La question de l’héritage politique de Félix Houphouët-Boigny, le Père de la Côte d’Ivoire moderne.

Quel héritage politique le père fondateur de la Nation ivoirienne légua-t-il aux Ivoiriens et que le PDCI-RDA se devait de préserver et de renforcer? Etait-ce un nationalisme modernisateur articulé par le principe de citoyenneté? Était-ce un nationalisme différentialiste anti-moderniste articulé par l'ethnicité? Quelle force politique en est aujourd’hui, en Côte d’Ivoire le dépositaire par le discours et les actions? La prétention de la fraction ethno-nationaliste de ce parti à être le dépositaire de l'houphouëtisme en Côte d'Ivoire ne relève-t-elle pas de l'imposture?
Répondre précisément à ces questions capitales permet d'apprécier la qualité de la fidélité du PDCI-RDA par rapport à son devoir d'assurer la pérennité de l'héritage politique du Père fondateur Félix Houphouët-Boigny.

Le Père fondateur aurait-il assisté de gaieté de cœur à la reforme du Code de nationalité à la fin des années 1990 qui mit la Constitution ivoirienne en porte à faux avec l'Histoire et le tissu sociologique de notre pays? Serait-il resté impassible devant l'abrogation du principe de la citoyenneté au profit du principe de l'autochtonie qui sapa les bases de son héritage politique et auquel s'adonnèrent joyeusement certaines figures bien connues du PDCI-RDA dans les années 1990?

La problématique de l'héritage politique et la question de sa conservation, la question du dépositaire réel de cet héritage doit être évaluée relativement à la réponse précise à cette question. Étant entendu que cet héritage politique n'est nullement de nature patrimonialiste, clanique et tribal. Un héritage politique en démocratie a toujours trait au vivre-ensemble de la diversité sociale.

Le nationalisme anticolonialiste du Père Fondateur, l’houphouëtisme  était, comme je l’ai montré en plusieurs contributions dans cedea.net, un nationalisme libéral modernisateur. Le Nassérisme en Egypte et le Bourguibisme en Tunisie, le Kémalisme en Turquie relevaient de ces nationalismes libéraux modernisateurs qui permirent d’arracher l’indépendance politique des pays, de les engager ensuite dans la voie de la modernisation en alliant les traditions à la rationalité économique. L’esprit de l’Houphouëtisme en Côte d’Ivoire réside dans cette alliance entre les cultures ethniques de notre pays et la rationalité moderne.

Comme le montre éloquemment l’histoire de  ces pays qui marièrent la tradition et la rationalité moderne pour se construire dans la temporalité (telle se définit la modernisation), la rupture de cette alliance, le repli sur les identités, l’appel à  l’ethnicité contre citoyenneté, à la communauté contre la société conduisit toujours à la fracture et à la division de ces pays.  Ce fut le cas en Côte d’Ivoire en 1990. Une fraction identitaire au sein du PDCI-RDA fut l’architecte de cet appel à la communauté contre la société, à l’ethnicité contre la citoyenneté.

Au-delà de la problématique de la revendication du pouvoir s’affirme aujourd’hui encore, autrement dit un quart de siècle plus tard,  sous la thématique de l’héritage,  la conception communautaire de l’Etat.

La déclamation ritualiste et assez ridicule du soutien apporté par les Sénateurs du parti qui "Encouragent le Président Henri Konan BEDIE à préserver, renforcer, pérenniser le PDCI-RDA, et à transmettre à son tour cet héritage politique que lui a légué le père-fondateur, dans le respect des traditions et de la mémoire du Président Félix Houphouët Boigny" exprime une fidélité de type communautariste. Elle illustre l’incapacité  de grande partie de l’intelligentsia et des classes politiques ivoiriennes à se définir comme médiateur entre la tradition et la modernité, entre  la communauté et la société.  

 Les États post-coloniaux africains souffre de cette plaie purulente: l'incapacité des élus à incarner la Nation au delà des catégories particulières dont ils défendent les intérêts (un défaut rédhibitoire accentué par le dévoiement de la représentativité sociale des partis en représentativité communautaire); l'incapacité des hommes politiques à incarner LA GENERALITE EN LEUR ÊTRE.

NOUS SOUFFRONS DE L'INDIGENCE DE NOS ÉTATS EN INDIVIDUS GÉNÉRAUX CAPABLES DE DEFENDRE L’INTÉRÊT GENERAL DE LA SOCIÉTÉ GLOBALE EN SE DISTANCIANT DE LEURS ATTACHES PRIMORDIALES.

N'Y-A-T-IL PAS UNE INSOUTENABLE CONTRADICTION A ERIGER  LA TRAHISON DES IDÉAUX DU PÈRE FONDATEUR DE LA CÔTE D'IVOIRE CITOYENNE ET MODERNE EN RÉFÉRENCE DE SON COMBAT POLITIQUE? CETTE CONTRADICTION NE S'APPARENTE-T-ELLE PAS A UNE SORTE DE PROFANATION DE SA MÉMOIRE?

Les commentaires sont fermés