Pierre Nkurunziza versus Laurent Gbagbo : Les modèles de la pyromanie politique en Afrique Noire. (2ème partie)

La stratégie du pire et le problème de la justice impartiale.

Au Burundi s’installe  une stratégie du pire, clairement identifiable, qui rappelle furieusement le processus ivoirien d’accaparement du pouvoir en 2010 par l’ex- chef d’Etat Laurent Gbagbo et son équipe. Ce processus brutal, le coup d’Etat constitutionnel ou le hold-up électoral,  perpétré par un chef d’Etat pour se maintenir au pouvoir, n’a rien à envier à la brutalité du coup d’Etat militaire. Toujours soutenu par la répression militaire et sécuritaire meurtrière et brutale  des mouvements de contestation, ce processus d’accaparement du pouvoir suprême est un analogue politique du coup d’Etat militaire stricto-sensu. Comment réussir  alors à prévenir politiquement et judiciairement cette pathologie politique d’un genre nouveau ?  Comment  rendre impartialement justice après le chaos qui en résulte? Comment mettre fin à l’impunité en Afrique Noire?

Après la Côte d’Ivoire en 2010,  le Burundi  offre matière à réflexion sur ce sujet. Similaire au cas ivoirien dans ses phases opérationnelles, un  terrorisme d’Etat  soutenant un coup d’Etat constitutionnel  est en cours de perpétration. Joignant le geste à la parole, après s’être préoccupé de manière ubuesque et incongrue du danger régional constitué par les shebabs somaliens, le pyromane politique burundais à sacrifié en holocauste, sur l’autel de ses ambitions de pouvoir, quatre innocentes personnes, premières victimes expiatoires  probables d’une longue série. On compte à ce jour une trentaine de morts, effet conjugué de la répression menée par la police aidée des milices du régime.

 Les premiers crimes, ont été perpétrés selon le modus operandi des shebabs somaliens et selon des critères confessionnels. A la manière des shebabs somaliens, une grenade offensive a été jetée au hasard dans la foule,  le vendredi 23 mai dernier, tuant trois personnes. Dans un geste qui ressemble à la fois à une provocation adressée à la minorité musulmane du pays et un appel du pied à la vengeance aux shebabs, un homme politique burundais de confession musulmane a été exécuté le lendemain par un commando de tueurs vêtus, aux dires des témoins, d’uniformes de la police. Le lundi 25 mai, un manifestant a été abattu par la police. Engagé opiniâtrement  dans une stratégie délibérée de diversion opérée pour couvrir son imposture, Pierre Nkurunziza tente d’instrumentaliser le problème du terrorisme islamiste et d’allumer la mèche du conflit confessionnel.

Ces crimes et le chaos subséquent qui iront crescendo semblent donc planifiés et mis en œuvre de manière systématique pour atteindre un objectif politique illégal autant qu’illégitime et dangereux. La coordination des séquences et des phases opérationnelles, trahit l’échafaudage  d’un dispositif d’imposture politique qui s’adosse à des  institutions occasionnellement dévoyées pour  contrer le principe démocratique de l’alternance du pouvoir. Des constantes émergent de l’exemple ivoirien de 2010 et de l’exemple burundais de 2015. Elles attestent la pertinence de cette lecture.

 En 2010, en Côte d’Ivoire, Laurent Gbagbo et sa clientèle politique, civile militaire et sécuritaire, soutenus par leurs milices  tribales sanglantes et leurs réseaux extérieurs, avaient tenté de dissimuler l’imposture et la dérive criminelle subséquente de leur pouvoir sous les camouflages émotionnels de la défense du Christianisme contre l’Islam et de la lutte anticolonialiste et souverainiste contre une agression de systèmes de pouvoirs étrangers. En 2015, Pierre Nkurunziza et les siens, accompagnés de leur milices, les fameux Imbonerakure, tentent de mobiliser au Burundi le filon confessionnel, d’utiliser la ficelle de la lutte anticolonialiste et souverainiste, (cf Ja 26-05-2015) pour légitimer une imposture politique suivie d’une dérive criminelle.

  Pour perpétrer leur rapt, les pyromanes politiques africains provoquent et entretiennent, de manière délibérée, les clivages ethniques, instrumentalisent les confessions religieuses, s’emparent des périls de l’époque. Ils exploitent le passif du colonialisme occidental et les failles et faiblesses du système judiciaire international. Opportunistes et rusés, ils dévoient  les institutions de la République pour les utiliser à des fins personnelles tout en s’adossant à la légitimité fonctionnelle de ces institutions. Ils récupèrent à leur propre profit, en vue de servir leurs propres fins privées, la logique de l’enquête judiciaire qui sert à déterminer les responsabilités pénales individuelles sur la base de preuves factuelles, ainsi que la logique de la discussion institutionnelle entre les parties d’un conflit et enfin, celle qui définit le pouvoir légitime d’un Etat comme interlocuteur diplomatique  attitré des rencontres internationales fut-il failli. Dévoyées, les institutions servent  ainsi à perpétrer et à renforcer les impostures politiques.

Savamment orchestré, ce processus de travestissement du coup d’Etat politique a pu faire diversion en Côte d’Ivoire en 2010. En 2015, ce processus, qui est désormais éventé et identifié en sa spécificité, ne trompe plus personne. Pierre Nkurunziza est clairement reconnu  comme un imposteur politique.

En Afrique Noire, la pyromanie politique est donc désormais identifiée  comme une pathologie politique grave qui menace le processus de démocratisation des Etats. Il importe en conséquence de la combattre avec les arsenaux diplomatiques et judiciaires appropriés. Outre les mesures  diplomatiques actuellement en cours pour tenter  d’éteindre l’incendie et circonscrire le chaos, la culpabilité politique évidente du pouvoir burundais appelle donc une réponse judiciaire appropriée à l’échelle internationale. Sous quelle forme combattre alors judiciairement  l’impunité pour ne pas donner aux pyromanes politiques l’impression qu’ils se tireront à bon compte en déployant une violence paroxystique,  gage de l’amnistie pour tous ou de la sanction pénale indiscriminée de tous, des initiateurs du chaos autant que de ceux qui furent impliqués à leur corps défendant dans le maelstrom des massacres ?  Pour conserver sa qualité d’impartialité et être ainsi le socle de la lutte contre l’impunité en Afrique noire, la justice impartiale contre la pyromanie politique doit être équitable. (A suivre)  

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