Victoire du modèle de la coalition républicaine et urgence constitutionnelle en Côte d’Ivoire.

Les leçons de l’élection présidentielle ivoirienne d’octobre 2015. 2ème  partie

Loin de ternir la victoire du candidat du RHDP, l’appel au boycott qui n’est pas parvenu à faire descendre le taux de participation en dessous de 50% fait ressortir, au contraire, l’efficience électorale du modèle de la coalition. La victoire  électorale du candidat de la coalition RHDP en Décembre 2010 a été confirmée en Octobre 2015.

 En situation de crise, lorsque la République est menacée, un front républicain, une coalition des obédiences républicaines, s’avère indispensable pour garantir la majorité électorale permettant de préserver la République. A contrario l’échec de la tentative de coalition CNC des partis  politiques qui se réclamaient de l’article 35 doit être souligné. Ce regroupement, formé circonstanciellement  pour appeler au boycott de la présidentielle, n’a pas pu dépasser le stade de  la bande insurrectionnelle.  Rassemblement opportuniste et velléitaire sans programme politique cohérent et unifié, le groupe CNC n’a pas pu se transformer en coalition politique. L’échec électoral de cette tentative, symbolise l'échec électoral  de la politique  d’exclusion et d’homogénéisation ethnique dans la société multiethnique et pluriconfessionnelle ivoirienne dont l’hétérogénéité et la pluralité constituent l’ADN. Inhérent au projet du nationalisme communautaire, la brutalisation de la vie politique, l’exclusion et le refus de l’altérité, furent institués en Côte d’Ivoire au moyen de la violence physique et psychique, de la propagande et de la manipulation mentale et juridique.

Ces manipulations ont poussé à la fermeture des frontières ethniques qui n’étaient pas auparavant des barrières. Ces frontières étaient des ponts et des points de rencontre entre peuples différents comme l’atteste concrètement l’existence d’un florilège de peuples médiateurs tels par exemple les Tagbanas de Katiola, les Gôdès de Béoumi ou les Mahous de Touba pour ne citer qu’eux.

L’électorat ivoirien est maintenant ethniquement et régionalement polarisé. Cette polarisation doit être surmontée par un développement de la citoyenneté et par une Re-constitution de la République.

Certes la réélection du candidat du RHDP au taux de 83,66 %, addition des voix du RDR et du PDCI, témoigne  d’une  l’adhésion massive de  son électorat. Mais au-delà de la  majorité et de la minorité électorale quantitatives dégagées par l’élection présidentielle, demeure cependant  posé le problème de la qualité de l’électorat ivoirien. La présidentielle d’Octobre 2015 a révélé une polarisation ethnique et régionaliste qui, étant en contradiction avec l’exigence républicaine de citoyenneté, doit être impérativement surmontée.

La nécessité d’une nouvelle constitution républicaine.

L’enjeu du futur politique ivoirien est alors d’affirmer pleinement les valeurs et principes de la République et de la Démocratie. Les dirigeants politiques ivoiriens et notamment le gouvernement se doivent d’incarner ces valeurs dans une perspective d’exemplarité. Il s’agit de parvenir à les inscrire comme normes des conduites individuelles et collectives dans le quotidien ivoirien. Conformément au principe républicain d’égalité,  il faut affirmer l’impératif de citoyenneté. Conformément à l’exigence démocratique de pluralité, il faut affirmer le respect de la différence et défendre la coexistence des particularismes culturels qui doivent constituer la mémoire des identités  collectives et individuelles sans prétendre régenter l’Etat.

Urgence éducative et urgence politique

En ce sens s’impose une urgence  éducative: la Nouvelle Ecole Ivoirienne. Elle doit remplacer la vieille école qui n’est plus adaptée à la Côte d’Ivoire contemporaine. Cette Côte d’Ivoire nouvelle, formule une demande de République en même tant même temps qu’un besoin de démocratie. Cette nouvelle école doit donc produire un nouveau type d’ivoirien : un citoyen qui se réapproprie les valeurs et principes de la modernité tout en maitrisant sa propre mémoire culturelle ainsi que la rationalité instrumentale.

Cette urgence éducative fait ressortir une urgence politique. Il faut impérativement dépersonnaliser le débat politique, l’arracher aux griffes mortelles du culte de la personnalité. cf notre article : « Alassane Dramane Ouattara n’est pas un fétiche ». (cedea.net nov 2014) La rationalité doit devenir notre habitus culturel et régenter le champ de la politique ivoirienne. Pour surmonter les pièges de la pensée magique, la dynamique d’intégration économique de la diversité sociale doit être complétée par un débat démocratique rationnel sur les valeurs, les principes et les institutions d’une société pluraliste ouverte sur l’Altérité.

Il faut ramener pleinement le combat politique ivoirien sur le terrain du débat idéologique et de la discussion rationnelle critique. La lutte politique ivoirienne doit être conçue comme un affrontement de projets de sociétés et de programmes politiques contradictoires républicains. Telles sont, en effet, la définition et la substance de la lutte politique en démocratie. La représentation effective des intérêts des acteurs sociaux, le bien-être individuel et collectif, le vivre-ensemble de la diversité sociale, le service de l’intérêt général et la défense du Bien commun doivent en constituer les thématiques centrales. Les identités politiques réelles des partis doivent être, pour cela, clairement définies afin  d’empêcher les confusions qui favorisent les impostures.

 Au lieu d’être considérée comme une guerre pour l’accaparement du pouvoir, un affrontement de personnes et un déversoir des haines, la compétition électorale doit être entreprise comme une concurrence de programmes républicains, comme une confrontation de solutions différentes pour le service de l’intérêt supérieur de la nation. Elle doit être vue   comme une compétition de programmes portés par des candidats ayant des capacités, des aptitudes et des qualités spécifiques. En démocratie l’élection est, en effet, un concours de sélection d’individus-généraux et de programmes politiques  par le peuple souverain en vue de la direction de l’Etat et de la gestion du Bien commun. L’espace politique ivoirien doit, pour cela, être innervé par les valeurs cardinales de la Démocratie et de la République qui doivent constituer, au sens fort du terme, l’identité de Nation.

 Le projet formulé par le nouveau Président ivoirien de redonner à la Côte d’Ivoire une nouvelle Constitution, une nouvelle Loi Fondamentale qui réaffirme pleinement la vocation républicaine et démocratique du pays est en cela un projet capital. La mise en œuvre de ce projet restaurera pleinement  cette Côte d’Ivoire républicaine et démocratique qui est demandée par la majorité du peuple ivoirien. L’offre politique du nouveau gouvernement ivoirien doit commencer par répondre à cette demande.

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