EN MARCHE AVEC LE RHDP VERS “LA PATRIE DE LA VRAIE FRATERNITE”

DIBI Kouadio Augustin

Professeur titulaire de Philosophie

Université Félix Houphouët Boigny de Cocody

A travers les aspects du ciel et de la terre, nous comprenons qu'il va pleuvoir ou qu'il va faire chaud. C'est que, dans le fond, rien ne se pose pour se déployer pleinement à l'extérieur qui ne se soit laissé présupposer par des signes annonciateurs. Depuis le Premier Congrès Ordinaire du RHDP, le cours des choses ne nous invite-t-il pas à comprendre que dans l'aventure historique de la Côte d'Ivoire, est apparue une étape nécessaire et incontournable en laquelle se tisse un nouvel avenir?

Le rôle de l'œil est de voir et celui de l'oreille, d'entendre. Il suffit que chacun de nous laisse ces deux sens exercer naturellement leur rôle pour constater que le RHDP affirme et consolide sa présence et sa raison d'être avec l'évidence du bon sens. La réalité ne révèle-t-elle pas que sont nombreux les hommes et les femmes qui, en un éclair, ont dû sentir que cette formation politique est un beau cadeau que la bienveillance d'un destin amical offre à notre pays? Ils comprennent que celui-ci ne peut pleinement s'ouvrir à la modernité qu'en se ramassant suffisamment en soi-même, en se donnant une assise solide consistant à unifier des demeures de la même maison, à rassembler les membres épars d'une unité s'étant historiquement diffractée après la disparition de son premier bâtisseur.

L'esprit manquant de sens dialectique n'a-t-il pas tôt fait de dénoncer un retour au parti unique? Il convient d'entendre les mots d'une oreille saine. Unifier n'est pas ramener à l'unique, mais simplement conduire des termes particuliers à s'éveiller à leur propre vérité en se poussant vers le maximum d'eux-mêmes. Des termes s'étant différenciés se voient invités au ressouvenir du lieu logique qui les honore afin de se redéployer de manière dynamique vers l'essentiel. Est parti unique le parti qui est seul, qui existe, exclusion faite de toute autre formation politique. Or, le RHDP ne se construit pas par une loi ne permettant qu'à lui seul d'exister et de gouverner : il construit, il se construit en unifiant. Unifier des partis politiques issus de la même obédience ne renvoie à aucune visée totalitaire, mais au désir en soi simple de former un tout cohérent afin de porter plus loin et plus haut l'œuvre de construction d'une nation multiethnique, à la culture essentiellement métisse, initiée par le Président Félix HOUPHOUËT BOIGNY. N'est-il pas d'ailleurs naturel aux hommes de rassembler leurs forces et de chercher à former un tout, quand ils ont acquis la nette certitude que c'est en s'unissant qu'ils pourraient aller loin et qu'ils réussiront à bâtir une œuvre s'enracinant dans la longue durée, tel un arbre propageant partout ses fruits?

Dans le contexte actuel de l'histoire de la Côte d'Ivoire, la moindre réflexion révèle qu'il n'est pas d'autre chance de salut que ce Rassemblement qui est l'idéal politique du Président Félix HOUPHOUËT BOGNY dans l'éclat de sa vérité, en flamboiement de sa substance, en puissance et en acte de soi. N'est-il pas question de "forger, unis dans une foi nouvelle, la patrie de la vraie fraternité", comme le souligne notre hymne national en une de ses scansions? La vraie fraternité, que doit-elle exprimer, sinon un être-ensemble où les hommes dans leur diversité sont compris comme les rameaux de la même vigne, où les ethnies, au lieu d'être absolutisées et fétichisées, s'éveillent à l'humain en chacune d'elles, et ainsi à la réalité des autres, pour aller vers un dialogue faisant fleurir ce qui est là, entre nous, au milieu? Le RHDP est l'union dans une "foi nouvelle" pour "forger" pareil être-ensemble. Forger exprime un passage par le feu, dans l'obscur du lieu des germinations invisibles, avec la foi que demain sera meilleur et plus beau qu'aujourd'hui.

