Le « rattrapage ethnique », nouvelle formule du populisme du CNC en Côte d’Ivoire. (2ème partie)

L’auteur de cet article-ci ne saurait nier la résilience continentale du tribalisme du népotisme et de la corruption. Il importe de combattre et de guérir ces maladies génétiques des Etats postcoloniaux d’Afrique noire (une prochaine contribution de l’auteur sur ce sujet verra bientôt le jour). Mais quand une coalition partisane, adepte du nationalisme communautaire, s’en empare en guise d’argument électoraliste, comme le fait le groupe CNI en Côte d’Ivoire, pour tenter de reconquérir le pouvoir, il importe de dénoncer cette stratégie électoraliste qui relève alors de la démagogie et du populisme. Quand ce groupe, qui s’est illustré dans le tribalisme, le népotisme et la corruption durant son exercice du pouvoir à la tête de l’Etat ivoirien entre 2000 et 2010, enfourche le cheval de bataille de la dénonciation du tribalisme, il faut dénoncer cette imposture ! Quand ce groupe, qui a pratiqué à outrance le tribalisme, le népotisme et la corruption sans aucunement se remettre en cause après sa défaite électorale, qu’il a d’ailleurs jusqu’à ce jour refusée de reconnaitre, retourne subrepticement sur la scène politique à la dérobée par la petite porte en promettant le changement aux Ivoiriens sous un sigle trompeur, il faut dénoncer cette escroquerie. Il faut dévoiler son imposture en le démasquant pour mettre au grand jour son nationalisme ethnique meurtrier de conviction.  Ce nationalisme ethnique revigoré par l’absence d’un débat publique critique sur « l’ivoirité » meurtrière qui était devenue en Côte d’Ivoire un sujet tabou après la guerre civile, constitue toujours, et aujourd’hui plus que jamais, une menace pour la République et la démocratie.

Il importe donc de dévoiler au grand jour la nature spécifique du projet de société du groupe dit  Coalition Nationale pour « le Changement », projet pourtant déjà mis en œuvre entre 2000 et 2010, qui n’a pas changé d’un iota et dont les Ivoiriens ont déjà fait l’amère expérience.

Car le groupe CNC dispose bel et bien d’une idéologie et d’un programme de gouvernement. Informulés, cette idéologie et ce programme de gouvernement se trahissent dans l’obsession identitaire qui structure en profondeur au CNC la conception du politique et de l’économique. Dissimulée sous le sigle d’un socialisme qui n’était celui de Jean Jaurès, loin s’en faut, la mise en œuvre de cette idéologie du nationalisme communautaire xénophobe entre 2000 et 2010 fut la source de l’éclipse et de la chute de la Côte d’Ivoire dans les abysses dont elle se relève lentement mais sûrement.

Au CNC l’accusation de « rattrapage ethnique » est un lapsus qui dénonce un programme politique partisan et un projet de société fondé sur le nationalisme ethnique. Ce projet est dissimulé sous le manteau d’une dénomination trompeuse « Coalition Nationale pour le changement » qui est un véritable euphémisme. De ce point de vue psychanalytique, l’accusation de « rattrapage ethnique » proférée contre le gouvernement est un retour du refoulé partisan. C’est un acte manqué politique qui trahit une idéologie, celle du nationalisme communautaire, et un  programme de gouvernement fondé sur l’exclusion de l’Autre et sur l’ostracisation de la différence. La psalmodiation lancinante de « rattrapage ethnique » par les membres du groupe CNC est la psalmodiation démagogique d’une tare qui est attribuée à un adversaire politique en vue de dissimuler l’anti-républicanisme du groupe sous le masque d’un appel partisan au respect des valeurs fondamentales de la République.

Loin d’être le signe emblématique du sursaut citoyen d’un parti aspirant à réconcilier, à sa manière, les Ivoiriens, sous la bannière des valeurs de la République, l’accusation de « rattrapage ethnique » lancée contre le gouvernement par les membres du groupe CNC est un slogan populiste. C’est le mot d’ordre électoraliste d’une coalition ethno-nationaliste qui aspire sournoisement à reconstruire la société ivoirienne selon le modèle de l’ethnicité et sur la base de la division communautaire et confessionnelle du corps politique.

Nous mettons donc le groupe CNC au défi de tenir le discours de la République et de reconnaître publiquement le principe de citoyenneté qui construit le corps social en transcendant les appartenances primordiales. Nous mettons le groupe CNC au défi de tenir le langage de la démocratie électorale représentative, qui conçoit la société comme une collectivité hétérogène, constituée par un entrelacs de positions également légitimes. Nous le mettons au défi de déclarer publiquement que l’Etat ivoirien ne doit pas être l’incarnation politique d’une communauté ethniquement homogène. Nous mettons le groupe CNC au défi de déclarer publiquement que l’Etat en Côte d’Ivoire doit être le représentant politique d’une collectivité hétérogène de citoyens sans considération d’ethnie, de confession, de région,  dont il sert les intérêts en arbitrant leur conflictualité  sous le droit positif  et en vue du bien commun. Nous mettons le groupe CNC au défi de tenir le discours démocratique de la conciliation qui appelle à harmoniser les intérêts divergents sous le principe du compromis. Nous le mettons au défi de se réapproprier publiquement la culture démocratique de la contradiction et de l’acceptation de la conflictualité, qui appelle à reconnaître l’adversaire comme un partenaire et à trancher les divergences par le compromis fondé sur l’acceptation de la différence. Nous mettons le groupe CNC au défi de réconcilier, comme il s’en fait le héraut, les Ivoiriens à partir de l’appropriation culturelle de ces valeurs démocratiques.

Ce défi, impossible à relever pour la CNC, met le groupe au pied du mur infranchissable des valeurs de la République et de la Démocratie sur lesquelles  se brisera le masque de sa démagogie.

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