L’élection de George Weah au Liberia n’est pas celle d’un autochtone contre les étrangers.

En élisant George Weah, les Libériens ne viennent pas de faire le choix de l’État communautaire contre l’État démocratique. Ils ne viennent pas de choisir l’autochtonie et la nationalité contre la citoyenneté. George Weah n’est pas un autochtone qui vient de conquérir l’État pour libérer les siens de la domination des  étrangers.  Il  est un enfant du ghetto, qui est sorti de sa condition de classe par la force de son talent, et qui vient d’être politiquement consacré, pour cette raison, à travers les urnes, par le choix majoritaire des Libériens. Il a été élu parce que la majorité des Libériens a investi sa confiance et son espérance d’émancipation sociale, économique et politique dans ses capacités  et aptitudes personnelles. C’est le représentant politique des catégories sociales économiquement et politiquement dominées qui accède à la direction de l’État par les vertus de la démocratie.

George Weah n’a pas été élu par la majorité des Libériens selon un critère d’autochtonie et de nationalité. Au Libéria, les catégories sociales économiquement et politiquement exclues, les paysans, les habitants des ghettos, le lumpen prolétariat des villes ont choisi, par la voie des urnes, un symbole. George Weah est un citoyen dans lequel ils se reconnaissent et qui porte leurs rêves et leurs aspirations de réussite sociale et économique. Il a été élu par les catégories sociales économiquement et politiquement ségrégées qui escomptent mettre l’Etat au service de leurs intérêts, de leurs demandes sociales et de leurs besoins. L’élection de Weah ne saurait être considérée comme substitution d’un pouvoir d’autochtones à un pouvoir d’étrangers, ou comme remplacement d’un État colonial par un État autochtone.

Au Liberia en 1980, l’autochtonisation de l’État s’est conjuguée sur le mode de la brutalité, de la dictature, du meurtre et de la prédation symbolisés par le régime meurtrier de Samuel Doe. D’un point de vue plus général, les esclaves affranchis étaient eux aussi des autochtones africains qui, revenus sur le continent, ont instauré dans les territoires, dont ils ont assuré la direction, un régime d’oppression politique, de domination économique, et de ségrégation sociale. Au Liberia en 1980, comme en Côte d’Ivoire en 2000, l’autochtonie a  recouvert et dissimulé une domination  économique, politique et sociale de classe. Elle a justifié une dictature nationaliste et meurtrière qui a méprisé les intérêts du plus grand nombre au profit d’une élite minoritaire qui s’est emparée de l’Etat et du pouvoir économique et politique, en prétendant représenter les autochtones et parler au nom du peuple.

Osons espérer qu’au Liberia, George Weah l’élu du peuple, gouvernera en démocrate convaincu et dans les règles de l’art de ce régime politique. Osons espérer qu’il  puisse briser par une politique démocratique d’inclusion et de service des intérêts sociaux du plus grand nombre, le piège infernal dans lequel l’autochtonie enferme les peuples qui s’y laissent prendre par naïveté et par ignorance.

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