Un célèbre journal panafricain révèle, dans son édition en ligne de ce lundi 15 juillet 2015, que « lors d'une audition devant la justice lundi à Ouagadougou, Moussa Dadis Camara a reconnu sa « responsabilité morale » dans le massacre de plus de 150 opposants dans un stade de Conakry le 28 septembre 2009. Cependant, il a rejeté les charges pénales qui pèsent contre lui. ». Moussa Dadis Camara a reconnu sa « responsabilité morale » en tant que président et commandant en chef des forces armées au moment des faits, à « l’image d’un père de famille qui répond des actes posés par ses enfants » a précisé son avocat Me Jean-Baptiste Jocamey Haba.
Le geste de Moussa Dadis Camara est louable quoique l’image familiale du père qui répond moralement des actes posés par ses enfants doive cependant être récusée en tant que paternalisme de mauvais aloi. Une cité politique n’est pas une famille biologique. L’image pertinente convenant à la situation est plutôt celle du dirigeant politique, du chef d’Etat qui répond politiquement des actes commis sous gouvernement.
Cette reconnaissance de sa responsabilité morale dans les meurtres commis par son armée est donc pleine d’enseignement en regard du cas ivoirien où cette reconnaissance est vainement attendue de la part de l’ex-chef d’Etat ivoirien et des membres de son gouvernement. La réconciliation n’a pas qu’une dimension juridique et ne repose pas exclusivement sur une justice impartiale. Elle a aussi une dimension politique essentielle qui repose sur la reconnaissance, par les différents protagonistes, de leur responsabilité morale et politique. Cette reconnaissance morale et politique de leur part dans la responsabilité des crimes commis durant la situation de belligérance a été publiquement faite par les responsables politiques et militaires du camp des vainqueurs. On l’attend vainement de ceux du camp des vaincus.
A la différence de Laurent Gbagbo, Dadis Camara a donc reconnu sa responsabilité morale dans les massacres commis par l'armée guinéenne alors qu'il présidait la République de Guinée. Cette responsabilité morale engage une responsabilité politique qui n'est pas pénale. Elle requiert un courage politique qui n’est pas à la portée des personnes sans envergure qui parviennent par effraction à la direction des États et qui finissent par sombrer dans le crime pour tenter de conserver le pouvoir.
Le geste louable de Dadis Camara, inspiré probablement par les conseils judicieux d'avocats à la hauteur de la tâche, ne semble pas être à la portée de Laurent Gbagbo, de ses complices et de ses avocats. Selon la logique politique qui ne substitue en aucun cas à la logique judiciaire du tribunal, un avocat à la hauteur de la tâche conseille à son client, chef d'un Etat dévasté par une guerre civile, de reconnaître expressément par avance cette responsabilité politique et morale. Cette reconnaissance expresse permet de mieux défendre, sur le plan pénal, le responsable politique qui n’a pas directement participé aux crimes. Accusé en tant que tel, un chef d’État assume avec dignité sa responsabilité indirecte en répondant en totalité de toutes les déprédations commises sous sa gouvernance. Cette assomption politique joue en sa faveur surtout quand il a le courage de condamner ces crimes et de soutenir qu’ils n'auraient pas dû être commis parce qu'ils le furent contre des concitoyens, contre des frères et des sœurs et contre l'humanité en tous les hommes! En cela, la reconnaissance de sa responsabilité morale et politique par Dadis Camara est une leçon politique que ce dernier adresse à Laurent Gbagbo et à ses complices.
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