Le problème de l’unification au PDCI. 1ère partie

Dans la Côte d’Ivoire démocratique nouvelle qui en appelle à l’avènement d’un Ivoirien nouveau, le PDCI  doit rebâtir son unité sur les cendres du modèle autocratique de la politique. L’unification du PDCI ne doit pas consister à réconcilier des factions partisanes personnalisées en occultant la question idéologique et axiologique. Le débat ouvert par cette problématique doit consister en une discussion ouverte entre les divers courants d’une famille politique qui cherche à reconstruire son unité sur la base de ses valeurs politiques et morales fondamentales. Il ne doit en aucun cas se réduire à un affrontement de chefs, de personnes et de clientèles.

Le PDCI doit donc se reconstruire en révoquant impérativement le modèle autocratique de la vie partisane  qui fut le ferment de sa division interne et la source de la rupture du contrat républicain. L’appel à l’avènement d’un ivoirien nouveau doit être complété par l’appel à l’avènement d’une nouvelle manière de faire de la politique au niveau des partis politiques, institutions fondamentales chargées de médiatiser le rapport entre la société civile et l’Etat démocratique. Le premier parti de la Côte d’Ivoire indépendante doit donc se mettre au diapason d’une Afrique nouvelle qui signe la fin d’une époque révolue : celle de la politique exotique. Le PDCI se doit, à tout le moins, d’être en Afrique Noire le pionnier d’une nouvelle manière de faire de la politique en rupture avec la politique exotique.

La politique exotique est caractérisée  par la nature patrimoniale des partis politiques, par l’absence de débats idéologiques contradictoires partisans, par l’unanimisme et par la confusion des identités partisanes. Elle est constituée par l’affrontement des personnes et la compétition des ambitions en lieu et place de la confrontation des idées et de l’affrontement des projets de société.  Elle est caractérisée par la subordination de la société civile aux partis politiques et par la nature clientéliste de leurs rapports, par l’indifférence du personnel politique aux intérêts des acteurs sociaux, à l’intérêt général et au Bien commun. La politique exotique est la réplique endogène de la politique coloniale. C’est une politique d’exploitation et de tutelle, de domination et de soumission de la société civile à la société politique et à l’Etat. Rompre avec la politique exotique consiste, pour tous les acteurs politiques de la modernité africaine, à se réapproprier les valeurs fondamentales de la République et de la Démocratie. Les différentes obédiences partisanes de la modernité politique ne sont rien d’autre que  les expressions particularisées de ces valeurs. La lutte politique  moderne est l’affrontement institutionnel de ces expressions particularisées. L’objectif ultime de chaque parti politique est de remplir pleinement, à travers des voies différentes, le programme de la République et de la Démocratie en vue de la liberté et du bien-être des individus et des collectivités.

 De ce point de vue, le PDCI doit rebâtir son unité se réappropriant  l’esprit du PDCI-RDA originel qui dirigea la modernisation et l’unification nationale d’une Côte d’Ivoire multiethnique et multiconfessionnelle. Dans la Côte d’Ivoire nouvelle de 2015, le PDCI nouveau doit s’unifier en raffermissant en son sein  le logiciel et les valeurs de la République et de la  Démocratie qui présidèrent à la construction de sa coalition en 2010. 

 Il faut en effet rebâtir l’unité du PDCI en revenant à l’esprit qui présida à la formation de ce parti par Félix Houphouët-Boigny. La problématique préliminaire incontournable est alors d’identifier clairement cet esprit, de définir précisément l’idée qui constitue l’âme du parti. Cette âme du PDCI-RDA articulait un projet de société dont les maîtres mots furent le dialogue et la tolérance. Le génie politique de Félix Houphouët-Boigny fut d’allier la citoyenneté à l’ethnicité, la République aux coutumes et au respect des particularismes culturels, dans un projet de modernisation économique et politique, sans que ces derniers ne régentent l’Etat. Tel fut le génie politique de Félix Houphouët Boigny.

A la différence du républicanisme jacobin français, le républicanisme centralisateur ivoirien ne fut pas fondé sur l’élimination des particularismes culturels. Le pluralisme ethnique et confessionnel de la Côte d’Ivoire fut le sous-bassement de la participation républicaine au projet de modernisation. Telle fut l’œuvre essentielle de Félix Houphouët-Boigny dont il faut s’inspirer. C’est l’idée qui doit diriger le projet de rebâtir un parti unifié adapté au temps  de la démocratie qui autorise le pluralisme des obédiences idéologiques et la libre expression des courants internes.

L’appel de Henri Konan Bédié à reconstruire l’unité du PDCI est un appel à rebâtir, conformément à cet esprit du PDCI-RDA originel, un parti unifié adapté au temps de la démocratie pluraliste dans la Côte d’Ivoire nouvelle. Configurée selon le modèle du parti unique  pour répondre aux besoins spécifiques de la Côte d’Ivoire des années 1960 à 1980, l’unité du PDCI-RDA ne va plus de soi en 2015 dans le temps de la démocratie libérale pluri-partisane. Elle est devenue de surcroît problématique après la présidentielle d’Octobre 2015. Le problème de la reconstruction de l’unité du PDCI-RDA doit donc être résolu relativement à la fracture idéologique qui a révélé, au sein de cette famille politique, le divorce entre la République et l’ethnicité. Leur articulation subtile a été rompue et l’ethnicité s’est dressée en ennemie de la République générant un conflit entre deux courants désormais antinomiques. L’urgence est alors de réunifier dialectiquement ces deux courants dans une synthèse qui assure la prééminence de la République. (A suivre)

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