La plate-forme de l’opposition ivoirienne est-elle démocratique ?

Dénonçant une dérive dictatoriale de la majorité RHDP au pouvoir, un certain nombre de partis et de fractions, au sein de l’opposition ivoirienne, prétendent incarner la démocratie et ses valeurs en Côte d’Ivoire. Ils en font leur offre politique centrale. Il importe donc d’évaluer la crédibilité de leur prétention en confrontant leurs discours et leurs praxis à la définition du régime de démocratie pluraliste, à la nature de ses institutions partisanes et à ses objectifs ultimes.

La démocratie est le régime de la souveraineté du peuple. La représentativité des institutions de médiations – les partis politiques, les plates-formes et les coalitions démocratiques – est sociale.  Le parti politique démocratique émerge toujours de la base de la société. Il porte une conception particulière du bien commun telle que se la représentent ses membres qui aspirent pour cela à exercer le pouvoir à travers leurs élus.

Le rapport politique de l’État à la société civile est un rapport de subordination de la sphère politique à la sphère sociale. La fonction éminente de l’État démocratique est une fonction d’intégration sociale et de construction nationale.

Un parti, une plateforme, une coalition de partis sont démocratiques quand, au niveau de la société politique, ils représentent effectivement, les besoins et les intérêts des différentes catégories de la société civile. Ils sont démocratiquement représentatifs  quand leurs offres politiques correspondent à ces demandes sociales, quand  ils  défendent les conceptions du bien commun  propres à ces catégories. Ils le sont quand ils jouent comme tels, dans les règles de l’art, leurs rôles de médiation entre la société civile et l’État. Ils sont démocratiquement justifiés quand ils participent activement au travail d’intégration nationale de la diversité des catégories sociales qui composent la société globale.

Autrement dit, un parti, une plate-forme, une coalition de partis sont démocratiques quand représentant une partie de la société, ils s’engagent, néanmoins dans la compétition pour l’exercice du pouvoir suprême au moyen d’un programme politique inclusif qui s’adresse à la société globale en vue d’en réaliser l’intégration. 

Le discours politique caractéristique des partis, des plates-formes, des coalitions démocratiques est résolument citoyen et républicain. Ces formations politiques démocratiques se représentent toujours le pouvoir d’État comme un service public. Leur praxis est une politique d’action d’intégration nationale et d’inclusion sociale.

Ils conçoivent la société comme une collectivité hétérogène composée de membres égaux en droit et libres. Ils la voient comme un corps politique où les positions, les valeurs et les intérêts divergents des individus et des collectivités  sont tous également légitimes. Ils assignent à l’État la fonction suprême de défendre l’intégrité de cette diversité et de l’unifier sous la Loi de la république.

Peut-on alors dire qu’un parti, une plate-forme, une coalition est démocratique quand il tient le discours ségrégationniste, discriminatoire du nationalisme communautaire, et récuse la citoyenneté en définissant ethniquement la nation ?

Peut-on dire  que ces formations sont démocratiques quand elles identifient l’État à la propriété exclusive d’une communauté ? Peuvent-elles être qualifiées comme telles, quand leur iconographie est celle de l’héritier d’un trône royal, du prophète messianique d’un peuple autochtone qui identifie le territoire national au patrimoine de son ethnie ?

Peut-on dire que ces formations sont démocratiques, quand elles se représentent le pouvoir comme un patrimoine personnel ou communautaire ?

 Sont-elles démocratiques quand leurs praxis contribuent à diviser la société, à la fragmenter, à opposer les identités ethniques du territoire les unes aux autres,  et quand leurs discours dénoncent une prétendue invasion étrangère, en appellent à la purification ethnique et communautaire de la société et de l’État? 

Peut-dire qu’un parti politique ou plate-forme est démocratique quand dénué de représentativité sociale, il naît par génération spontanée pour servir les fins de pouvoir personnel de son chef ou de ses dirigeants?

Le FPI de Laurent Gbagbo, le PDCI identitaire de Henri Konan Bédié, le RACI de Soro Guillaume, la plate-forme actuellement projetée par ces trois acteurs politiques ivoiriens et les précédentes, qui furent tentées depuis l’an 2015 jusqu’à ce jour, sont tous caractérisés par une  déficience de  représentativité sociale.

Leurs discours et leur praxis politique  est clairement communautariste et ethniciste. La société, telle qu’ils l’envisagent, est une société ethniquement et communautairement homogénéisée.

La nation, telle qu’ils la conçoivent, est une communauté ethnique.  L’État, tel qu’ils l’envisagent, est un État dirigé par des autochtones.

L’économie, telle qu’ils se la représentent, est une économie protectionniste fermée réservée aux élites lignagères des communautés autochtones.

 Le rapport de la société civile à la société politique et à l’Etat, tel qu’ils le conçoivent, est un rapport de subordination de la première aux secondes. Marquées par l’instrumentalisation de l’ethnicité et des associations civiles, par le clientélisme, leurs praxis respectives en attestent.

Viciés par ces stigmates des communautarismes, des autocraties et des fascismes,  le FPI de Laurent Gbagbo, le PDCI identitaire de Henri Konan Bédié, le RACI de Soro Guillaume, la plate-forme actuellement projetée par ces trois acteurs politiques ivoiriens, et les précédentes qui furent tentées depuis l’an 2015 jusqu’à ce jour, contredisent  toutes  les définitions des institutions de médiation démocratique. Ils en sont les contraires radicaux.

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