La notion de “rattrapage ethnique”, alibi commode des ethno-nationalistes ivoiriens.

Les faux-fuyants et les tentatives nauséabondes entreprises par certaines officines de désinformation et de propagande afin de faire de la notion de "rattrapage ethnique" la cause des affrontements intercommunautaires, d'occulter la cause de réelle ces affrontements, de transformer les auteurs du discours identitaire incendiaire meurtrier du PDCI et du FPI en victimes et en procureurs légitimes du gouvernement et du chef de l'État, sont inacceptables et ignominieux. Ces tentatives révoltantes sont politiquement et moralement condamnables.

Sous l'instigation d'un journaliste ivoirien du cru, agissant en qualité de média organique de la mouvance identitaire ivoirienne, la notion de "rattrapage ethnique" est utilisée pour légitimer le discours identitaire de cette mouvance qui menace épisodiquement la paix sociale, la stabilité et l'unité politique du pays.

Selon cette manipulation qui réécrit l'histoire de notre pays à des fins électoralistes partisanes,  cette notion se situerait dans la continuité de "l'ivoirité" et définirait l'échec du Président Alassane Ouattara à inaugurer une nouvelle politique fondée sur un partage communautaire égalitaire du pouvoir.

Pour la gouverne de ces accusateurs, qui identifient la démocratie et l'équité politique au partage communautariste du pouvoir, il faut rappeler que l'Etat démocratique n'est pas un État communautariste mais un État national et Républicain.
Sa direction en revient à une majorité politique élue au suffrage universelle  sur la base d'un programme inclusif d'intégration nationale.

La problématique politique dans les démocraties pluralistes n'est pas de partager le pouvoir entre une oligarchie de représentants lignagers. Elle est de construire des majorités programmatiques de gouvernement sur la base de la représentation partisane concurrentielle des intérêts sociaux et des valeurs  des catégories du peuple et de soumettre ces programmes au vote majoritaire du peuple.

L'Etat démocratique ne se partage pas entre communautés ethniques.

La géopolitique de Félix Houphouët-Boigny du temps du parti unique n'était pas communautariste, comme le pensent Moïse Lida Kouassi et un certain nombre d'acteurs politiques ivoiriens, qui font en cela une grave erreur. La géopolitique de Félix Houphouët-Boigny était citoyenne. Elle était articulée par sa conception républicaine de l'État et correspondait à la mise en œuvre de son programme d'intégration nationale fondé sur l'alliance de l'ethnie et de la rationalité économique.

C'est errer, comme je le démontre ci- dessous, de considérer que la notion de "rattrapage ethnique" se situe dans la continuité de la fracture identitaire initiée par Henri Konan Bédié dans les années 1990, et par laquelle a été révoqué le modèle Républicain de Félix Houphouët-Boigny Boigny dont s'inspire, au contraire,  justement Alassane Ouattara.

La notion de "rattrapage ethnique" ne désigne ni une revendication identitaire, ni une vision autochtoniste de la Côte d'Ivoire. Elle n'est ni la cause du nationalisme ethnique du PDCI bédiéste des années 1990, ni l'inspiratrice de la politique nationalitaire du village du FPI national-populiste de Laurent Gbagbo.

L'expression fut malencontreusement utilisée, à la suite d'une question piégée d'un journaliste, par le Président de la République nouvellement élu pour traduire, au début de sa mandature, l'exigence de reconstruire dans notre pays une politique d'intégration nationale afin de réparer la fracture sociale du pays marquée emblématiquement par la discrimination et la ségrégation meurtrière contre certaines collectivités du pays. Cette expression ne traduisait ni une volonté ou un plan d'appropriation communautariste de l'État, ni un programme d'autochtonisation du pouvoir et de la société.

Le "rattrapage ethnique" n'est pas un appel à la chasse aux étrangers, à l'homogénéisation communautaire de la société et de l'Etat, à la revendication de la direction de l'État par des « autochtones ».

 Sous la première République, Félix Houphouët-Boigny, fut aussi accusé de monopoliser  ethniquement l’Etat au profit des Baoulés, de confisquer les ressources, les terres et le pouvoir au profit de cette communauté. Cette accusation infondée et injustifiée fut la cause directe de la jacquerie paysanne du Guébié dans les années 1970 sous l'instigation d'une certaine élite régionale, auteur et acteur des prémisses du nationalisme identitaire en Côte d'Ivoire. Vaut-il la peine de souligner que le FPI de Laurent Gbagbo se situe dans la continuité de ces pionniers?

Cette accusation fausse d'accaparement communautariste contre Félix Houphouët-Boigny était pourtant démentie au quotidien sur le terrain par la politique d'inclusion sociale et d'intégration nationale que le Père de la Nation mettait en œuvre pour construire la République et l'unité politique du pays. La répartition des investissements, des moyens et des produits de la croissance, des routes, des ponts, et des équipements publics sur toute l'étendue du territoire furent les traces tangibles de cette politique inclusive d'intégration nationale.
Sous la IIIème République, Alassane Ouattara est, comme Félix Houphouët-Boigny, accusé, depuis son élection en 2011, sur la base de rumeurs que n’étaye aucune statistique, de monopoliser les ressources et le pouvoir politique au profit de sa communauté. Cette accusation fausse est pourtant démentie par la politique d'inclusion sociale et d'intégration nationale que le Président de la République mène à la direction de l'État avec le RHDP qui rassemble en son sein les diverses compétences politiques libérales en provenance de toutes les régions du pays. Le RHDP est nationalement ancré et détient une représentativité sociale incontestable.

Ni Félix Houphouët-Boigny ni Alassane Ouattara n'appelèrent à une homogénéisation communautariste de la société et de l'Etat, à une chasse aux étrangers, à l'appropriation de l'État par des "autochtones". Leur mot d'ordre commun est le rassemblement et l'unité politique de la diversité des peuples du territoire.

Sous la deuxième République, Henri Konan Bédié et Laurent Gbagbo auraient pu s'inscrire selon leurs obédiences idéologiques respectives dans cette politique d'intégration nationale et d'inclusion sociale. Motivés par la capture patrimonialiste et oligarchique de l'Etat, ils choisirent d'instrumentaliser les identités ethniques et de diviser la société pour parvenir à leurs fins. Leur mot d'ordre commun fut la division et l'homogénéisation ethnique incarnées par les tribalistes d'autochnie et du village, comme source de la nationalité.

De la part des officines de propagande du PDCI, du FPI et du RACI, qui pensent trouver dans cette réécriture de notre histoire et dans la manipulation mentale un échappatoire pour fuir leur colossale responsabilité dans les affrontements intercommunautaires qui déchirent à l'approche de chaque élection notre pays, cette confusion témoigne d'une coupable ignorance. (Voir à ce sujet sur cedea.net les différences typologiques dans le système des dépouilles les démocraties de l'Afrique post- coloniale en voie de construction nationale. Nous y reviendrons). Cette confusion négationniste trahit une déficience criminelle de responsabilité. Elle exprime une faillite politique et morale.

 

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