La pseudo-rencontre Bédié/Gbagbo à Bruxelles: un pied de nez à la démocratie en Afrique.

Deux semaines après la pseudo rencontre discrétionnaire Bédié/Gbagbo à Bruxelles, dont aucune preuve factuelle jusqu’à ce jour n’atteste la tenue, cet évènement est néanmoins, en dépit du sens commun, globalement considéré comme une rencontre historique et une réalité  politique normale par une grande partie de l’intelligentsia et des médias ivoiriens et Africains.

La rencontre Bédié/Gbagbo, qui blesse les règles élémentaires de l’éthique démocratique, est médiatiquement avalisée et légitimée. Aucun journal de la sous-région  n’a, à ma connaissance jusqu'à ce jour, mentionné le scandale constituée par cette rencontre discrétionnaire placée sous le sceau de l'autocratie communautariste, de la thématique identitaire et du partage du pouvoir entre des chefs politiques qui se considèrent comme représentants lignagers d'une collectivité d'autochtones envahie par l'étranger.

Un journal panafricain décrit, par le menu et sur le ton de la normalité, le déroulé de cette rencontre surréaliste entre deux chefs politiques qui se revendiquent ouvertement de l’ethno-populisme et dont le programme est  la chasse à l’étranger  un objectif confirmé par les déclarations sans équivoque de Henri Konan Bédié  au journal français Le Monde.

Ce silence médiatique des journaux du continent et des pays de la sous-région sur le scandale pose la question de la réappropriation de l’éthique de la démocratie pluraliste en nos Etats africains.

La rencontre Bédié/Gbagbo est, en réalité, une pseudo-rencontre discrétionnaire et honteuse entre un dictateur-détenu qui viole ouvertement son devoir de réserve et un vieil autocrate en mal de pouvoir qui escompte capturer l'électorat de son partenaire de circonstance dont il souhaite secrètement le maintien en détention. Il est à noter que le partage patrimonial du pouvoir fut le menu principal de cette non-rencontre. Aux dires des rares initiés qui furent tenus au courant des bribes de cette réunion discrétionnaire de facture autocratique, Henri Konan Bédié et Laurent Gbagbo  se seraient rencontrés durant moins d’une heure, en catimini à l’abri des lumières des cameras afin de se livrer à un sordide marchandage entre de soi-disant propriétaires patrimoniaux du pouvoir du peuple.

 LA RENCONTRE BÉDIÉ-GBAGBO EST BEL ET BIEN UNE PSEUDO RENCONTRE, PLUS EXACTEMENT UNE NON-RENCONTRE POLITIQUE, qui symbolise la résilience de la culture autocratique en certains secteurs de l'échiquier politique ivoirien et dans une partie de son intelligentsia.

L’occultation médiatique des questions que devrait légitimement soulever cette rencontre surréaliste entre deux chefs de partis au pedigree connu en matière de comportement liberticide, atteste d’une forme de normalisation scandaleuse de l’anormal d’un point de vue strictement politique et démocratique.

Comment croire que ces deux autocrates qui ont largement démontré leur aptitude à instrumentaliser et à manipuler l'identité ethnique et confessionnelle à des fins de pouvoir personnel se soient rencontrés pour sauvegarder la démocratie et le respect des libertés en Côte d’Ivoire ? Comment croire que ces personnes  dont l’habitus est de diviser pour régner et de mépriser le suffrage universel puissent réconcilier les Ivoiriens ?

Ne faut-il pas souligner que la réconciliation est le travail de la démocratie comme je viens de le démontrer dans une contribution récente sur cedea (cf : La réconciliation nationale: le travail de la démocratie, cedea, juillet 2019)?

Comment ne pas s'étonner que cette rencontre, qui devrait sceller une plate-forme politique de l'opposition, ait été finalement une rencontre secrète sans preuve tangible en violation flagrante du principe de publicité qui encadre les rencontres politiques en démocratie ?

Comment ne pas s'étrangler devant la diffusion de ce communiqué final asséné sans signature au terme d'une réunion censée pourtant décider du destin d'un peuple en modifiant les rapports de forces sur le terrain ?

Il importe de souligner qu'Henri Konan Bédié et Soro Guillaume sont entrés en dissidence du RHDP et tentent de s'allier à Laurent Gbagbo, leur pire ennemi naguère, pour n'avoir pas été intronisés par Alassane Ouattara dont on se demande bien comment il aurait pu céder le pouvoir d'Etat à ces deux prétendants par dévolution monarchique au sein du RHDP ?

Il convient de souligner que Laurent Gbagbo, autoproclamé "réconciliateur national", a été incarcéré à la CPI après avoir provoqué une meurtrière guerre civile dont il a refusé d'assumer la moindre des responsabilités.

La rencontre Bédié-Gbagbo à Bruxelles est la rencontre infantile et anti-démocratique des idolâtres du pouvoir, des irresponsabilités et du mépris du peuple souverain.

La non-rencontre de Bruxelles entre Bédié et Gbagbo est, comme telle, une insulte à la démocratie africaine, à l'électorat de ces deux autocrates et au peuple ivoirien.

Sa normalisation, par une certaine partie de la population et des médias ivoiriens et africains qui ne sont pas étonnés de son anormalité, soulève en Côte d'Ivoire et en Afrique en général, la problématique de la culture démocratique, de l’éthique et de l'esprit critique qui l'accompagnent. Il nous faut travailler inlassablement à instituer et promouvoir ces bases culturelles et cette éthique du régime de la souveraineté du peuple. Il y va du destin de la démocratie africaine.

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