Savoir raison garder: les municipales d’Octobre 2018 en Côte d’Ivoire, un air d’examen blanc de la Présidentielle 2020.

Les municipales d’Octobre 2018 furent le test grandeur nature d’une échéance électorale décisive à venir. Elles préfigurèrent la présidentielle 2020. Les candidats compétirent en tant que porteurs d’un programme explicite ou implicite dont la nature en termes de préservation des libertés et des droits n’échappa pas à la perspicacité du peuple souverain ivoirien.

Ce peuple, qui dans l’isoloir décide en dernière instance, in foro-interno, de l’échec ou du succès d’un prétendant à l’exercice du pouvoir, détient toujours une longueur d’avance sur sa classe politique dans toutes les démocraties pluralistes. 

Les trois problématiques suivantes régentèrent la compétition des candidats : la production de richesse nationale et la redistribution des produits de la croissance, la participation politique et la représentation des intérêts sociaux, la garantie du respect des droits individuels et collectifs par le pouvoir politique.

Le choix majoritaire des urnes, lors de ces municipales, est allé à l’écurie dont l’offre politique répond le mieux à ces trois problématiques qui définissent le profil d’un bâtisseur de cité et d’un agent de développement.

Les municipales clarifièrent les programmes divergents en compétition qui se dissimulaient derrière la personnalisation du débat.

Les candidats des diverses écuries politiques furent départagés par les urnes sur la base des conséquences politiques, sociales et économiques de leurs discours, de leurs actions, de leurs programmes et projets explicites ou implicites.

Au-delà de leurs personnes, le peuple souverain jugea les candidats sur la crédibilité de leurs offres politiques, sur la correspondance de ces offres à ses demandes existentielles et à ses attentes.

A une année de la présidentielle 2020, le résultat des urnes des municipales refléta donc l’état réel des rapports de forces partisans et exprima un cliché objectif de la prochaine déclaration de la volonté générale.

Les municipales furent, sous cette perspective, l’examen blanc de l’épreuve de la présidentielle 2020.

A la majorité des voix des urnes, le peuple ivoirien a, en qualité de jury, rejeté le programme de la fermeture identitaire, de l’anti-modernisme, du conflit entre les identités ethniques et la rationalité économique moderne. Il s’est prononcé majoritairement pour la fraternité des identités ethniques du territoire, pour la citoyenneté, pour le discours de l’alliance houphouëtienne de l’identité culturelle et de la rationalité moderne, pour la politique de modernisation menée depuis 2011.

Il importe de souligner que la majorité du vote populaire, lors de cette échéance décisive d’Octobre 2018, est allée à un RHDP délesté à la fois du poids du RACI de Soro Guillaume et de celui de la fraction identitaire du PDCI, dont Henri Konan Bédié s’est révélé être la figure tutélaire.

Ni le retrait d’Henri Konan Bédié, ni la dissidence de Soro Guillaume n’entamèrent la majorité électorale du RHDP. Ce schéma prospectif d’explication n’est nullement infirmé par la donne de la candidature du FPI et de l'intervention de son électorat minoritaire captif composé par le cercle de ses militants.

 Les municipales d’Octobre 2018 délivrent le message d’un ancrage territorial du RHDP qui capitalise son discours de rassemblement, de reconnaissance des identités ethniques par l’Etat central, d’alliance entre l’identité ethnique et la modernisation.

Le résultat des municipales d’Octobre 2018 est donc celui d’une élection décantée qui restitue le poids électoral réel des équipes en concurrence pour l’exercice du pouvoir d’Etat en 2020.

Depuis ce test grandeur nature, les discours, les thématiques et les actions des protagonistes de cette élection présidentielle n’ont pas qualitativement varié reflétant, en cette constance, une forme de cristallisation des programmes et des projets partisans.

Les républicains démocrates et centristes sont restés centristes, républicains et démocrates. Le républicanisme et l’intégration démocratique de la diversité étant leur Schibboleth, les ethno-nationalistes et les populistes extrémistes sont restés extrémistes, ethno-nationalistes et populistes.

Soucieux de conserver les acquis, les premiers essaient apparemment de compléter la stratégie de mobilisation des bases par une stratégie d’occupation cognitive du terrain. Cette politique corrective de proximité ajoute un régime d’explication pédagogique au régime de massive mobilisation des bases.

Préoccupés de combler leur retard, les seconds choisissent de durcir leur discours identitaire par une propagande centrée sur les thématiques identitaires et populistes, essaient de fracturer la société en provoquant sur le terrain des conflits intercommunautaires artificiels entre de soi-disants autochtones et d’autres ivoiriens stigmatisés comme allochtones envahisseurs,  tentent d’unir leurs forces dans une coalition chimérique travaillée par une dynamique centrifuge irréductible. Leur objectif est de retourner l’opinion publique au moyen de l’infox et de l’intoxication psychologique sur le fond d’un discours communautariste et régionaliste qui les confine logiquement dans la minorité.

Cette opposition antinomique des solutions et des choix partisans, qui définit une sorte de salutaire bipolarisation politique en Côte d’Ivoire, doit être conservée.

Cette démarcation des lignes a permis à l’électeur ivoirien de se prononcer clairement pour le type de programme et de projet de société de son choix. L’opposition frontale entre ces positions partisanes antinomiques éclaire l’électeur et renforce la démocratie.

Le résultat des municipales, qui donne l’avantage aux forces centristes du rassemblement, nous enseigne que cette cristallisation des profils et cette clarification des identités partisanes, ne devraient pas être brouillées par des alliances et des débauchages susceptibles de semer la confusion. (A suivre)

 

 

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