Comment évaluer la légitimité démocratique des acteurs politiques dans les États post-coloniaux d’Afrique sub-saharienne.

Sous sa forme démocratique, l’État moderne a un rôle fonctionnel spécifique qui est universel. Sa fonction est de bâtir l’unité nationale de la société, de transformer en un seul  peuple (dèmos) la multiplicité des communautés (ethnos) qui composent la population de son territoire. Elle est de transformer les groupes communautaires ( Gemeinschaft ) en société civile (Gesellschaft) en favorisant les associations corporatives et la libre association des groupements d’intérêts. Elle est de laisser s’exprimer les particularités et d’affirmer la liberté tout en préservant l’universalité et en défendant l’égalité à travers la loi. Son rôle fonctionnel est de laisser s’exprimer les intérêts particuliers mais de représenter et de défendre en même temps l’intérêt général.

Relativement à la problématique des équipement publics de la cité, le rôle de l’État est d’user de ses fonctions régaliennes pour construire les infrastructures d’intérêt général, les routes, les ponts, les équipements de sécurité publique, d’éducation nationale, et de communication  qui permettent de relier les régions et les populations de son  territoire de les faire communiquer, de favoriser leur commerce au sens général du  terme, d’assurer leur autonomie économique et politique, de garantir leur sécurité.

 Agissant ainsi conformément à sa fonction, l’Etat moderne, sous sa forme démocratique, en tous les pays du monde, se définit comme service public, défendant l’intérêt général de la cité et administrant le bien commun. Il s’affirme comme représentant politique et mandataire du peuple défini comme société et comme démos, et non pas comme communauté et comme ethnos. Sa raison d’être est de répondre aux demandes et aux besoins sociaux  de ce peuple.

Ce rôle fonctionnel de l’Etat moderne est la norme à partir de laquelle doit s’évaluer la légitimité des  gouvernances et des acteurs politiques dans les Etats post-coloniaux d’Afrique sub-saharienne. Cette légitimité doit se définir relativement à leurs aptitudes personnelles et à leur capacité à remplir ce cahier des charges, à respecter cette attribution, à se tenir au plus près de la fonction d’inclusion sociale et de construction nationale dans leur praxis et dans leurs discours, dans leurs programmes et dans leurs projets.

De l’État moderne, nous ne devons pas retenir en Afrique le modèle dévoyé transmis par la colonisation. Nous ne devons de même rejeter le modèle marxiste d’État de classe. Dans nos sociétés postcoloniales non industrialisées, ce modèle servit à légitimer les dictatures communautaristes qui furent l’expression africaine de la dictature du prolétariat.

 L’Etat colonial fut un instrument de pillage économique et d’asservissement politique des populations du territoire. Il évita à cette fin de développer les infrastructures des sociétés sous tutelle. Il fragmenta et atomisa les cités, entretint. Il y développa la conscience tribale des peuples, favorisa les regroupements communautaire et empêcha la formation d’une conscience civique transcommunautaire susceptible de donner naissance à une société civile revendicative.  

L’État africain postcolonial de classe, d’inspiration marxiste,  s’inscrivit dans ce sillage. Il  fut un instrument de domination endogène. Les avant-gardes des luttes anticolonialistes et des mouvements marxistes de libération nationale qui combattirent la domination coloniale en s’appuyant sur la revendication identitaire restructurèrent l’État de classe africain dans un sens communautariste et selon le modèle colonial à des fins d’oppression, de prévarication.

L’Etat communautaire postcolonial africain résulte de la fusion de l’État colonial et de l’État de classe autrement dit des formes dévoyées de l’État moderne. Il en est le produit génétique.

Nous devons, par exigence morale, politique, économique social  le révoquer définitivement. Tel est l’enjeu de la révolution démocratique africaine. Les sociétés civiles émergentes de ce XXIème siècle se doivent de rejeter, par la voie des urnes, les acteurs politiques africains en général et Ivoiriens en particuliers dont les praxis et les discours formulent un projet d’État communautaire.

 

 

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