Quoique virtuelle, la libération de Laurent Gbagbo et de Blé Goudé prouve que le respect de la lettre et de l’esprit droit positif par toutes les parties prenantes du contrat social est la condition ultime de la justice dans les Etats multiethniques modernes d’Afrique Noire.
A la différence du droit coutumier, la justice pénale du droit positif qui régente les Etats modernes dans le monde entier, est fondée sur les principes de responsabilité individuelle et de matérialité des preuves.
La condamnation judiciaire pénale d’un prévenu, dans un Etat de droit, repose sur la condition expresse que soient réunies les preuves factuelles de son implication personnelle et volontaire dans la commission du délit.
La libération conditionnelle de Laurent Gbagbo et de Blé Goudé vient d’être prononcée sur la base de cette règle, en dépit des faits historiques qui, du point de vue du jugement empirique de l’homme ordinaire, tendraient à prouver la culpabilité pénale de ces hauts dirigeants du régime FPI. Les huiles du FPI telles Simone Gbagbo et Laurent Akoun se réjouissent ouvertement de l’efficience judiciaire du droit positif qui vient de permettre la libération de Laurent Gbagbo et de Blé Goudé.
Ont-ils pour autant gouverné la Côte d’Ivoire entre 2000 et 2010 selon la substance et la lettre du droit positif? Ont-ils respecté le principe de matérialité des preuves et de responsabilité individuelle dans les condamnations à mort qu’ils prononcèrent abondamment, sur la base de simples soupçons, d’allégations et en se substituant au pouvoir judiciaire ?
Sont-ils prêts à les respecter alors même qu’ils semblent continuer à se référer au droit coutumier, au principe de responsabilité collective et à l’ostracisme de la justice tribale comme en témoigne les récentes déclarations d’Assoa Adou et les sorties précédentes non moins clairement ethniciste de Moïse Lida Kouassi ?
Sur quelles preuves matérielles tangibles le FPI s'est-il appuyé pour accuser Alassane Ouattara l’actuelle Président de la République d’être l’auteur de la rébellion militaire de 2002 ?
Sur quelles preuves matérielles tangibles le pouvoir FPI s’est-il appuyé pour accuser l’artiste Camara H et le faire exécuter par ses tristement célèbres escadrons de la mort ?
Sur quelles preuves matérielles tangibles le FPI s’est-il appuyé pour accuser le Général Guéi d’être l’instigateur de l’insurrection militaire de 2002, pour le faire assassiner et pour exterminer tous les membres de sa maisonnée ?
Sous quel principe juridique du droit positif de l’Etat se fondèrent les dirigeants du FPI pour envoyer leurs escadrons de la mort assassiner le Docteur Benoît Dakoury Tabley qui paya de sa vie la décision courageuse de son frère, le Ministre Dakoury Tabley de se dissocier de la dérive dictatoriale du FPI ? N’était-ce pas le principe tribal de responsabilité collective du droit coutumier qui contredit le principe démocratique de responsabilité individuelle du droit positif?
Entre 2000 et 2010, le FPI semble donc avoir gouverné la Côte d’Ivoire en installant un régime de non-droit et un arbitraire radical du pouvoir appuyé sur le droit coutumier.
Inculpés par le tribunal de la CPI, Laurent Gbagbo et Blé Goudé ont néanmoins bataillé durant des années pour échapper à la justice de l'Etat de droit en instrumentalisant les principes procéduraux et substantiels, du droit positif. Conseillés par leurs avocats français au fait des ficelles des procédures d’un Etat de droit, ces ethno-nationalistes ivoiriens ont utilisé la lettre et l’esprit de son système judiciaire pour se tirer d’affaire.
Le FPI qui continue de se réclamer du nationalisme ethnique, du droit coutumier et du critère ethnique de la nationalité comme en témoigne la récente sortie d’Assoa Adou l’un de ses pontes, se réjouit de cette instrumentalisation.
La satisfaction de ses militants fanatisés et de ses dirigeants qui, tels Simone Gbagbo et Laurent Akoun, parlent de victoire est dérangeante et étonnante. Ce groupe politique et ses dirigeants revendiquent une innocence immaculée quasi angélique alors même qu'en qualité de gouvernants de l'Etat ivoirien au moment des faits, ils ont agi en s’engageant dans la particularité de l’histoire qui, comme l’a si bien montré Jean-Paul Sartre, salit toujours les mains.
Indifférents aux morts et aux indicibles souffrances de la guerre civile qu’ils provoquèrent du haut des cimes de leur irresponsabilité organisée, les dirigeants de ce groupe qui fut pourtant plongé jusqu’aux coudes dans les batailles meurtrières qu’il avait suscitées, continuent d’adopter la posture d’un ingénu oint d’une innocence immaculée quasi angélique.
Se posant en référents normatifs absolus de la cité, ils décrètent l’avènement en Côte d’Ivoire de la réconciliation nationale qu’ils mesurent à l’aune de leur impunité. Ils viennent d’instrumentaliser comme de coutume le droit positif en maintenant intact leur vision ethniciste de la Côte d’Ivoire et leur référence au droit coutumier qui divisent le pays.
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