Dans cette perspective, ne semble-t-il pas contradictoire de se dire héritier du premier bâtisseur de notre pays et de refuser d'accueillir une formation politique marquée intrinsèquement, jusque dans son sigle, par son ressouvenir? C'est ne pas avoir encore commencé à sérieusement penser que de dire qu'en nous quittant il ne nous a laissé qu'un seul parti, comme si en se retirant de notre regard sensible, il nous avait demandé de ne plus rien entreprendre, d'être des artisans sans outils et de nous contenter de consommer en pure jouissance stérile ce qu'il a créé!  Si nous enfouissons dans le sol ce que le Président Félix HOUPHOUËT BOIGNY nous a légué, sans nous soucier de le faire fructifier en libérant nos énergies créatrices, quel genre d'héritiers sommes-nous? Ne serions-nous pas des consommateurs ingrats se contentant de cueillir ce que les autres ont semé et négligeant de planter pour les générations à venir?

Souligner cela renvoie à l'actualité en permettant d'aborder un point. Animées d'une bonne intention, soucieuses que notre pays connaisse paix, harmonie et stabilité, des personnes souhaitent par un dialogue direct que se réconcilient le Président de la République et le Président du PDCI-RDA. Qui pourrait refuser l'idée en soi d'une réconciliation? Rien en effet ne vaut l'entente, l'union, la convergence des vues pour consolider l'essentiel qui demeure l'avenir de la Côte d'Ivoire. Toutefois, comme le souligne Martin BUBER, il faut être deux pour comprendre un ciel bleu, pour nommer une aurore. Une chose infinie comme la réconciliation ne trouve son nom que dans un cœur aimant. La main tendue à l'autre ne peut se mettre à la place de l'autre. Elle a beau faire, elle ne peut prêter la volonté qui l'anime à l'autre main pour que celle-ci la saisisse! La réconciliation procède avant tout d'une conversion intérieure, d'un mouvement venant du dedans. Chaque terme est appelé à se rendre pleinement élastique en lui-même, à se détendre vers l'autre; de cette façon seulement, il verra l'autre en lui-même et lui-même en l'autre. Hegel parle en ce sens de "l'être-là"du Moi étendu jusqu'à la dualité" (das Dasein des zur Zweiheit ausgedehnten Ichs).

Ce qui vient de l'intérieur est simple. Simple est ce que le mot lui-même indique : sans pli. Ce qui est sans pli ne s'oppose-t-il pas à la duplicité et n'est-il pas en relation avec la sincérité? La réconciliation est reconstruction d'une relation interpersonnelle fiable, donc basée sur la sincérité, sur ce qui est sans cire (sine cira), ce qui a pris suffisamment le temps de mûrir en soi pour désormais s'offrir. Le sage nous dit : "ne soufflez pas dans la rose pour la forcer à s'ouvrir!". Quand de son parti politique l'on a pratiquement vidé de hautes personnalités, demandé en région baoulé qu'elles soient lors de leur passage huées, traité de fils adultérins les autres et affirmé qu'ils n'ont pu attirer à leur Congrès une grande foule qu'en distribuant de la sardine et des chiffons, n'a-t-on pas pris radicalement la décision de désormais naviguer ailleurs vers d'autres rives, de chercher d'autres alliés en vue de la constitution d'une plate-forme politique inédite?

C'est peu dire que de parier que cette plate-forme risque d'être bien plate, de ressembler à cette nuit dans laquelle toutes les vaches sont noires dont parle Hegel! Si elle tarde à nous être présentée, ce n'est pas en raison de son excellence et de sa sublimité que l'on ne devrait pas immédiatement exposer aux regards profanes! Elle ne vient pas à l'effectivité certainement parce que le rationnel ne la reconnaît pas en sa possibilité même. L'idée même de sa possibilité, une fois représentée, s'éteint pour ne laisser être que son inauthenticité logique intrinsèque.

Pourquoi se donner tant de peine à creuser des citernes fissurées incapables de retenir l'eau, lorsque la source d'eau vive est là, demandant qu'elle soit bue pour reprendre des forces, boucler nos sacs et poursuivre, dans un esprit de compagnonnage, le chemin vers la surrection d'une "patrie de la vraie fraternité"?

DIBI Kouadio Augustin

Professeur titulaire de Philosophie

Université Félix Houphouët Boigny de Cocody

 

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