L’élection au suffrage universel des despotes africains est-elle un progrès de la démocratie? 1ère Partie.

En Afrique Noire, le temps est à l’élection au suffrage universel des despotes  en qualité de garants sécuritaires du nouvel ordre économique et géostratégique. L’épouvantail djihado- terroriste s’est substitué à l’épouvantail de la révolution communiste qui fit les beaux jours des despotes africains du temps de la guerre froide. L’élection au suffrage universel des despotes africains soulève donc de graves interrogations.

Ne restaure-t-elle pas en Afrique Noire un statu quo ante  que l’on croyait révolu?  Menacée par le terrorisme djihadiste globalisé, notre époque politique et économique n’est-elle pas devenue  similaire à celle de la guerre froide entre les deux blocs où, dans l’Afrique des pré-carrés,  des dictateurs devaient tenir les lieux de l’ordre libéral et capitaliste pour contenir le danger communiste ? Ne sommes-nous pas subrepticement revenus en arrière, au temps où les pouvoirs autoritaires dans les démocraties à parti unique ou à parti dominant devaient garantir la stabilité politique et l’ordre public favorables au développement économique ? La réélection démocratique des dictateurs « libéraux », en qualité de garants de l’ordre public  censé permettre la croissance et l’émergence économique, ne ramène-t-elle pas, de fait, l’Afrique Noire à l’époque des Etats « libéraux » autoritaires censés garantir le développement économique ? En contradiction avec la rationalité historique, ce régressionisme ne l’est-il pas aussi avec la rationalité politique et économique stricto-sensu ?

L’histoire a démontré que, gardée par des despotes dans des démocraties à parti unique, l’économie libre de marché avait dégénéré en économie contrôlée par le pouvoir politique et par sa nomenklatura. La gouvernance autoritaire avait dégénéré en corruption politique. Le développement économique et l’émancipation sociale  avaient viré en sous-développement économique et en régression sociale.

Le développement endogène pourrait-il, aujourd’hui émerger d’un libéralisme économique réduit à sa forme mercantile dans des régimes despotiques? La croissance dans une économie de marché monopolisée par une oligarchie pourrait-elle conduire à l’intégration économique de la société et à la redistribution qui favorise l’intégration sociale de la diversité ? L’inclusion de la diversité, l’émancipation de la société pourraient-elles résulter d’une démocratie restreinte à sa forme procédurale et dirigée par une oligarchie politique ?

En Afrique Noire, l’économie de marché est encore monopolisée de manière illégitime et incongrue par les maîtres du pouvoir politique, comme elle l’était dans les sociétés lignagères précoloniales dans un contexte historique différent. La démocratie des procédures est la nouvelle version de la démocratie de parti unique ou de parti dominant. Réservant le jeu démocratique à l’oligarchie, elle fait système avec le mercantilisme qui limite les échanges aux maîtres du pouvoir politique et du pouvoir économique, bloquant ainsi en Afrique noire la naissance d’une société autonome libérée de la tutelle des autorités dominantes.

 L’élection démocratique des dictateurs « libéraux » ramène donc de fait l’Afrique Noire à l’époque des Etats autoritaires qui devaient garantir le développement économique. La réduction de la démocratie à ses procédures en Afrique Noire favorise la mainmise des oligarchies et des démagogues populistes sur l’Etat. Elle protège le contrôle de la société par l’Etat et la mise sous tutelle des individus par des  personnages charismatiques. Dévoyé en mercantilisme, le libéralisme légitime économiquement la domination de la société par les maîtres du pouvoir politique qui sont aussi les maîtres de l’argent. Le mercantilisme restaure les anciennes hiérarchies, renforce les castes, creuse les inégalités nouvelles, accroît les exclusions, divise les sociétés au lieu de les unir et de les intégrer. Cette dérive de la démocratie et du libéralisme ne permet-elle pas de douter du projet de développement endogène, d’émancipation et d’intégration de la société par le marché, qui est celui de la démocratie libérale ? (A suivre)

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