Préserver le pouvoir et l’Etat comme moyen d’intégration sociale : l’enjeu globale de l’élection présidentielle 2020 en Côte d’Ivoire.

Dans le brouhaha confus des clameurs, des émotions, des propagandes, il est nécessaire de prendre un peu de HAUTEUR RÉFLEXIVE et critique pour COMPRENDRE les ENJEUX d'une COMPÉTITION et d'une échéance électorale vitale.

Il faut déterminer, par la RÉFLEXION, la source de légitimité de ceux qui sollicitent le suffrage universel en Côte d'Ivoire.

Certes, le but apparent et évident de la lutte politique, c'est la conquête et l'exercice du pouvoir d'Etat. Tel est L'OBJECTIF IMMÉDIAT de tous les candidats déclarés ou potentiels dans une compétition électorale.

Le POUVOIR  N'EST CEPENDANT pas, en politique, UN BUT FINAL, une FIN EN SOI. Ce n'est pas la raison d'être ultime (Ultima ratio) de la lutte politique.

Comme toutes les choses de ce monde, le Pouvoir est "par nature, par définition, par essence et de la manière la plus évidente UN MOYEN " selon l'expression de la grande philosophe française Simone Weil (ne pas confondre avec Simone Veil la femme politique française).

Transformer le pouvoir en fin alors qu'il n'est qu'un moyen, c'est renverser et pervertir une relation fondamentale dans l'ordre des choses du monde de l'ici-bas.

Ce RENVERSEMENT, ce retournement de la RELATION ENTRE FIN et MOYEN est la figure formelle du mal absolu dans les collectivités humaines.

L’équilibre formel des cités humaines, leur progrès et leur perfectionnement reposent sur le fait que les choses du monde, notamment le pouvoir politique, servent à réaliser les universaux, autrement dit les fins, dont ces choses sont les moyens. Cet équilibre repose sur le fait que les moyens ne se transforment pas en fins en soi à la place des universaux. Le renversement de cette relation formelle suscite dans la cité un aveuglement collectif et une perte de sens, qui installent le triomphe de la démesure et de la fausseté.

Quand le pouvoir et l'Etat se transforment en fin en soi, ils deviennent des fléaux et les politiciens qui sont les acteurs de ce renversement deviennent des opérateurs de calamités.

Le pouvoir s'affirme comme domination et non comme pas source de libération. L’Etat s'affirme comme service de la particularité et non pas comme service de la généralité.

Les totalitarismes, les dictatures et les autocraties répressives et prévaricatrices comme figures politiques emblématiques du mal absolu naissent toujours de ce renversement de la relation entre fin et moyen.

En nos États, ce renversement anéantit nécessairement la politique, rend impossible le travail de médiation qui permet de rassembler les identités et d'unir les polarités de la cité.

L’acteur qui cède à cette aliénation et à ce péché d'orgueil est pour la cité un fléau d'autant plus dangereux qu'il s'adonne nécessairement à la manipulation des identités ethnique et confessionnelle  et des affects des masses pour parvenir au pouvoir. Divisant intérieurement la Cité, il rend impossible la fin ultime, le bien politique dont le pouvoir est le moyen : l'intégration de la cité, la transformation du multiple en unité, la libre expression et la reconnaissance réciproque des particularismes, l'émancipation individuelle et collective. Sauvegarder dans la politique ivoirienne l'intégrité de la relation entre fin et moyen, préserver la définition du pouvoir et de l'Etat comme moyen d'intégration nationale est l'enjeu global de l'élection présidentielle 2020 en Côte d'Ivoire.

La crédibilité politique et la légitimité démocratique des candidats à l'exercice du pouvoir doit s'évaluer à travers leur capacité à faire du pouvoir d'Etat le moyen, l'instrument et la force opérationnelle d'un programme d'intégration nationale de la cité. Elle doit se juger à travers leur capacité à concevoir et faire du pouvoir, de l'Etat, de la Nation, de la production économique et de l'argent, les moyens de l'intégration nationale, de la solidarité sociale, de l'égalité, de la liberté, autrement dit, des universaux qui sont des fins en soi.

 

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