Laurent Gbagbo fut-il un démocrate ? 2ème partie

Laurent Gbagbo n’a pas combattu pour ouvrir la Côte d’Ivoire au multipartisme afin d’instaurer, pour de bon, la démocratie en faisant des trois principes cardinaux de ce régime les maximes suprêmes du pouvoir d’Etat et les lois de la politique en Afrique. Affilié idéologiquement au socialisme révolutionnaire nationaliste de type léniniste-stalinien, sa conversion à l’élection démocratique fut de nature opportuniste et tactique autant que stratégique. A défaut de la voie révolutionnaire qui n’est plus dans l’air du temps, l’élection démocratique fut pour Laurent Gbagbo  un moyen d’accéder légalement  au pouvoir pour installer une dictature de classe. Les massacres de masses perpétrées par ses milices et ses escadrons de la mort contre les catégories sociales désignées comme ennemis, accomplirent l’œuvre d’élimination des ennemis de classe  qui est inhérent au projet révolutionnaire du socialisme de type léniniste stalinien. Ce fut en même temps un travail d’éradication  qui satisfaisait le projet de purification ethnique contenu dans le nationalisme ethnique,  second visage sombre du national-socialisme du FPI. Fidèle à sa conception du peuple comme peuple ethnique, le combat « démocratique » révolutionnaire de Laurent Gbagbo a nécessairement accouché d’une dictature communautaire  désireuse de libérer la Côte d’Ivoire en la purifiant des concitoyens désignés comme étrangers.

Laurent Gbagbo n’a donc pas combattu  pour accéder au pouvoir suprême dans le but de refonder la gouvernance de l’Etat ivoirien sur les réquisits d’une démocratie républicaine articulée par le principe de citoyenneté. La finalité de la lutte politique de Laurent Gbagbo fut d’accaparer le gouvernement afin d’exercer un pouvoir personnel  illimité dans une dictature ethnique ventriloque prétendant parler au nom des communautés dites « autochtones » qu’elle dévorait.

Le refus de céder le pouvoir, après dix années de gouvernement sans élection présidentielle, fut la conclusion nécessaire d’une logique d’accaparement et de domination multiforme qui refusait les règles du jeu de la démocratie représentative et et rejetait le principe de l’alternance du pouvoir. Au temps de la splendeur du FPI, le fameux slogan électoral « on gagne ou on gagne » était l’expression cynique de la morgue du tricheur politique patenté qui est prêt à tout pour conserver le pouvoir.

L’esprit de la démocratie fut pour cela trahi, dès le départ, par l’entorse faite à la lettre de la démocratie dans les modalités de l’élection présidentielle par lesquelles Laurent Gbagbo accéda au pouvoir en 2000. Les élections de 2000, « élections calamiteuses » selon sa propre expression, ne le furent pas accidentellement. Les candidats du PDCI et du RDR furent exclus de la compétition électorale, empêchés de se présenter à l’élection présidentielle par l’intimidation, la terreur et la manipulation de la Constitution qui assuraient la « victoire » électorale de Laurent Gbagbo en tant que candidat d’un anti-mouvement social !

Aujourd’hui encore le refus obstiné, par d’anciens membres du FPI du projet de  modification du code de la nationalité  dans la Loi Fondamentale ivoirienne,  atteste de la résilience de l’ethno-nationalisme antidémocratique de conviction qui structure en profondeur le projet politique du parti.  Le  refus  par l’aile dure du FPI, « la tendance Abdoudramane Sangaré » de jouer, son rôle démocratique en tant que parti d’opposition républicaine,  atteste emblématiquement  de  la position idéologique d’un parti qui ne se représente l’Etat que comme incarnation politique d’une homogénéité ethnique. Selon cette tendance  qui prétend incarner l’orthodoxie du parti de Laurent Gbagbo, le pouvoir d’Etat est la propriété exclusive d’une communauté d’autochtones enracinés dans le sang (Blut) et dans le sol (Boden), « Blut und Boden » au sens nazi de l’expression.

 Le  refus  par cette aile dure du parti,  de s’engager dans une opposition constructive pour tenter de reprendre le gouvernement en obtenant la majorité des suffrages aux élections, grâce à la pertinence d’un projet de société et d’un programme de gouvernement républicains, traduit ce fait que le peuple a toujours été pour le FPI de Gbagbo une ressource politique destinée à être manipulée et instrumentalisée au profit d’un chef charismatique . Le refus par cette aile dure du FPI de regagner une crédibilité politique par le débat et les propositions rationnelles, afin de reconquérir électoralement le pouvoir d’Etat sous l’arbitrage du peuple souverain, démontre que le FPI demeure dans la logique antidémocratique de la force qui fait peu de cas de la souveraineté de la vox populi !

Le gouvernement du FPI ne fut pas le gouvernement démocratique d’une société où l’autonomie de la société civile et de la société politique avait été restaurée après la chute du parti unique. Ce fut à nouveau le gouvernement d’un parti despotique qui avait envahi la société civile naissante en transformant en clientèle  la majeure partie des ONG et en incorporant les organisations populaires dans l’appareil du parti et bientôt dans celui du parti-Etat FPI lorsque le parti s’accapara  le  pouvoir.

Laurent Gbagbo ne fut pas le démocrate qui avait libéré la Côte d’ivoire de l’oppression interne et étrangère et restitué  à son peuple la souveraineté dont elle fut spoliée par le colonialisme. Le gouvernement de Laurent Gbagbo, chef fétichisé par son parti qui lui voue un culte sectaire, ne fut pas le gouvernement d’un peuple pluriel par ses représentants dans un Etat démocratique. Laurent Gbagbo, fut le chef totalitaire d’un régime criminel  qui ne recula pas devant le meurtre de masse pour tenter d’homogénéiser ethniquement la société  afin de la soumettre à la dictature d’un individu qui prétendait, dans une colossale imposture, incarner dans son être particulier,  la Démocratie. ( A suivre)

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