Retrait du RHDP, alliance avec le FPI, retour de l’ivoirité, etc. : Les mauvais calculs du PDCI-RDA

En retirant le PDCI-RDA du RHDP, le 08 août 2018, au sortir d’une audience que lui a accordée son cadet, le président Alassane Ouattara, le leader du vieux parti  Henri Konan Bédié ne se doutait certainement pas qu’il empruntait un chemin qui lui imposerait des sacrifices et qu’il devrait parfois surjouer son rôle de néo-opposant pour attirer le ‘’chaland’’ et faire nombre. Au risque d’être vite débordé par la coalition au pouvoir qui n’a finalement pas besoin de ‘’forcer son talent’’ pour convaincre les Ivoiriens de la pertinence de la vision du chef de l’Etat qui rêve d’une Côte d’Ivoire stable et rassemblée.

Comme un coup de tonnerre dans un ciel sans nuage, l’annonce du retrait du PDCI-RDA du RHDP, a surpris de nombreux Ivoiriens qui ne s’attendaient pas à ce couac au sein de la coalition au pouvoir. Et pour cause, celle-ci avait fini par donner d’elle, à travers le couple RDR-PDCI, l’image roborative et  rassurante d’un ménage harmonieux qui, en dépit de certaines divergences constatées  par intermittence comme dans tout ‘’foyer’’, n’allait pas trop mal. C’est ainsi qu’alors qu’enflait la polémique sur l’alternance en 2020 et que perlaient déjà les premières bisbilles à propos de la mise en place du parti unifié, l’on pensait que tout finirait par renter dans l’ordre. D’autant que du dialogue, les houphouétistes ont fait une ‘’seconde nature’’, l’arme des forts, avait dit le père de la nation, le président Félix Houphouët-Boigny. Mais, contre toute attente, le président Bédié va déjouer tous les pronostics en mettant un sérieux coup de canif dans le contrat de mariage. Excédé par la tournure que prenait la question de l’alternance en 2020, mais aussi agacé par l’implémentation du parti unifié RHDP, le 16 juillet 2018,  il a cru bon ruer dans les brancards en retirant le PDCI-RDA du RHDP. Dans la foulée, il a annoncé la mise en place d’une plateforme de l’opposition dont son parti prendrait certainement la tête. Ci-après un extrait du communiqué qui a consacré la rupture entre le PDCI-RDA et la coalition au pouvoir. ‘’Le PDCI-RDA prend acte de la création de ce Parti unifié dénommé RHDP par certains de ses alliés de la coalition RHDP mise en place le 18 mai 2005 à Paris ; prend acte également que les partis politiques fondateurs de ce Parti Unifié dénommé RHDP issu de l’Assemblée Générale Constitutive du 16 juillet 2018 ont pris la décision de mettre fin à leur appartenance au Groupement Politique RHDP ; dénonce l’Accord Politique pour la création d’un Parti unifié dénommé RHDP signé le 12 avril 2018 ;  se retire du processus de mise en place d’un Parti unifié dénommé RHDP ; se réserve le droit de promouvoir une plate-forme de collaboration avec les Ivoiriens qui partagent sa vision d’une Côte d’Ivoire réconciliée et soucieuse des droits, des libertés et du bien-être de ses populations’’. Rien que ça !

Excédé par la tournure que prenait la question de l’alternance, Bédié a rué dans les brancards

Et depuis, Henri Konan Bédié semble avoir mangé du lion et est prêt à tous les outrages, mais aussi à toutes les outrances. Le 26 janvier 2020, alors que le RHDP organisait son premier Congrès ordinaire au stade Félix Houphouët-Boigny où s’étaient rassemblés plus de 200 000 militants et sympathisants survoltés, dans le même temps, N’Zueba lançait, depuis Daoukro où il a rassemblé de nombreux jeunes de son parti, des injures teintées de mépris et de morgue à ses anciens alliés.  ‘’Grande est la joie qui nous anime, mon épouse Henriette Bomo et moi-même, de vous voir si nombreux autour de nous, en ce jour du 26 Janvier 2019. Au moment où nos adversaires du RHDP Unifié se réunissent avec pour bagages de l’huile, du riz, des chiffons et du pain sans lesquels ils ne pourront faire du nombre ! Ici, à Daoukro, rien de tout ce folklore qui frise l’assemblée des militants manipulés et enrôlés de force pour servir les rassemblements des détourneurs de deniers publics…Hommage à ce Bâtisseur dont l’œuvre politique, le PDCI-RDA et l’action publique menée au sommet de l’Etat continuent de nous guider et d’influencer positivement notre époque.  Aujourd’hui en ce moment,  il est parmi nous, ici à Daoukro et nulle part ailleurs. Et surtout pas avec ces fils adultérins de Félix Houphouët-Boigny’’. No comment ! Tout y est passé ! Et avec quel mépris ! Parler de ‘’chiffons’’ pour désigner les pagnes sur lesquels sont floqués les images des présidents Houphouët et Ouattara ! Traiter de ‘’détourneurs de deniers publics’’ ses anciens alliés ! Et last but, not least, traiter de ‘’fils adultérins’’ les responsables du RHDP ! Il fallait le faire. On peut dire que le Sphinx de Daoukro a franchi un palier dans la démesure. Cependant, il n’en avait pas fini avec le RHDP, objet de toutes ses rancœurs.

