La maîtrise de la bataille politique, condition de la victoire du RHDP. (3ème partie.)

Comment répondre à la charge portée par l’opposition qui accuse le gouvernement d’avoir creusé la fracture sociale, de mener une politique plus soucieuse des intérêts sectoriels des multinationales que de la population ? Quelle réponse apporter à l’impatience d’une population qui désespère d’attendre les retombées sociales des fruits de la croissance ?

Cette accusation partisane  qui brode sur le thème de l’inhumanité d’un gouvernement « soumis » à « l’ordre marchand » et cette impatience de la population qui en appelle à une redistribution immédiate contestent tout bonnement  la légitimité du choix gouvernemental qui donne la priorité à l’investissement économique sur la redistribution de type clientéliste. Ce choix qui ne sacrifie pas pour autant la redistribution de type économique doit donc être légitimé par la médiation de la démocratie de proximité.

Expliquons-nous.

 L’une des  problématiques fondamentales en démocratie représentative consiste à distribuer équitablement les ressources. Cette distribution qui commande le développement endogène est organisée par  le couple investissement/redistribution du produit national. Les économistes et les sociologues du développement insistent cependant  sur le rapport dialectique subtil et délicat de ce couple. L’une des urgences qu’affrontent les démocraties naissantes africaines étant l’accumulation des ressources et la reconstruction des infrastructures, tâche nationale à laquelle ont failli la plupart des autocraties de l’après indépendance, la priorité revient naturellement à l’investissement. Le risque serait alors d’accorder un privilège excessif à cette dimension nécessaire du développement endogène au détriment de la redistribution. Ce déséquilibre  met en danger la participation sociale et provoque des tensions qui risquent de conduire à la rupture du corps social. Inversement, une contre-offensive en direction de la redistribution peut affaiblir l’investissement, mettant alors en danger le développement. Grisée par l’euphorie du boom pétrolier qui l’avait  incité à choisir accorder la priorité à la redistribution, augmentant de ce fait  exagérément les salaires de la fonction publique, le Ghana  vient d’en faire l’amère expérience (cf.http://economie.jeuneafrique.com/regions/afrique-subsaharienne/23073-crise-comment-le-ghana-en-est-il-arrive-la-.html.

La problématique politique consiste pour cela à engager la population dans une démocratie participative, de telle sorte qu’elle fasse sienne cette tension des deux volets indispensables du développement. Elle est aussi de réussir à intégrer dans le projet national, les acteurs sociaux et les acteurs économiques qui ont des logiques différentes, les premiers désirant la redistribution, les seconds l’accumulation des ressources. En cet affrontement contradictoire des logiques, opposées mais complémentaires, de l’investissement et de la redistribution, la démocratie trouve sa raison d’être cardinale. La démocratie de proximité doit être mise en œuvre pour résoudre le problème de l’intégration des acteurs économique et sociaux dans la politique de développement.

La démocratie comme le souligne Touraine n’est en effet rien d’autre qu’un « système de gestion politique du changement social ». Le gouvernement opérera dans ce cas, comme acteur démocratique, en résolvant les crispations sociales par une politique d’attention aux particularités et à travers le dialogue social. Il opérera de même, comme acteur de développement, en gérant démocratiquement  les tensions entre l’investissement économique et la participation sociale. Car le développement n’est aussi rien d’autre que « la gestion politique des tensions sociales entre l’investissement économique et la participation sociale ». Telle est en effet la fonction démocratique de la société politique. Son rôle est de médiatiser les tensions sociales par le dialogue et le compromis.

En montrant ainsi que les tensions sociales et l’affrontement des intérêts sociaux et économiques sont la substance de la démocratie, il importe de souligner, que les adversaires du gouvernement ivoirien auraient grandement tort de prendre pour contestation révolutionnaire du nouveau pouvoir, les tensions sociales qui s’inscrivent dans la logique des mouvements de revendications sectorielles légitimes. A ces revendications démocratiques doivent donc être apportées des réponses politiques démocratiques et non pas sécuritaires et militaires. Au temps du pouvoir FPI, ces manifestations, qui n’étaient que des mouvements sociaux frappés du sceau de la défense d’intérêts corporatistes légitimes, furent pourtant accueillies  à coup de roquettes, de tirs blindés et de mitrailleuses lourdes. On déplora de nombreuses pertes inutiles en vies humaines, résultats de  l’incompétence politique d’un pouvoir sans vision et sans programme, qui s’abîma   dans le gouffre de la dictature.

Le destin funeste du pouvoir FPI fut le résultat de son incapacité à inscrire le gouvernement dans la démocratie et à concevoir  le développement en articulant les deux termes de l’équation investissement/redistribution dans le sens d'un projet de société émancipateur. Ce destin funeste éclaire donc le problème politique que le pouvoir ivoirien actuel doit réussir à résoudre. Ce problème est celui de la méthode de gouvernement permettant de gérer démocratiquement la distribution des ressources. (A suivre)

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