Le Président Alassane Dramane Ouattara n’est pas un fétiche !

Pour confirmer  les raisons pécuniaires de leur manifestation, les soldats mutinés ont clamé que le Président Ouattara est leur fétiche. Quelques journalistes ont repris en écho cette expression des manifestants : le Président « Ouattara est notre fétiche ». Utilisée  pour prouver l’attachement des mutins à la personne du Président de la République, et pour  conjurer la menace de la déstabilisation politique que pourraient provoquer des forces malveillantes prêtes à s’engouffrer dans la brèche,  cette expression est néanmoins  d’autant plus inquiétante qu’elle révèle la  persistance de la mentalité et de la vision du monde qui sont   à l’origine  des abysses dont la Côte d’Ivoire se relève.   Dans ce contexte, ce mot anodin qui fait partie de notre univers mental ne peut que faire sursauter, frémir et provoquer un questionnement.

Gbagbo fut aussi le fétiche de ses adorateurs qui sacralisèrent sa personne, oubliant les valeurs éternelles du socialisme démocratique qu’il était censé servir et incarner dans le temps en Côte d’Ivoire durant sa présidence. C’est pour avoir fétichisé Gbagbo et l’avoir transformé en idole sacrée que ses partisans l’ont adoré et pu commettre en son nom les crimes massifs qui ont plongé la Côte d’Ivoire dans un bain de sang sacrificiel !  C’est pour avoir réduit la politique à la célébration d’un culte de la personnalité que les ministres,  les administrateurs et les officiers de l’armée  étaient  devenus les prêtres sacrificateurs d’un  paganisme politique meurtrier. C’est pour avoir fétichisé le Président de la République que les soldats de l’armée nationale se sont transformés en milices claniques meurtrières répandant à flot  le sang de leurs supposés « ennemis »  pour apaiser la colère de leur dieu. C’est pour avoir considéré le Président de la République comme une idole   que ses thuriféraires   et exécutants ont sacrifié, en Côte d’ivoire,  la République et la démocratie  sur l’autel de l’hubris d’un mortel qui voulait être un Dieu !  C’est parce que Laurent Gbagbo représente encore aujourd’hui un fétiche tutélaire  pour bon nombre de ses partisans que ces derniers ne peuvent se résoudre à envisager une autre candidature que la sienne aux élections présidentielles à venir mettant en danger la démocratie en Côte d’Ivoire.

Le président Ouattara n’est donc pas  un fétiche encore moins une idole ! C’est un démocrate mortel et faillible qui s’efforce d’incarner les valeurs anhistoriques de la démocratie libérale qui dépassent sa personne. Son autorité de président de la République dépend de sa capacité à être le symbole vivant de ces valeurs dans le temps. Sa légitimité et sa représentativité reposent sur sa fidélité à ces valeurs dans l’exercice quotidien de la magistrature suprême. Le respect qui lui est dû ne va pas directement à sa personne mais aux principes intemporels  de la démocratie qu’il sert dans l’exercice de sa fonction de Président de la République. Le dévouement envers lui est le dévouement envers un symbole. Il est le symbole, en tant que premier magistrat de la République de Côte d’Ivoire, des valeurs transcendantes de liberté, d’égalité et de limitation du pouvoir qui se situent au-dessus de tout homme et qui, avant d’être des droits, constituent par cela même des obligations de chaque homme envers ses semblables.

 Laurent Gbagbo aussi n’était pas un fétiche ! Il aurait dû incarner les valeurs de la démocratie socialiste qui transcendent sa personne et s’y soumettre en humilité. Cette humble soumission de l’individu mortel aux valeurs immortelles, qui donnent du sens à toute praxis humaine et par-dessus tout à la praxis politique, commandait à Laurent Gbagbo de céder à l’autorité transcendante du principe de l’alternance du pouvoir et de la majorité du suffrage en démocratie.  C’est pour avoir confondu les valeurs de  la démocratie socialiste avec  sa personne mortelle que ses collaborateurs, ses compagnons et ses admirateurs, l’ont transformé en un fétiche propriétaire divin du Pouvoir socialiste  en Côte d’Ivoire. C’est pour s’être identifié lui-même aux valeurs intemporelles et éternelles de la démocratie socialiste, et pour s’être mis au dessus de ses valeurs, que Laurent Gbagbo s’est fétichisé, a pu les oublier et les trahir au quotidien  dans l’exercice de sa magistrature durant les années 2000 à 2010.

Le fétichisme qui anéantit la transcendance des valeurs, constitue en cela le danger le plus mortel de la République et de la Démocratie dont il détruit l’esprit. La lutte pour la démocratie en Afrique doit être, en conséquence, un combat contre le fétichisme, lequel consiste à oublier les valeurs intemporelles  de la démocratie et de la République  au profit des personnes.

A suivre

<>

Les commentaires sont fermés