Les réseaux et médias sociaux peuvent-ils promouvoir le changement social en Afrique ? 1ère Partie

L’Etat démocratique africain doit-il se méfier des réseaux et médias sociaux ?

La  fonction sociale des réseaux et les médias sociaux de l’internet,  consiste-elle uniquement à offrir au public un espace d’entre soi, de divertissement et de partage  de contenus privés ? Leur fonction politique consiste-t-elle à offrir aux acteurs politiques et aux mouvements insurrectionnels des instruments efficaces qui permettent d’influencer les opinions publiques, de manipuler les masses, de conquérir et de conserver le pouvoir ? Leur rôle socio-politique se réduit-il à cette dimension instrumentale et ludique ? La méfiance atavique des despotismes et des dictatures envers les réseaux et les médias sociaux ne laisse-t-elle pas entrevoir, au contraire, que leur dimension ludique recouvre une capacité à promouvoir le progrès socio-politique? Ce caractère n’en fait-il pas des partenaires essentielles de l’Etat démocratique ?

Le rapport de l’Etat despotique et de l’Etat dictatorial à l’internet,  aux  réseaux sociaux et médias sociaux est un rapport d’instrumentalisation et d’hostilité. Ils les contrôlent et les utilisent pour relayer la propagande gouvernementale. Ils les censurent et les répriment pour protéger l’ordre établi. L’Etat démocratique considère, au contraire, que les médias et les réseaux sociaux  participent activement à la construction du projet sociétal de la démocratie. Ils permettent de protéger l’ordre démocratique, de défendre les droits fondamentaux, de garantir la liberté d’expression et d’affirmer librement la pluralité des perspectives qui construisent la société. L’Etat despotique et autocratique massifie et étouffe la société. L’Etat démocratique affirme, au contraire, la société en la laissant se manifester dans la diversité de ses expressions. Elle encourage le déploiement sans restriction de son génie créateur.

 La fonction politique des réseaux et des médias sociaux qui complètent les institutions formelles de socialisation, les associations et les corporations, consiste, dans cette perspective démocratique, à accroître la visibilité de la société, à laisser affleurer plus distinctement son mouvement. Ce rôle de révélateur photographique qui fait émerger plus intégralement les aspirations et les besoins de la société, permet de bâtir la représentativité de l’Etat démocratique. Il permet aussi de former des solidarités transcommunautaires fondées sur le volontariat et sur la similarité des besoins et des aspirations. Les réseaux et médias sociaux de l’internet, construisent de nouvelles appartenances citoyennes qui transcendent les appartenances primordiales et les coutumes. La formulation instantanée des attentes, l’expression des diverses aspirations  et des points de vue de  la société, œuvrent à l’intégration de la diversité sociale. Cette action citoyenne des réseaux et médias sociaux de l’internet est indispensable à l’Etat démocratique. Pour réaliser l’intégration nationale par les débats politiques et par la résolution politique des revendications sociales, l’Etat démocratique a besoin de la participation politique d’une société civile informée et réactive, d’une raison publique éclairée et vigilante. C’est par cette médiation que la croissance économique parvient à se transformer en développement endogène.

Le rapport de l’Etat démocratique africain à l’internet et à ses réseaux sociaux ne doit donc pas être un rapport de méfiance et d’hostilité. La synergie de l’Etat démocratique, des réseaux sociaux du web, des associations et des syndicats permet de construire le vivre-ensemble citoyen, la solidarité nationale et le Bien public. L’Etat démocratique africain doit, dans cette perspective renforcer l’épaisseur de sa société civile, en donnant de la visibilité aux institutions informelles de socialisation que sont les réseaux et médias sociaux de l’internet. Complétant les associations et les corporations, ces médiums construisent de nouvelles appartenances et de nouvelles solidarités démocratiques. Surmontant, par l’instantanéité du face à face numérique, les limites imposées aux humains par les distances spatiales et temporelles, par les cloisonnements culturels, la société démocratique peut se présenter à elle-même dans sa diversité et dans la pluralité des perspectives qui la construisent.

En leur fonction substantielle, les réseaux et médias sociaux de la communication numérique sont les médiums de la rencontre et de la relation déterritorialisées des altérités, du dialogue et de la réconciliation des identités. En Côte d’Ivoire la solution du problème de la réconciliation nationale pourrait donc aussi se trouver dans un usage pertinent de la communication numérique.(A suivre)

 

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