La lutte politique inter-partisane ivoirienne est-elle démocratique ?

La lutte politique inter-partisane ivoirienne se déroule-t-elle comme il se doit dans une démocratie constitutionnelle représentative ? Est-elle structurée par la logique démocratique ? A supposer que la réponse à cette question soit négative, comment expliquer la dérive ivoirienne qui illustre, de manière spectaculaire, la situation commune de la lutte politique inter-partisane dans les nouvelles démocraties africaines? Déterminer ces causes pourrait contribuer à réformer la lutte inter-partisane ivoirienne et africaine en général pour l’accorder à la logique structurelle de la lutte inter-partisane  démocratique.

Le but final de la démocratie est de mettre le pouvoir politique au service de la société, de faire de l’Etat le défenseur de l’intérêt général et le serviteur du bien commun. La lutte démocratique vise à garantir politiquement et juridiquement l’autonomie des personnes et des collectivités, à assurer la représentation de leurs intérêts et de leurs valeurs par l’Etat. Son objet est  de préserver les citoyens contre la domination politique, économique et sociale. La démocratie est donc structurée par la logique de la défense des droits individuels et collectifs. Les mouvements sociaux  revendiquent des droits. Les actions syndicales des catégories professionnelles défendent des intérêts corporatifs. La lutte démocratique entre partis de différentes obédiences idéologiques est, par nature, un affrontement des représentations  divergentes du service de l’intérêt général et des différentes conceptions du Bien commun. Le rôle institutionnel des  partis est, en démocratie, d’agréger les demandes sociales et de formuler des offres  politiques correspondantes qui permettent d’élaborer des programmes politiques ajustés aux besoins de la société. La majorité électorale démocratique  prend le gouvernement pour conduire une politique au service des droits et des intérêts sociaux du plus grand nombre et des minorités. L’affrontement politique inter-partisan, en démocratie, est par conséquent, déterminé par la logique de la défense des droits et des intérêts sociaux. Elle n’est pas déterminée par la logique de la conquête du pouvoir. Cette dernière néglige les droits personnels et collectifs au profit des stratégies efficaces de prise du gouvernement. Elle est instrumentale et fait de cette prise un moyen pour le service d’intérêts particuliers factionnels et un outil de domination. Elle est donc anti-démocratique.

Est-il possible d’affirmer que la lutte politique inter-partisane, telle qu’elle se déroule en ce moment en Côte d’Ivoire, précocement en vue de l’élection présidentielle 2020, est conforme à cette nature de la lutte politique démocratique et à ses objectifs ?

Marquée par les affrontements interpersonnels et régionalistes, par l’absence de débats d’idées et de confrontation d’offres politiques concurrentes, par une inflation d’alliances électoralistes bien souvent contre-nature, par des stratégies instrumentales de débauchage, offrant le spectacle d’un combat de chefs, la scène politique ivoirienne semble en porte à faux avec les réquisits du combat politique démocratique. Elle donne des raisons de penser que la défense des droits individuels et collectifs, et la représentation des intérêts sociaux sont les parents pauvres de la lutte inter-partisane ivoirienne. La propension de l’intelligentsia à céder à la démagogie, au mercenariat politique, à s'adonner aux actions de  flibusterie au profit des ambitions personnelles des acteurs politiques tend à montrer que la lutte inter-partisane ivoirienne est exclusivement motivée par la logique de la conquête du pouvoir. La lutte politique inter-partisane ivoirienne est donc antidémocratique.

Quoique spectaculaire en Côte d’Ivoire, cette âpreté de la logique de la conquête du pouvoir définit le caractère général des luttes politiques inter-partisanes dans les démocraties africaines. Quelles sont donc les sources de cette pathologie politique qui consiste en ce que la logique de la conquête du pouvoir soit la loi structurante de la lutte politique africaine au détriment de la logique de la défense des droits? (A suivre)

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