’être une sanglante dictature meurtrière piétinant les droits fondamentaux de la personne. Beaucoup d’analystes y virent un despotisme éclairé. Comme tel, il fit de la modernisation économique le moyen de l’intégration nationale. Conformément au nationalisme libéral qui l’animait, la nation ivoirienne qu’entreprit de construire cet État fut conçue selon un modèle démocratique libéral. L’unification nationale mise en œuvre par le PDCI-RDA au pouvoir ne fut ni une homogénéisation communautaire de la cité et une négation de la citoyenneté, ni un anéantissement de la diversité culturelle dans la citoyenneté républicaine.

La nation qu’entreprit de construire le PDCI-RDA  en Côte d’Ivoire dès les premiers jours de l’Indépendance, ne fut inspirée ni par le modèle communautaire d’unification ethnique, ni par le modèle révolutionnaire d’unification de classe, ni par le modèle jacobin d’unification citoyenne. Prenant acte de la diversité culturelle du pays et de son besoin de modernisation et d’intégration, le parti-État ivoirien entreprit de bâtir la nation ivoirienne  comme sujet politique collectif chargé de servir de médiation entre la diversité des cultures et l’unité de l’Etat, entre les intérêts particuliers  de la société civile et l’intérêt général de la société globale dans l’État. La nation ivoirienne se construisait dans l’alliance de la reconnaissance de la citoyenneté et de la reconnaissance des identités culturelles au sein d’un projet d’intégration économique et social de la cité.

L’État ivoirien du temps du parti unique s’est pour cela défini comme État mobilisateur et s’est assigné le programme de réaliser l’intégration nationale à travers la modernisation économique et la maîtrise de la rationalité instrumentale des sciences de la nature. Conséquemment à ce choix politique, il a préféré l’action aux déclamations nationalistes et aux slogans révolutionnaires creux. Il en est résulté une politique nationale dont les axes centraux furent de construire les équipements publics, les infrastructures et de promouvoir l’investissement et l’entreprenariat dans un projet d’industrialisation basé sur l’agriculture.

Cette alliance des identités et de la modernité, des cultures ethniques et de la rationalité qui portent le projet de la modernisation économique, de l’industrialisation et de l’ouverture de la Côte d’Ivoire sur le monde, constitue l’esprit de l’Houphouétisme.

Il semble qu’une partie de la postérité politique de Félix Houphouët-Boigny  ait perdu cette mémoire de l’houphouëtisme. Parlant désormais d’exhibition d’infrastructures, disqualifiant toute politique d’intégration nationale par le biais des équipements publics, révoquant le nationalisme libéral au profit du nationalisme identitaire, elle semble avoir fait le choix du modèle communautaire de la nation et de l’État dont procède toujours la désintégration des cités multiethniques et multiconfessionnelles.

Il est donc aujourd’hui d’importance existentielle de sauvegarder l’Idée de la Côte d’Ivoire à travers une nouvelle coalition politique éclairée par l’esprit de l’houphouëtisme. Cette coalition vitale, condition de la pérennité du modèle Houphouëtiste de la Nation, est requise pour la Présidentielle 2020. Elle permettra de préserver et d’assurer la continuité des acquis démocratiques de la présidentielle 2010 qui replaça la Côte d’Ivoire sur le chemin de l’intégration politique et du développement économique.

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