Côte d’Ivoire: l’unification du PDCI et du RDR est-elle une stratégie partisane de diversion?

L’unification du RHDP est-elle une diversion fomentée par un parti pour demeurer au pouvoir? S’agit aussi de la ruse d’un chef de parti soucieux d’instaurer une dictature personnelle sur les cendres du PDCI et du RDR, en lieu et place de la coalition? L’enjeu de l’unification n’est-il pas au contraire d’enraciner les deux courants de la coalition dans le projet sociétal et dans les valeurs axiologiques de l’Houphouétisme, leur matrice commune, afin de répondre aux défis du présent et de l’avenir ? L’alternance du pouvoir en Côte d’Ivoire doit-elle se faire au détriment du cordon sanitaire politique construit en 2010 pour contenir l’ethno-nationalisme et le populisme identitaire ? La personnalisation de notre affrontement politique ne brouille-t-elle pas finalement la clairvoyance politique dans notre pays, et ne fait-elle pas prédominer les intérêts personnels au détriment de l’intérêt général et du bien commun ?

Ne convient-il pas de souligner que la coalition RHDP fut construite en 2010 pour rétablir la République et pour sauvegarder la démocratie en Côte d’Ivoire ? Elle fut consolidée en 2014 par l’Appel de Daoukro pour garantir la pérennité de ces régimes contre un retour du nationalisme identitaire qui avait sévit pendant dix ans dans le pays, provoquant des ravages sociaux, économiques et politiques gravissimes. La composition sociologique de la Côte d’Ivoire et son identité citoyenne originelle telle qu’elles furent construites par Félix Houphouët Boigny, le Père de notre Nation, faisaient de cette coalition une entité politique vitale, dès lors qu’il fut avéré que le virus du nationalisme identitaire s’était malencontreusement introduit dans notre cité.

Faut-il le rappeler ? Notre Cité naquit en 1960 de l’alliance pérenne entre les identités ethniques et la rationalité moderne. Cette synergie entre les cultures ivoiriennes et la rationalité moderne, à l’ère des économies nationales fondées sur l’industrialisation, permit de moderniser la Côte d’Ivoire et d’y opérer des progrès économiques et sociaux remarquables. La réappropriation des valeurs de la modernité politique qui soutenaient ces économies nationales permit de bâtir l’unité des cultures ivoiriennes. L’incipit de tolérance, de dialogue, d’ouverture à l’Altérité, d’accueil de l’étranger bâtit en Côte d’Ivoire le vivre-ensemble républicain de la diversité ethnique cimentée par la citoyenneté. Aujourd’hui, la problématique de la dissociation entre les identités culturelles et l’économie mondialisée nous invite donc plutôt à nous resituer dans la filiation de notre mémoire politique, pour rechercher une nouvelle alliance entre nos cultures et la nouvelle rationalité économique de la mondialisation. Elle ne nous invite pas à l’imitation mimétique servile de la revendication et de la fermeture identitaire qui conduisent aux purifications ethniques et aux séparatismes. La raison fondatrice du RHDP nous réinscrit dans la tradition républicaine et démocratique de l’alliance entre les cultures et la modernité comme antidote aux périls du nationalisme identitaire et du populisme. Elle brise, comme impératif catégorique politique, la logique de la conquête du pouvoir et les stratégies afférentes d’appareil.

Elle disqualifie politiquement le jugement selon lequel le projet d’unification de la coalition RHDP serait une tentative d’une des parties de conserver le pouvoir au détriment des autres. Elle montre que l’alternance du pouvoir au sein du RHDP ne saurait être conçue comme un exercice solitaire du pouvoir par l’une des parties et une subordination des autres parties. L’objet ultime de ces jugements et considérations surprenantes est de justifier les coalitions antirépublicaines contre nature, motivées par une stratégie de conquête du pouvoir.

Ces considérations sont en contradiction avec le projet fondateur du RHDP inspiré par le souci de préserver la République et la démocratie en Côte d’Ivoire conformément à l’esprit de l’Houphouëtisme contre le nationalisme identitaire et le populisme. Elles apparaissent comme marginales et pathologiques. Elles ne sont pas politiquement rationnelles et ne sauraient être normatives.

La représentation rationnelle de l’unification du RHDP est la synergie vivante de courants idéologiquement et programmatiquement complémentaires, alliés dans la formule du ticket en vue de la Présidentielle 2020.

Pour y parvenir, il est vital de reformer selon deux axes notre affrontement politique. Il est impératif, premièrement, de dépersonnaliser notre affrontement politique pour le structurer avec les valeurs et les projets sociétaux divergents et contradictoires qui fondent la confrontation démocratique. Il est, deuxièmement, impératif de reformer la représentativité du PDCI et du RDR selon le modèle de représentativité sociale du PDCI-RDA des années 1960. Il faut abroger le modèle de représentativité communautaire et régionaliste des partis, une dérive pathologique survenue dans les années 1990 et qui fait le lit du nationalisme identitaire. Il faut le remplacer par le modèle social qui fonde la légitimité des partis sur leur capacité à représenter et à défendre politiquement les intérêts et les demandes des catégories sociales.

Une telle réforme laisserait clairement entrevoir que la coalition du RHDP n’est rien d’autre que l’alliance politique des acteurs de l’agriculture et des acteurs de l’entreprise et du commerce ivoiriens, une alliance susceptible de porter le nouveau projet d’industrialisation de la Côte d’Ivoire. La dangerosité majeure de la personnalisation et de l’obnubilation des acteurs politiques par la logique de la conquête du pouvoir est d’occulter cette dimension et d’anéantir le jugement politique.

  

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