Conscience malheureuse victimaire et blocage démocratique en Afrique noire.

La conscience malheureuse post-coloniale africaine est victimaire. C'est un fait avéré. Il en est ainsi parce que l'Afrique post-coloniale s'est définie comme étant la réprouvée de l'histoire, la victime innocente de toutes les oppressions et de toutes les injustices. En conséquence de ce sentiment d’insupportable injustice subie, elle s’est figée dans l'amertume, dans le ressentiment, dans l'acrimonie et les récriminations perpétuelles contre l'ancien colonisateur et contre l'Autre en général.

La situation de frustration collective causée par la colonisation a provoqué, en Afrique, un désir de retour vers le passé au lieu de provoquer un désir d’innovation et de conquête de l’avenir, une volonté de construire une nouvelle identité personnelle et sociale mariant la mémoire et les nouvelles formes de rationalité. Contrairement à l’Asie qui connut elle aussi la colonisation, la frustration collective  provoquée par ce phénomène  historique s’est  définie en Afrique  dans  un rejet de l’innovation et dans une absolutisation de la tradition et de sa répétition.

Au lieu de motiver une transformation volontariste progressiste du présent, la situation de frustration collective a motivé un rejet de la modernisation, de ses formes économiques, sociales et politiques identifiées aux figures de  l’aliénation coloniale. Une grande partie des intelligentsias et des élites des nouveaux pays indépendants a, consciemment ou inconsciemment, accueilli, par une fin de non recevoir,  l’esprit et les valeurs de la modernité. L’action collective africaine de type progressiste ou révolutionnaire a conséquemment pris une forme conservatrice et réactionnaire.

 Après la phase bureaucratique coloniale, les élites ayant pris la direction des Etats ont restructuré la société et l’Etat africains contemporains selon le modèle et les logiques des sociétés lignagères, des économies de subsistance, des  royautés et des empires précoloniaux. La situation de frustration collective  a suscité chez les élites une volonté farouche de perpétuer les anciennes structures au détriment des nouvelles structures. Leur rôle n’était-il pas pourtant d’être des médiateurs entre la tradition et la modernité ?  

Les adeptes africains des philosophies occidentales du soupçon, du léninisme stalinien et du maoïsme qui détenaient (et détiennent encore) une certaine hégémonie dans les universités africaines sont les architectes de cette conscience victimaire.  Le caractère réactionnaire et passéiste du "gauchisme" africain qui s'est souvent défini dans le traditionalisme, l'ethnonationalisme et le "socialisme communautaire" témoigne de sa nature réelle de force d'inertie et de régression.

L'histoire contemporaine de l'Afrique montre que les élites africaines, adeptes de ce marxisme tropicalisé, se sont régulièrement transformées en dictateurs ou en intellectuels organiques des dictatures.

Nous devons nous émanciper en Afrique noire en changeant la nature de notre conscience malheureuse.

Il est donc temps, en ce premier quart du XXIème siècle, de résilier ce "gauchisme" passéiste  et d'en faire l'Aggiornamento, de supprimer par un acte de réflexion sur soi, le caractère victimaire de notre conscience malheureuse afin de récupérer notre pouvoir d'historicité pour construire notre avenir en toute responsabilité en consentant à nous transformer et à changer nos sociétés dans le sens du progrès.

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