Martin Schulz, Jacob Zuma et Laurent Gbagbo : priorité aux intérêts du parti ou priorité aux intérêts personnels ?

Après avoir été la cheville ouvrière du contrat de compromis de la nouvelle grande coalition CSU/CDU-SPD à venir en Allemagne, Martin Schulz, le chef du SPD, a décidé spontanément et volontairement de renoncer à son poste de Ministre au sein de cette nouvelle coalition. Selon ses dires, il a en ainsi décidé afin de démontrer que les intérêts et l’intégrité du parti doivent avoir la priorité sur les intérêts particuliers et les ambitions de son chef et de ses dirigeants.

En Afrique du Sud, Jacob Zuma, le chef de l’ANC, accusé de corruption, vient de démissionner sous la pression du parti après avoir résisté durant de longues années. Selon ses dires, il en a ainsi décidé afin de sauvegarder l’intégrité du parti, pour éviter que des morts provoquées par son refus de démissionner, n’entachent son nom, et aussi parce qu’il situe ses intérêts particuliers derrière ceux du parti. Mais Jacob Zuma ne se reconnaît coupable de rien. S’estimant innocent en dépit des preuves judiciaires documentées de sa corruption et du népotisme de son régime, il ne consent pas en conscience à sa culpabilité politique et s’estime victime d’une injustice.

En Côte d’Ivoire, en 2010 Laurent Gbagbo, le chef du FPI, avait refusé de céder le pouvoir après avoir perdu l’élection présidentielle. Alléguant un complot international ourdi contre sa personne et son régime, il avait sciemment et volontairement, afin de tenter de conserver le pouvoir,  provoqué une guerre civile qui fit des milliers de morts. Cédant enfin à la supériorité militaire de ses adversaires, il avait abandonné le pouvoir en ordonnant à ses troupes de pratiquer la politique de la terre brûlée en mettant à sac toutes les infrastructures du pays. Jacob Zuma, qui déclare aujourd’hui en Afrique du Sud céder le pouvoir pour épargner des vies sud-africaines et pour sauvegarder l’intégrité de l’ANC, avait dépêché une flotte dans les eaux territoriales ivoiriennes pour soutenir ce combat de résistance irrationnelle et politiquement criminelle, qui causait des milliers de morts et brisait l’intégrité du FPI.

Insoucieux de l’intégrité et de la pérennité politique de son parti, Laurent Gbagbo avait imposé au FPI de déserter son rôle dans l’opposition au nouveau gouvernement élu. Plaçant ses intérêts particuliers et ses ambitions personnelles au dessus de ceux de la société, de son électorat, de son parti, de l’État et de la Côte d’Ivoire, Laurent Gbagbo appelle depuis sa prison, d’où il se déclare innocent et injustement emprisonné, au boycott de toutes les élections et escompte être rétabli au pouvoir en 2020.

 En Côte d’Ivoire, le « socialiste » Laurent Gbagbo, en égocrate, ramène tout à lui, à sa liberté et à son bien-être personnels en méprisant le peuple. En Allemagne, le socialiste Martin Schulz, en républicain et en citoyen, ramène tout au bien être du peuple, à l'intégrité idéologique du parti et aux intérêts souverains de l’Allemagne. Le politicien, dit-il, s’engage en politique et fait de la politique pour servir le peuple de son pays. Renoncer à servir ses intérêts particuliers et ses ambitions personnelles fait partie de ce sacerdoce.

En Afrique du Sud, le politicien Jacob Zuma, animé par sa corruption notoire et son hubris du pouvoir qui le place très loin en dessous de ce sacerdoce, a tenté de placer ses intérêts particuliers au-dessus des intérêts de son parti et du peuple sud-africain. Il a été  néanmoins contraint à la démission par son parti.

En Côte d’Ivoire, par contre, le parti a toujours été obligé de s’incliner devant la personne et les intérêts particuliers de Laurent Gbagbo dont il estime être l’instrument.

Laurent Gbagbo et les siens n’ont jamais pu se hisser à ce niveau du sens politique et de la conscience de l’intérêt général. Indifférents aux morts  et au vivants, aux générations passées et aux générations à venir, ils ramènent tout à eux, désirent capter toute la lumière du monde, font des droits humains leur monopole et de leur impunité un droit naturel. Piétinant le peuple, le parti et l’Etat, ils font de leurs intérêts particuliers, de leurs ambitions personnelles et de leur bien-être individuels l’alpha et l’oméga de la Côte d’Ivoire. Prêts à renflammer la Côte d’Ivoire, recyclant les vieilles rengaines de la lutte de libération anticolonialiste et les vieux slogans révolutionnaires, atteints de complotite et perdus dans le complotisme, s’estimant avoir été désappropriés du pouvoir, ils font du retour au pouvoir de Laurent Gbagbo la condition ultime de l’historicité de la Côte d’Ivoire et de son peuple.

 En Allemagne les socialistes du SPD représentés par leur chef font du service du peuple, la raison d’être du parti, du gouvernement et de l’Etat. En Afrique du Sud en dépit de leur dérive oligarchique, les anticolonialiste de l’ANC continuent apparemment de considérer que le service du peuple, dont l’ANC doit être l’instrument, est leur raison d’être. En Côte d’Ivoire, les « socialistes » et les « anticolonialistes » du FPI considèrent que le peuple, le parti  et l’Etat sont au service des intérêts particuliers et les ambitions personnelles du chef de parti  Laurent Gbagbo.

Ce renversement monstrueux de la logique politique des démocraties par les dirigeants du FPI explique leur projet délirant établi en guise de programme gouvernemental et de maître mot de la campagne: prendre le pouvoir en 2020 pour mettre l’Etat ivoirien au service de la libération de Laurent Gbagbo, en dépit de sa condamnation pour crime contre l’humanité. Conformément à ce programme délirant une victoire du FPI en 2020 inaugurerait logiquement le gel et l’arrêt complet du programme d’équipements publics, des politiques économiques et sociales en Côte d’Ivoire, toute la puissance publique étant mise au service de la libération de Laurent Gbagbo !

 

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