Pourquoi la plate-forme projetée par le FPI, le PDCI et le RACI en Côte d’Ivoire demeurera-t-elle chimérique ?

Depuis 2014, l’échec répétitif  des projets de plate-forme de l’opposition ivoirienne semble s’expliquer par le fait que les motivations respectives des partis prenantes soient en contradiction avec l’esprit de ce dispositif inter-partisan qui permet de conquérir la majorité des votes dans une démocratie pluraliste. Ces échecs semblent être, à la fois, le symptôme et le reflet spectaculaire de cette contradiction. Il importe de justifier rationnellement cette hypothèse.

Dans un régime de démocratie pluraliste, les plate-formes et les coalitions sont construites par des partis aux visions complémentaires désireux de fédérer leurs forces pour conquérir la majorité des urnes en vue de réaliser un programme politique commun.

Ce programme qui transcende les égos des chefs et les intérêts particuliers des partis, est la raison d’être de ces dispositifs stratégiques de l'affrontement politique dans les démocraties pluralistes.

Ce principe formel supérieur  fédère les parties prenantes et permet d’établir le consensus sur le nom d’un candidat commun dans la compétition pour le pouvoir. Ce candidat consensuel est choisi en raison de ses aptitudes et capacités morales, politiques, intellectuelles, et technocratiques qui permettent  de réaliser le but commun.

L’Exemple allemand de la grande coalition (Grosse Koalition) CSU/SPD dirigée par la Chancelière Angela Merkel est l’analogue de l’exemple ivoirien du RHDP dirigé par le Président de la république Alassane Ouattara (Cf. : « La problématique de la coalition allemande RHDP éclairée par celle des coalitions allemandes » ; cedea.net, Décembre 2017).

Ces deux formations incarnent des fronts républicains formés pour poursuivre une politique libérale et sociale de croissance et de redistribution équitable afin de faire échec à la poussée d’un bloc identitaire qui menace la cohésion sociale et l’unité politique du pays

L’esprit de ce dispositif politique des démocraties pluralistes, voudrait que la plate-forme de l’opposition ivoirienne en essaie de formation contre la majorité libérale RHDP au pouvoir, soit un bloc identitaire de conviction sociologiquement et historiquement enraciné.

L’élément fédérateur de cette plate-forme dont toutes les parties prenantes, le FPI, le PDCI et le RACI tiennent le discours du national-populisme et de la défense identitaire, devrait être une volonté commune  de construire en Côte d’Ivoire une société d’autochtones et un Etat qui l’incarne.

Cette vision commune de conviction identitaire qui transcenderait les égos des chefs et les intérêts particuliers partisans, permettrait de fonder le consensus sur le nom d’un candidat commun parmi les chefs des parties-prenantes de la plate-forme.

Qu’au fil des ans, depuis 2014, cette plate-forme ressemble de plus en plus à une simple velléité impossible à réaliser, qu’elle continue d’être une chimère, traduirait donc, de la part des parties prenantes, un déficit de conviction identitaire.

La revendication identitaire et le projet de redéfinition communautariste de la société et de l’Etat ivoirien semble être un prétexte superficiel dissimulant d’autres raisons plus profondes.

Il manque à cette plate-forme en essai de formation un principe formel  qui transcende les égos des chefs et les intérêts particuliers des appareils partisans. Ces égos, ces ambitions personnelles  et ces intérêts particuliers forcément divergents et antagoniques agissent alors comme des forces centrifuges éloignant en permanence, les unes des autres, les parties prenantes de ce dispositif stratégique.

La plate-forme de l’opposition est, en fait, envisagée par le FPI le PDCI et le RACI comme un dispositif instrumental clientéliste devant permettre à chacun d’utiliser l’électorat des autres pour capturer le pouvoir d’Etat à leur détriment. Chacun refusant de le céder à l’autre, minés par le soupçon et la méfiance, animés par un esprit patrimonialiste, ils vont alors en rang dispersé, à la conquête du pouvoir d’Etat absolutisé, fétichisé et considéré par chacun comme un mât de cocagne.

 Il est éclairant de souligner sur ce point que la dénonciation de la coalition RHDP comme parti unique par le FPI, par le PDCI et le RACI, sa réduction au RDR, l’une des parties prenantes, semble trahir de la part des accusateurs, une incapacité à concevoir l’esprit et la raison d’être d’une coalition ou d’une plate-forme.

Ce réquisitoire, révèle en réalité que, pour ces acteurs de la classe politique ivoirienne, les partis, les plate-formes et les coalitions ne sont que des instruments au service des ambitions de pouvoir de leurs chefs

Cette instrumentalisation de la plate-forme par les égos des chefs viole, l’esprit de ce dispositif stratégique de l’affrontement politique partisan. Cette vision purement opportuniste et clientéliste, soulève la question de la fonction des thématiques identitaires et populistes dans les formations politiques ivoiriennes qui s’en réclament.

Que représentent alors le discours identitaire autochtoniste et le national-populisme frénétiquement mobilisé en commun en qualité de discours politique par le FPI, le PDCI et le RACI ?

Appréhendé sous cette perspective, ce discours identitaire se révèle être un discours opportuniste et clientéliste, un appât utilisés pour capturer le pouvoir d’Etat.

La nature chimérique de la plate-forme projetée par le FPI, le PDCI et le RACI qui sont loin d’incarner un ethno-nationalisme et un national-populisme de conviction démontre que le discours identitaire a toujours servi, depuis 1990 à camoufler le patrimonialisme et les projets prédateurs souvent meurtriers des acteurs politiques ivoiriens qui s’en servent.

 

 

 

Les commentaires sont fermés