Le Président Alassane Dramane Ouattara n’est pas un fétiche (2ème partie). Le fétichisme, un danger mortel pour la Démocratie et la République.

Pourquoi les ex-colonisés sont-ils tombés dans le fétichisme qui est, pour la démocratie et la République, un danger mortel et comment s’en libérer ? 

Le fétichisme qui fait désormais partie de notre univers culturel n’a rien à voir avec l’animisme. Il en est au contraire la perversion. Telle une gangrène, il corrompt, en Afrique, toute notre vie sociale et notamment notre existence politique en anéantissant notre rapport aux principes et aux valeurs transcendantes qui la structurent en profondeur.

Qu’est ce en effet qu’un fétiche ?

Le fétiche est une entité matérielle à laquelle l’on attribue une force surnaturelle et que l’on sacralise. Un être humain, un bout de bois, un rocher, une forêt une corne, une queue ou une patte d’animal, par exemple, sont identifiés à des forces surnaturelles. Le féticheur est, au sens propre, l’adorateur d’une entité matérielle qui n’est le symbole d’aucun principe spirituel et le support d’aucune valeur. Dans une société gangrenée par le fétichisme, l’adoration des personnes se substitue au respect des valeurs auxquelles  l’on devrait se consacrer à chaque niveau de la hiérarchie sociale et dont les supérieurs hiérarchiques se doivent d’être les symboles. Le culte de la personnalité du Prince procède de la fétichisation du Pouvoir et de son détenteur provisoire. Ses collaborateurs et ses conseillers deviennent ses laudateurs et ses griots ! Adorateurs d’un fétiche collectif dont ils sont les instruments irresponsables et la clientèle, les acteurs de la société civile deviennent les membres d’une secte. La corruption, privatisation de la chose publique se substitue à la citoyenneté.

Le fétichisme et la mentalité qui en procède détruisent ainsi l’ordre social en anéantissant les valeurs intemporelles qui structurent la cité et en corrompant les hiérarchies, en substituant l’adoration des personnes au respect des principes. Les institutions du Pouvoir ne sont  plus alors les véhicules et les symboles de l’autorité des principes. Les magistrats ne peuvent plus s’installer moralement comme symboles dans la place qu’ils occupent à l’intérieur de la hiérarchie sociale. En effet, comme l’écrit Simone Weil, « la véritable hiérarchie est constituée par une certaine vénération, un certain dévouement à l’égard des supérieur, considérés non pas dans leur personne, ni dans le pouvoir qu’ils exercent, mais comme des symboles ». Le symbole politique renvoie toujours à un principe intemporel dont les citoyens sont les serviteurs.

Dans la société traditionnelle, on divinise le roi pour mettre le détenteur du Pouvoir suprême au-dessus du commun des mortels. Mais on le divinise en le soumettant au pouvoir du devin intermédiaire temporel des dieux de la cité. La divinisation sert à limiter le pouvoir du Roi pour faire de lui l’humble serviteur des lois intemporelles qui régissent la cité. Depuis la défaite des divinités des religions traditionnelles africaines par la colonisation, depuis la destruction des principes transcendants qui régissaient les chartes coutumières, les ex-colonisés sont tombés en masse dans le fétichisme, dans l’adoration des entités matérielles de la modernité d’autant plus aisément que les valeurs transcendantes de la modernité n’ont pas été réappropriées. Dans la société postcoloniale africaine, le Prince est désormais fétichisé par ses collaborateurs qui désirent le rendre impotent en le mettant au dessus du commun des mortels pour l’éloigner de la gestion quotidienne de la cité et se l’approprier. Il est transformé en fétiche par les membres de la cité aliénée qui veut se donner un dieu tout puissant pour se décharger de ses responsabilités.

Dans la société postcoloniale africaine, le Prince est désormais fétichisé par ses collaborateurs qui le rendent impotent en le mettant au dessus du commun des mortels pour l’éloigner de la gestion quotidienne de la cité et se l’approprier Les membres de la cité aliénée qui veulent se donner un dieu tout puissant pour  se décharger de leur responsabilité de citoyens transforment le Prince en fétiche. On déifie Alassane Dramane Ouattara ! On sacralise et statufie Henri Konan Bédié. On organise et on protège le culte de Laurent Gbagbo. On célèbre Konan Banny comme un prochain sauveur doté d’un charisme surnaturel. On idolâtre Soro Guillaume Kigbafori ! On construit un sceptre divin pour Konan Kouadio Bertin. Les organisations de jeunesse des partis politiques, les comités de soutiens poussent comme des champignons après la pluie et entreprennent une danse endiablée autour des chefs célébrés comme des êtres surnaturels! Bien souvent sous la direction d’intellectuels faillis qui mettent leur dialectique douteuse  au service de cette corruption de l’esprit de  la cité on personnalise le débat politique. Un culte fétichiste chatoyant et colorés  organisés par des sectateurs autour de la personnalité de chefs qui s’en passeraient bien s’institue en lieu et place d’une société civile qui devrait s’organiser en ses divers secteurs pour défendre différents intérêts, différents projets de société, différentes valeurs politiques et morales à travers des mouvements sociaux! 

La République et la démocratie sont donc toujours mises à mort par le fétichisme. Loin d’être la version civile de l’athéisme et du nihilisme, la laïcité démocratique et républicaine en appelle au contraire à une religion civile et à une sacralité des valeurs de la République et de la Démocratie.  Ces valeurs constituent les éléments sacrés au service desquels  se consacrent les citoyens et le  magistrat dans le culte républicain. Ce culte consiste pour chacun à agir au quotidien pour réaliser l’égalité et la liberté des personnes et des collectivités  en vue de leur émancipation, à se vouer au quotidien au service du Bien public et de l’intérêt général. Pour entrer dans le panthéon des peuples, le Prince doit donc refuser sa divinisation et sa fétichisation. Il doit servir dans l’humilité les valeurs universelles de la République et de la Démocratie qui sont seules à même de l’élever au statut d’immortel et de héros dans l’imaginaire collectif.

Les membres de la cité qui, oublieux des valeurs intemporelles, sombrent dans le fétichisme et l’idolâtrie, payent leur abdication du prix de leur liberté en recevant le salaire de l’asservissement. Les princes prétentieux qui, par Hubris personnel, prétendent se substituer aux valeurs sacrées de la République et de la Démocratie sont toujours rappelés  à leur juste dimension par la colère des foules et par les insurrections populaires dévastatrices. Les monarques présomptueux  qui, par amour idolâtre de leur ego, s’arrogent la majesté des principes éternels, transforment le culte républicain en culte de leur personne, encouragent et propagent le fétichisme pour se maintenir au pouvoir, finissent tôt ou tard par être brutalement destitués, humiliés et jetés au sol. Ils sombrent dans l’ignominie et se noient dans les caniveaux nauséabonds de l’histoire. La chute, toujours retentissante  des despotes du passé, et l’éviction actuelle des autocrates du présent sous la pression irrésistible des insurrections démocratiques, attestent de cette vérité : cela doit servir de leçon et de viatique  aux Princes africains qui cèdent à la tentation de l’Hubris du pouvoir !

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