Les mouvements sociaux et l’émergence dans les pays démocratiques d’Afrique. 2ème Partie.

L’émergence résulte de la gestion démocratique du changement social dans l’économie de marché.

La démocratie donne au système politique « un rôle de médiation entre les acteurs sociaux et entre ceux-ci et l’Etat qui maintient ensemble les composantes du développement » écrit Alain Touraine.  C’est en ce sens qu’elle est la condition du développement endogène car cet état positif de la société globale procède de la « gestion politique des tensions entre l’investissement économique et la participation sociale ». Le développement n’est pas un état matériel. C’est « un ensemble de rapports sociaux en même temps qu’une politique économique ». « Il n’y a pas de développement sans gestion ouverte des tensions entre investissement et répartition » des fruits de la croissance. Le développement endogène est une émergence au sens où  le dynamisme économique  produit l’élévation du niveau de vie de la population grâce à la médiation du système politique démocratique, acteur du compromis social. L’émergence définit une transformation  qualitative de la société globale. Elle est marquée par la solidarité sociale.

Concrètement, la démocratie transforme l’économie de marché en développement endogène en gérant le changement social  au moyen de ses trois principes : la représentation politique des intérêts sociaux, la citoyenneté et la limitation du pouvoir par les droits fondamentaux. Le principe de  représentation des intérêts sociaux  assure la redistribution du produit national qui rend possible l’intégration de la diversité sociale. La mise en œuvre de ce principe  renforce l’unité nationale  en donnant au plus grand nombre un certain accès aux décisions et aux crédits publics.  Le principe de citoyenneté  amène l’Etat à unifier la diversité sociale  pour construire une nation. Il le conduit à renforcer la société par la modernisation économique et l’intégration sociale. Le principe de la limitation du pouvoir par les droits fondamentaux de l’homme transforme l’Etat en agent de développement. Ces droits contraignent l’Etat à concevoir et à mettre en œuvre une politique économique ayant pour objet de transformer la société par les infrastructures, d’améliorer les conditions de vie des populations, d’émanciper les personnes et les collectivités.

Contrairement à l’illusion longtemps entretenue, le despotisme de la bourgeoisie capitaliste  ou la dictature de l’Etat socialiste ou nationaliste  ne pouvaient pour cela, en aucun cas, engendrer le développement et encore moins le développement endogène. Le  despotisme et la dictature produisent au contraire nécessairement  le sous-développement et la désintégration sociale parce qu’ils dévorent la liberté et la société. Ils se définissent par l’arbitraire de l’Etat qui n’agit pas comme agent de développement en raison de son indifférence foncière aux intérêts des citoyens et aux besoins de la société. Etabli pour nier la solidarité sociale, il récuse  le principe de la redistribution du produit national qui permet de bâtir la Cité comme espace d’émancipation commune. Soucieux de diviser la société pour la soumettre à sa tutelle, l’Etat dictatorial ou despotique ne se préoccupe pas  d’unifier la diversité sociale par un sentiment d’appartenance commune, de construire la nation citoyenne qui est  une structure de développement. Il rejette la modernisation économique  parce que  l’archaïsme des structures économiques,  sociales et mentales renforce son pouvoir. L’Etat dictatorial ou despotique est, par nature, oligarchique et kleptocratique. Le monopole politique des ressources permet de maintenir le plus grand nombre dans la dépendance, de dévitaliser la société en stérilisant son énergie créatrice. Il répond donc aux demandes sociales par l’indifférence et  aux revendications de la société  par la répression.  Il génère donc de l’anti-développement, c’est-à-dire de la régression économique, sociale et politique.

 L’Etat démocratique intervient pour conjurer ce danger  ou pour en réparer les ravages en retissant, au moyen de la négociation civile et du dialogue social,  un partenariat émancipateur entre l’Etat et la société.  Il promeut le développement endogène en reconstruisant la solidarité sociale, en autonomisant la société,  en garantissant les droits des citoyens, en libérant les énergies créatrices individuelles et collectives,  en assurant institutionnellement la sécurité des individus et des collectivité.  Il élève le niveau de vie collectif, un indice important du développement endogène,  en  réalisant, grâce aux infrastructures, un cadre qui assure  la dignité des conditions de vie des populations. L’émergence est la performance de la société démocratique. C’est la synergie créatrice de tous les acteurs de la Cité unis dans les valeurs de la République et de la Démocratie. C’est le dynamisme économique, social, politique et culturel qui résulte de la libération de l’énergie créatrice individuelle et collective dans une Nation réconciliée  dans la citoyenneté.

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