La leçon mémorielle des fêtes tournantes de l’Indépendance nationale en Côte d’Ivoire.

Quelle était la signification réelle des fêtes tournantes de l’Indépendance nationale en Côte d'Ivoire? Comment peut-elle éclairer notre présent?

 Les fêtes tournantes de l’Indépendance, des années 1960 jusqu’à la fin des années 1970,  furent loin d’être un simple folklore en Côte d’Ivoire. Elles furent le symbole historique de la politique houphouëtienne de construction nationale au moyen de la modernisation économique. La politique de reconstruction des infrastructures et des équipements, entreprise en Côte d’Ivoire depuis 2011 par le RHDP, s’enracine dans cette mémoire vive du pays.

 Il est éclairant de souligner que cette mémoire  a inspiré le choix pragmatique opéré par le Président de la République Alassane Ouattara  pour résoudre le problème de la réconciliation nationale après la guerre civile. Cette guerre résulta de la rupture et de l’affrontement des appartenances ethniques à la suite de leur instrumentalisation dans le combat politique.

Suivant l’exemple de Félix Houphouët-Boigny, le RHDP a choisi de rebâtir la nation à travers la modernisation économique. Cette solution pragmatique permet d’inclure politiquement et d'intégrer économiquement la diversité des appartenances ethniques et régionales ivoiriennes.

 Les fêtes de l’Indépendance incarnèrent symboliquement la réponse de Félix Houphouët-Boigny à la question de la gestion politique centralisée de la diversité des particularismes ethniques et culturels. Elles matérialisèrent la procédure de construction nationale. L’artisan de l’Indépendance politique de la Côte d’Ivoire résolut par cette médiation la question sibylline du développement, à laquelle nombre de dirigeants africains  ne surent pas répondre.

A la différence de nombre de ses pairs africains, Félix Houphouët-Boigny avait compris que la tâche du développement économique n’était pas séparable du projet de construction d’un État national.

La nation se construit historiquement à travers la modernisation économique, et non pas à travers les déclamations nationalistes et les proclamations idéologiques d’une identité culturelle singulière et anhistorique. Félix Houphouët-Boigny qualifia, de la formule lapidaire de "verbalisme creux", ces déclamations et proclamations stériles. L’intégration nationale du territoire s’effectue à travers le développement économique, qui permet de rassembler et d’unifier les particularismes ethniques et culturels composant  la population du pays.

Le programme politique de la Côte d’Ivoire indépendante fut donc d’unifier la multiplicité des ethnies et des régions du territoire  en les reliant au moyen des infrastructures des routes et des ponts. Les fêtes tournantes de l'Indépendance nationale étaient l'occasion de redistribuer les produits de la croissance sur toute l'étendue du territoire.

 Ce travail d’intégration nationale par les infrastructures développait, en cette pluralité ethnique, une conscience de citoyenneté et un sentiment d’appartenance à une cité commune. Il était accompagné, au niveau des  superstructures, par  une diffusion médiatique de l’idéologie de la paix civile, de la fraternité, du dialogue et  de l’unité nationale.

 Les fêtes tournantes de l’Indépendance furent donc le symbole emblématique de la gouvernance houphouëtienne, toujours animée par le souci de réunir la diversité des appartenances ethniques du territoire dans une nation au moyen de la modernisation économique. Il importe de rappeler cette mémoire de notre histoire commune.

 Cette mémoire éclaire la gouvernance actuelle du RHDP. Cette perspective illumine aussi utilement son choix relativement à la question de la réconciliation nationale.

Appréhendée sous l’éclairage de la problématique de la reconstruction nationale, la question de la réconciliation se pose d’abord et par-dessus tout en termes de réunification nationale d’une pluralité d’appartenances dispersées devenues antagonistes  et hostiles les unes par rapport aux autres.

La réconciliation nationale, comme l’exprime éloquemment l’expression, c’est la reconstitution d’une nation déchirée par la séparation des diverses appartenances ethniques. L’œuvre de reconstruction nationale par la modernisation économique est donc une réponse idoine à  la problématique ivoirienne de la réconciliation nationale.

A ce modèle pragmatique de réconciliation nationale s’opposent les modèles idéologiques des ethno-nationalistes ivoiriens. Fondé sur la récusation de la forme démocratique de Nation qui résulte de la modernisation de la société, ce modèle idéologique consiste à réformer ethniquement  l’Etat, à en remettre la direction aux leaders lignagers qui estiment représenter des cultures dominantes autochtones.

La mémoire de l’houphouëtisme éclaire d’une lumière singulièrement instructive l’affrontement politique ivoirien. Ce combat pour le contrôle de l’Etat oppose, d’une part, des forces politiques dont le programme est de construire une nation pour relier l’État central et l’ensemble des particularismes ethniques et communautaires du territoire;  et, d’autre part, des forces qui récusent cette intégration nationale, dont le programme est de faire coïncider directement des ethnies dites autochtones et l’État. Les premières se situent dans la tradition modernisatrice et progressiste de l’houphouëtisme. Les secondes s’en écartent.

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