C’est ainsi que le 05 juin 2020, recevant un groupe de militants PDCI-RDA de la commune de Koumassi, à Daoukro, il a lâché ces propos qui ont fait réagir la classe politique et le gouvernement. ‘’… Nous avons fait venir des étrangers dans nos plantations de café, de cacao ; et ensuite, les gens se sont installés à leur propre compte, et aujourd’hui, ils agressent les planteurs ivoiriens et se disputent même la propriété des terres… Il faut que nous réagissions pour que les Ivoiriens ne soient pas étrangers chez eux, car actuellement, on fait en sorte que l’Ivoirien soit étranger chez lui. Mais, les Ivoiriens n’accepteront jamais cela’’, avait dénoncé Bédié. La réaction du gouvernement avait fusé pour condamner cette sortie jugée ‘’xénophobe et irresponsable’’. Un groupement de responsables de 13 partis politiques dont Lagou Henriette, proche de Bédié,  a produit une déclaration pour flétrir la sortie de N’Zueba. ‘’Les propos du président du PDCI sont inopportuns en ce moment précis de la recherche de la consolidation de la cohésion sociale et de la paix. Le GP-PAIX dit son indignation, dénonce et condamne ces propos. Pour des problèmes qui existent dans notre pays, tous les Ivoiriens sont invités, dans la paix, à en rechercher les solutions en ne mettant pas à mal la fragile paix que nous devons tous contribuer à rebâtir. Mais hélas, les derniers développements de la politique nationale marqués par les escalades verbales, ne rassurent pas. Pis, ils font craindre un retour de la tension d’avant les crises passées. Les effets des conflits successifs que nous avons connus sont encore présents dans les esprits. Le traumatisme est toujours pesant’’, avait rappelé ce groupement. Dire que l’on assiste au retour de l’ivoirité serait un euphémisme. La haine de l’étranger, commode bouc-émissaire des problèmes que rencontrent certains hommes politiques revient donc au galop.

La haine de l’étranger, commode bouc-émissaire…

Toutes proportions gardées, c’est comme si Bédié avait décidé de remonter le temps. Pour revenir aux années 1990, après le décès du président Houphouët-Boigny, au moment où il était engagé dans une guerre sans merci  contre Alassane Ouattara qu’il considérait alors comme son ‘’pire adversaire’’. Aussi, contre ce dernier a-t-il introduit le concept de l’ivoirité destiné à disqualifier politiquement l’ancien DGA du FMI. Dans cette logique, il ne lésinera pas sur les moyens que lui offrait le pouvoir d’Etat. Emprisonnement des dirigeants du RDR, mandat d’arrêt contre Alassane Ouattara accusé de ‘’fraude sur l’identité, de faux et usage de faux’’. En ce temps-là, les étrangers étaient mis à l’index et traités comme des ‘’pestiférés’’ à qui l’on ne reconnaissait aucun droit. Ce fut le temps de l’ostracisme et de l’exclusion pour les ressortissants du Nord de la Côte d’Ivoire considérés par les idéologues du régime Bédié comme des ‘’Ivoiriens de circonstances’’ et de ‘’seconde zone’’.Une classification qui causa la première fracture entre les Ivoiriens. Et voilà que le même veut remettre au goût du jour la haine des étrangers.Or, ce terme est fluctuant et peut s’appliquer à tout le monde. Tout dépend de l’angle sous lequel on voit les choses. Ainsi, pour un Sudiste, le Nordiste a le visage de l’étranger. C’est dire combien les propos de Bédié menacent la cohésion sociale et peuvent mettre le feu aux poudres.

Et que dire de l’alliance projetée avec le FPI, l’adversaire ‘’atavique’’ du PDCI-RDA, celui qui n’a jamais ménagé ni Houphouet, ni Bédié lui-même dont un certain Laurent Gbagbo se réjouissait de la chute ? ‘’Il y a des coups d’Etat qui sont salutaires’’, s’était-il réjoui le 24 décembre 1999 après que le général Robert Guéi a chassé N’Zueba du pouvoir. A la vérité, ce projet d’alliance pose plus de questions qu’il n’apporte de réponses. Qui supportera qui ? Qui accompagnera qui au pouvoir ? En tout état de cause, une chose est sûre, on voit mal le FPI servir d’escabeau au PDCI-RDA pour décrocher la timbale en 2020. On assiste donc, cela va sans dire, à un jeu de poker menteur, entre le FPI et le PDCI-RDA. Ce sera à qui se montrera le plus roublard et le plus cynique. Un jeu auquel les ex-refondateurs sont passés maîtres. Dès lors, il ne serait pas erroné de pointer les faux calculs du vieux parti qui ne se rend pas encore compte qu’il a quitté la ‘’cour familiale’’ pour aller trouver refuge dans une tanière.

Quoi qu’il en soit, l’avenir situera les uns et les autres. En attendant, on ne peut manquer de dénoncer le goût du pouvoir de Bédié qui semble avoir sacrifié la paix, la stabilité et la tranquillité des Ivoiriens au retour au pouvoir de son parti. Drôle de patriote !

AMBROISE TIETIE

 

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