La courtoisie politique d’Alassane Ouattara envers Simone Gbagbo : une leçon de civisme démocratique à l’extrémisme politique en Côte d’Ivoire et Afrique. 1ère partie.

En Afrique nous avons, du fait de l’État colonial et des dictatures post-coloniales qui lui avaient succédé, eu l'habitude de considérer l’Etat comme un instrument de répression de la société, le gouvernement comme un moyen de prédation et  l'adversaire politique comme un ennemi à anéantir. Interprétant, dans le mauvais sens, l’adage selon lequel « la politique est la continuation de la guerre par d’autres moyens » nous avons pris l'habitude de considérer que la guerre est le modèle de l'affrontement politique alors qu’en réalité la fonction de  la politique est de remplacer et supprimer la guerre.

Nous avons donc défini la politique comme guerre d'anéantissement et  considéré l'adversaire politique comme un ennemi à supprimer au lieu de le considérer au contraire comme un adversaire-partenaire dans une aventure commune qui est celle de la production de la société et du service du Bien commun.

L'occupant colonial auquel avaient  succédé des dictatures et des autocraties dans les Etats postcoloniaux ont défini typologiquement le modèle de l’affrontement politique  et la figure du détenteur du pouvoir.

La culture bien souvent marxiste-léniniste des pionniers de la lutte anticolonialiste africaine et des élites qui formèrent le personnel politique des Etats dans les années 1960 ont fait du modèle de la révolution et de la lutte guerrière contre des ennemis de classe, le modèle de l'affrontement politique africain. Les dictatures et les autocraties post-coloniales ont renforcé cette impression.

L'affrontement politique africain postcolonial s'est donc défini selon le modèle de la guerre et de l'anéantissement de l'ennemi. Dans la plupart des Etats africains, cette culture de la politique comme guerre contre un ennemi de classe a prévalu dans les nouvelles démocraties pluralistes.

Entretenant un climat insurrectionnel permanent, elle conduit les gouvernements à refuser l'alternance du pouvoir, à brimer leur opposition, à les concevoir comme des ennemies. Elle amène les oppositions à refuser les règles du jeu démocratiques, à sombrer dans la stigmatisation compulsive du gouvernement, à le considérer comme un ennemi de la société, comme un serviteur d’une puissance étrangère,  à l’identifier à l’ancien colon à vouloir le renverser  par la force.

A l’ère de coups d’Etat dans l’Afrique des autocraties et des dictatures post-coloniales succède ainsi l’ère des révoltes populaires dans l’Afrique des démocraties pluralistes où les gouvernements et les oppositions continuent de s’affronter selon le modèle anti-politique de la guerre civile

 Nous sommes ainsi prisonniers de notre histoire et du syndrome colonial.
Nous devons nous en délivrer lorsque  les hasards et les nécessités de l'histoire en réalisent les conditions et qu'apparait un de ces hommes d'exception qui permettent aux cités de modifier qualitativement la nature de leur affrontement politique, d’initier un nouveau commencement.

Est alors nécessaire  un schème pratique autrement dit un exemple concret qui indique au peuple la nouvelle manière d'agir et de penser requis par le nouveau régime de démocratie pluraliste.

Nelson Mandela en Afrique du Sud fut un de ces hommes d'exception dont les dirigeants de l'ANC ne surent malheureusement pas saisir, par faiblesse et incapacité personnelle, le schème pratique qu'il incarna par son exemple et qui aurait permis de modifier en profondeur la vie démocratique  sud-africaine.

En Côte d'Ivoire le message délivré par la manière de gouverner d'Alassane Ouattara qui est un véritable SCHÉMATISME POLITIQUE depuis 2010, devrait pouvoir être compris comme tel: gouverner dans une démocratie pluraliste c'est se servir du pouvoir d'Etat pour réaliser les intérêts souverains des diverses catégories de la société. C'est mettre en œuvre un programme d'inclusion sociale et d'intégration nationale. C'est considérer l'opposition comme un partenaire dans le service public. C'est respecter cette opposition.

Félix Houphouët-Boigny, en son despotisme éclairé qui ne fut guère une dictature, avait incarné, aux yeux et aux sens,  des Ivoiriens ce schème pratique, cet exemple  qui ne fut malheureusement pas suivi en raison de l’avidité et de l’idolâtrie du pouvoir qui gangrenait une partie de sa postérité.

L'éclipse pluri-décennale de cette éthique politique et démocratique depuis les années 1990 dans notre pays, la continuité obstinée de la vision guerrière de la politique dans certaines parties de la classe politique ivoirienne rendait indispensable un nouvel  exemple  pratique fort qui puisse éclairer cette classe.

 

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