Pour une sauvegarde du RHDP

Les élections régionales et municipales viennent de prendre fin sur une note dissonante que l’on peut regretter ; toutefois, même la symphonie la plus inachevée nous donne un enseignement. Ne nous révèle-t-elle pas en effet, au moins, que tout est dans l’accord et dans l’harmonie, en un mot, dans le rien apparent de la mesure par quoi les choses vibrent et vivent radieusement ?

Avec la fin regrettable de ces élections, l’on peut dire que c’est la vie elle-même qui, en bonne pédagogue, vient nous rappeler une vérité élémentaire : la politique est une manière de se mettre au service de l’altérité, de se soucier de l’intérêt général, en somme, d’être, selon l’idée d’Emmanuel LEVINAS, « une demeure pour autrui », en demandant simplement où est le bien afin que je le puisse servir. Penser que la politique est affaire de calcul, de ruse, et qu’elle n’a rien à voir avec la morale, c’est faire injure à l’homme et lui proposer de ne poursuivre que des buts privés, égoïstes et bornés, loin de toute éthique de la générosité, alors que je ne suis vraiment homme qu’en me laissant affecter et ordonner par un appel qui sourd du visage de l’autre en face de moi.

Comment ne pas constater que nous manquons de suffisamment tirer leçon du passé, et que nous ressemblons à ces voyageurs qui prennent le train et s’endorment, pour ne se réveiller qu’au moment de la collision ! Que chacun de nous accepte, une seule seconde, de se poser la question incontournable : qu’aurait-il pu advenir de notre pays, la Côte d’Ivoire, sans le geste du Président BEDIE, procédant de l’unité du cœur et de la raison, et salué par nous tous de la manière la plus convenable, appelant le Rassemblement des Houphouétistes pour la Démocratie et la Paix à voter, au second tour, le Président OUATTARA ? Ce geste n’est-il pas ce qui a sauvé notre pays qui, de toute évidence, était sur le point de s’enfoncer dans la nuit la plus obscure ?

La Côte d’Ivoire naviguait sans ancre ni compas. Elle s’était détournée de l’horizon de l’excellence pour proposer à sa jeunesse, comme modèles de vie, non les étudiants les plus brillants et les plus méritants, mais les mouches de la place publique enivrées d’un patriotisme instinctif qui nourrissait même le désir de frapper sa propre monnaie idéologiquement dénommée « Monnaie Ivoirienne de la Résistance ». Il a fallu rappeler que ce pays doit se hâter de retrouver la sève qui l’a toujours fécondé pour lui assurer vitalité et verticalité, qu’un héritage est à façonner et à sauvegarder, légué par son premier bâtisseur, afin de briller à nouveau de l’éclat du flamboyant. Il a fallu appeler à un surpassement de soi afin que ceux qui reconnaissent que les fondations de la maison sont déjà là, s’unissent pour davantage consolider ce que la bienveillance du destin a si heureusement su planter. Etait en cause, non l’intérêt de tel ou tel parti, non l’ambition de tel ou tel homme politique, mais tout simplement le devenir du peuple, en sa substance éthique et organique, qui refuse de continuer d’être défiguré, qui a peur de ce qui, en lui était sur le point de le détourner de son hymne national, et qui, dans un sursaut, veut renouer avec la flamme de vie l’ayant aidé à être un modèle de cohésion, de brassage ethnique et de développement.

Comment alors comprendre qu’après s’être rassemblés autour de l’essentiel afin d’offrir à notre pays la chance d’une aube nouvelle de vie, en conformité avec sa vocation historique, des partis politiques  membres du RHDP semblent avoir oublié l’endurance des mois passés à l’hôtel du Golf, les femmes atrocement tuées à Abobo, les personnes innocentes arrêtées et brûlées à des carrefours ? En voyant notre pays se reconstruire avec force, sagesse et beauté, en observant qu’il est à nouveau devenu fréquentable et a retrouvé le parfum de son audience internationale, pourquoi ne pas résolument se laisser habiter par l’esprit d’une alliance transcendant infiniment les partis ? Le Rassemblement des Houphouétistes pour la Démocratie et la Paix représente bien une chance pour la vie politique en Côte d’Ivoire après toutes les difficultés que nous avons traversées. Dans la clarté de l’évidence, ne laisse-t-il pas apparaître que la politique est souci de l’intérêt général, service de la veuve, de l’orphelin, de l’étranger et de toute faiblesse, manière de dilater notre cœur pour l’étendre aux dimensions d’autrui, afin d’être ami de l’homme, quel qu’il soit ?

N’ayant été créé ni pour quelqu’un, ni contre quelqu’un, mais pour sauvegarder une exigence fondamentale, le RHDP est là au milieu comme ce qui, en nous ramenant en un éclair au premier bâtisseur de notre pays, nous rappelle que nous n’avons pas le droit de détruire l’héritage qui nous a été laissé, que l’amour et la vérité doivent triompher de la haine et du mensonge, et que les raisons d’unir doivent être toujours plus fortes que celles de séparer. Sous cet aspect, comment déclarer qu’il est bel et bien mort ? Ne saurait mourir ce qui est au fondement de la chose même, l’esprit qui l’amena au jour, l’élan pur et sans tache qui le suscita. Ce qui est mort, au sens de ce qui ressemble à une existence indigente et rabougrie, c’est très surement l’attitude des militants des partis membres de ce Rassemblement, se livrant à des actes de violence pour chercher à gérer juste une petite portion du territoire national, une commune ou une ville ! Penser à un autre Rassemblement, n’est-ce pas aller creuser encore à moitié un autre puits que l’on abandonnera par la suite, parce qu’on n’a pas la patience d’aller jusqu’au fond où se trouve l’eau qui veut simplement être bue ?

La vigne du RHDP a déjà fait ses preuves en produisant des fruits splendides et abondants. Il convient simplement de tailler et de purifier ses rameaux, afin qu’elle en porte davantage et, de cette façon, honore en esprit et en vérité l’œuvre du Président HOUPHOUËT.

 

DIBI Kouadio Augustin

Professeur titulaire de Philosophie

Université Félix HOUPHOUËT BOIGNY

<>

Les commentaires sont fermés