Henri Konan Bédié peut-il être l’artisan de son propre salut politique en Côte d’Ivoire ?

Henri Konan Bédié peut-il encore reconquérir sa place de schème de l’houphouëtisme et de sage de la nation dans le panthéon ivoirien?

Il n’est pas irrationnel de l’espérer, en dépit des apparences. Pour y parvenir, Henri Konan Bédié devra réussir à s’arracher à l’illusion transcendantale qui le conduit à voir, en la personne d’Alassane Ouattara, un adversaire et un concurrent dans la lutte pour le pouvoir d’Etat,  au lieu d’y voir un partenaire nécessaire dans le service d’une valeur et d’un projet sociétal dont ce pouvoir  n’est que l’instrument. (cf: "L'alliance Henri Konan Bédié/Alassane Ouattara, schème historique de l'houphouëtisme", cedea.net, mars 2018) 

 Le chef du PDCI doit retrouver, en sa liberté de conscience et d’action, la source de son salut politique. Ce salut consiste pour Henri Konan Bédié  à se réconcilier avec la  valeur et le  projet sociétal de la démocratie républicaine dont la vision politique de Félix Houphouët-Boigny fut l'expression en Côte d'Ivoire.

La liberté humaine est, certes, originellement corrompue. Elle demeure, néanmoins, la source de la perfectibilité de la personne. Elle représente la force innée d’initiative qui permet à chacun de se libérer de l’hétéronomie, de se détacher des déterminismes historiques, de révoquer le passé, de corriger ses errances et de les percevoir comme telles lorsqu’elle s’affirme comme raison pratique autrement dit comme volonté.   

Henri Konan Bédié est allé trop loin dans l’aventure de la dérive identitaire qui scelle inéluctablement, de manière évidente, sa perte politique en raison de l’implacable arithmétique démocratique, fondée sur l’addition et la multiplication,  et non pas sur la soustraction et la division.

 Le chef du PDCI identitaire, qui s’est laissé prendre au piège de l’hubris du pouvoir et du discours clivant du nationalisme identitaire, s’est replié sur son groupe ethnique et sur le royaume Akan.

Franchissant les frontières du pays pour en appeler au soutien du royaume Ashanti au Ghana, il a remis ainsi ouvertement en cause la République et l'intégrité du territoire en Côte d’Ivoire. Il ne ralliera pas, sur son nom ou sur celui de son poulain, la majorité du suffrage des Ivoiriens dans une Côte d’Ivoire sociologiquement diversifiée dont une grande partie des habitants se reconnaît dans la République et  n’appartient pas au royaume Akan.

Il est aussi évident qu’Henri Konan Bédié, ou son éventuel poulain, ne sera pas le candidat consensuel d’une plate-forme manifestement mort-née, dont toutes les parties prenantes ont des agendas divergents. Elles sont unies dans une même logique instrumentale, sont animées par une même appétence démesurée du pouvoir personnel et aspirent conséquemment  à présenter leur propre candidat, comme en attestent leurs déclarations et leurs actions sans équivoque.

Devant cette impasse et cette souricière politique, quelle option rationnelle et pragmatique s’offre au vieux chef du PDCI ?

La réponse me semble évidente.

Dans son intérêt politique bien compris, Henri Konan Bédié, l’ex-chef d’Etat, devrait choisir de reprendre sa place de sage de la nation au sein du RHDP en réinvestissant son poste déserté de schème vivant de l’alliance houphouëtiste entre l’identité ethnique et la rationalité économique et scientifique.

Ce réinvestissement, qui le réconcilierait avec la vision houphouëtienne de la Côte d’Ivoire partagée par le Président de la République Alassane Ouattara, passe par un acte de conversion volontariste qui relève de la liberté interne de la personne.

Pour le chef du PDCI, la problématique est de révoquer, à travers un acte de volonté, le choix accidentel antérieur par lequel il s’est mis en porte-à-faux avec sa propre destination politique comme serviteur d’une valeur et témoin d’un projet sociétal qui dépasse sa personne.

Il s’agit de reprendre sa place au sein du RHDP pour  préserver, en qualité de témoin, l’alliance pérenne de l’identité ethnique et de la rationalité économique et scientifique, de la tradition et de la modernité. La problématique est de réinvestir cette alliance conclue pour réaliser dans la durée le projet de développement endogène, qui fut la raison d’être du PDCI-RDA.

Henri Konan Bédié devrait se réconcilier avec la vision Houphouëtienne de la Côte d’Ivoire dont il était l’un des serviteurs emblématiques pour réoccuper sa place de schème aux côtés du Président de la République Alassane Ouattara. Cette réconciliation avec une valeur n’est pas externe. Elle est interne. C’est le fait d’une action autonome de réflexion sur soi, d’une pression de la volonté humaine sur elle-même qui transmute un choix personnel. Elle résulte d’un usage interne de la liberté par lequel une personne triomphe moralement d’elle-même, ou décide pragmatiquement de modifier un choix antérieur pour s’inscrire dans la logique et la rationalité d’un système ou d’une institution.

Le célèbre journaliste et écrivain ivoirien Venance Konan est, en Côte d’Ivoire, l’exemple de cette conversion interne. Les tiers ne peuvent être que des incitateurs. Leur intervention n’est nullement décisive.

Il appartient à Henri Konan Bédié et à lui seul, d’opérer en lui-même la conversion de la volonté lui permettant de s’inscrire dans la forme politique normative constitutive de la Côte d’Ivoire dont il s’est écarté : l’alliance pérenne de l’identité ethnique et de la rationalité, de la tradition et de la modernité.

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