Le fondamentalisme terroriste est-il une nouvelle forme de colonialisme en Afrique Noire ?

Après le colonialisme occidental et ses conséquences dévastatrices, l’Afrique Noire est-elle à nouveau en butte à une nouvelle forme de colonialisme?

Peut-on, en effet, assimiler le fondamentalisme terroriste de boko haram au Nigéria, de Aqmi de Ansar Dine, et de la Mujao au Mali,  à un fondamentalisme de conquête de nature colonialiste alors que ces terrorismes semblent relever du registre de la lutte sécessionniste contre des Etats centraux accusés d’être injustes, discriminants et prédateurs?

Les propos sidérants et effrayants du dirigeant de la secte barbare nigériane,  déclarant avoir l’intention de réduire en esclavage, de vendre et de convertir de force à sa « conception » sectaire de l’islam, les fillettes, les jeunes filles et les femmes capturées dans le nord du Nigéria, ne s’inspirent-ils pas de la volonté de construire un modèle de société esclavagiste en Afrique Noire, en ce XXIème siècle ?

En dépit de l’irrationalité et de l’extravagance d’un projet colonialiste,  et même esclavagiste, les signes inquiétants du terrorisme de conquête et d’asservissement, au Mali et au Nigeria, légitiment une telle interrogation. Il s’agit ici aussi, comme par le passé, d’une entreprise de conquête territoriale et d’acculturation forcée à visée régionale et même continentale. En Afrique noire, cette nouvelle donne disqualifie encore plus les autocraties et les politiques de prédation qui génèrent les fondamentalismes terroristes de conquête et d’asservissement en raison du  chaos social économique et politique qu’elles engendrent.

En interprétant rationnellement les évènements  qui se succèdent dans une sorte de cohérence géostratégique, nous sommes raisonnablement amenés à penser que l’Afrique Noire semble être en butte à de nouvelles expéditions esclavagistes et  colonialistes, en ces temps où l’Afrique est redevenue à nouveau un continent convoité.

Qu’est-ce qui nous pousse à identifier les attaques du fondamentalisme terroriste à des actions colonialistes? Comment procède  en effet le colonialisme ?  

Le colonialisme procède en conquérant militairement des territoires dans un but d’expansion, de domination et d’assujettissement. Il assoit son imperium en réprimant brutalement les actes de résistance par des massacres, et en soumettant les territoires conquis à une acculturation forcée. Le pouvoir colonial oblige par la force les populations à renoncer à leur mode de vie habituel, à leurs traditions et coutumes. Il les contraint par la force à adopter sa vision du monde,  ses valeurs morales et économiques, sa culture, sa religion, sa conception de la famille, ses codes vestimentaires, sociaux et juridiques. Il procède à l’acculturation forcée des populations, par la violence,  la répression, les interdictions et les contraintes diverses. Il installe une nouvelle administration et construit un nouvel Etat. Il nomme de nouveaux administrateurs, véritables gouverneurs et proconsuls d’un nouvel ordre impérial. Il recherche et s’attache la collaboration de  relais locaux pour autochtoniser la domination. Par la ruse et par la violence brutale, il oblige de diverses manières, les habitants des territoires conquis à participer activement à  l’ancrage et à la diffusion de sa conception du monde.

A l’instar du colonialisme occidental, le cas d’école malien avait démontré le souci des djihadistes  d’autochtoniser le fondamentalisme terroriste, en impliquant les populations locales dans le processus colonial, et  en faisant des autorités religieuses et administratives des territoires conquis, les agents actifs de la diffusion du nouvel ordre économique  social et politique  qu’ils avaient importé. Les flagellations, les lapidations, les amputations publiques devaient inscrire, dans les corps et dans les têtes, l’impérium d’un nouveau code juridique. Le cas d’école nigérian atteste, quant à lui, la mise en œuvre extrême des procédés brutaux de cette acculturation forcée de type coloniale. L’importation d’un modèle culturel étranger se lit clairement dans le modus operandi des attentats terroristes qui viennent de culminer avec les attentats suicides féminins. Cette importation se donne à voir dans la scénographie de l’exposition médiatique des otages,  dans le code vestimentaire des geôliers, dans leur gestuelle et leurs imprécations. Pour les fondamentalistes, l’islam syncrétique et tolérant d’Afrique Noire  doit être éradiqué au profit d’un islam intolérant et sectaire venu d’ailleurs par la guerre de conquête, par la brutalité des attentats terroristes, par l’exécution médiatisée des résistants désignés comme des ennemis, des impies et des infidèles. A l’image de la précédente entreprise coloniale occidentale, l’installation tutélaire d’une superstructure culturelle et idéologique doit consolider les conquêtes territoriales africaines de nouvelles puissances financières économiques moyen-orientales à visée impérialiste.

 L’Emir de Kano, réagissant aux attentats-suicide qui ont frappé la mosquée de sa ville, ne s’y est pas trompé lorsqu’il dénonce une stratégie d’acculturation forcée menée par les commanditaires: "Nous ne nous laisserons jamais impressionner ni pousser à abandonner notre religion, comme le souhaitent ces assaillants", avait-t-il lancé lors d'une visite d'une vingtaine de minutes dans la mosquée, souillée par des restes humains et des flaques de sang et parsemée de tapis de prières abandonnés.

Face au nouveau danger colonialiste et terroriste, il est donc nécessaire de s’organiser en Afrique Noire pour engager une lutte tridimensionnelle, c’est-à-dire confessionnelle, militaire et politique. Du point de vue de l’urgence, il est requis de frapper militairement le monstre à la tête au moyen d’une coalition des armées des Républiques et des Démocraties du continent. De manière plus ciblée, l’islam syncrétique africain, qui fut toujours à la pointe du combat contre le colonialisme en Afrique, doit être mobilisé afin de disqualifier la prétention du fondamentalisme terroriste à incarner l’Islam. Mais, contre le monstre colonialiste et terroriste, la démocratie constitutionnelle représentative, l’éducation démocratique et la laïcité de l’Etat, sont les armes les plus efficientes et les plus décisives.

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