L’instrumentalisation politique des faits divers dans la guerre de succession en Côte d’Ivoire.

La problématique sociale des déguerpis de la SICOGI et les faits divers qui émaillent l’actualité ne devraient pas être instrumentalisés politiquement, comme ils le sont actuellement, par les logiques factionnelles et l’érection des égoïsmes et des ambitions personnelles en cours dans la guerre irrationnelle de succession.

Le déguerpissement des locataires de la SICOGI ne relève pas d'une décision de l’État ivoirien quoique la SICOGI soit une société à participation financière publique et que ses mandataires sociaux soient nommés par décret pris en conseil des ministres. La corruption des agents du guichet unique, relativement au trafic des limousines, n’est pas une corruption du gouvernement qui n’administre pas non plus la justice en démocratie. Nous sommes sortis du régime du parti-État et de l'économie politiquement contrôlée. Nous vivons désormais sous un régime de démocratie républicaine multipartisane et d'économie libre de marché.

L’État n’est plus un opérateur économique et un administrateur de la justice. Nous avons changé de régime politique. Nos mentalités et nos représentations devraient changer pour correspondre à ce changement de régime. Ce retard des mentalités, par rapport au régime politique, est une aubaine dont profitent les imposteurs et les démagogues de tout poil.

Nous devons éviter de confondre les régimes politiques et les genres économiques. Contre les tentatives séditieuses et insurrectionnelles du populisme et de l'ethno-nationalisme, cette lucidité vitale et cette honnêteté intellectuelle, envers soi-même et envers autrui,  permet de garder  le cap de la démocratie républicaine pluraliste qui est la médiation nécessaire du développement endogène dans notre pays.

La société civile n'est ni la société politique, ni l’État en démocratie républicaine pluraliste. Ces trois systèmes sont distincts et fonctionnent selon des logiques spécifiques. Les opérateurs économiques, tels la SICOGI, qui n'est plus une société d’État mais une société privée, agissent selon le principe de maximisation du profit dans le cadre de l'économie de marché. Leurs décisions n'engagent pas la responsabilité de l’État. Que l’État y nomme des mandataires sociaux par décret ne transforment pas la SICOGI en société d’État. Elle n’est pas soumise aux logiques politiques mais aux logiques économiques.

Le propre de l’économie de marché est de soustraire l’économie aux logiques et aux décisions politiques  de l’Etat et à ses choix arbitraires. Cette séparation n’anéantit cependant pas le traitement politique des demandes sociales et des contentieux. Les conflits d’intérêt et les problématiques sociales se règlent institutionnellement, selon les lois, dans le cadre d’un système dédié du régime démocratique.

Il revient à la société politique constituée par les diverses organisations de médiation, et qui ne se réduit donc pas à l’État et au gouvernement, de régler les conflits d'intérêts et les contentieux selon le droit. C’est la fonction spécifique des Autorités Administratives Indépendantes en démocratie. Que l’État de Côte d’Ivoire ait nommé des mandataires sociaux à la SICOGI, et que cette société soit le maître d’œuvre de la politique du logement, ne signifie guère que cette société soit devenue une entreprise publique soumise aux logiques politique de l’État.

Certes, en vertu du principe de publicité qui régente la gouvernance démocratique, le citoyen est en droit  d’exiger des explications et des éclaircissements aux opérateurs économiques privés et aux acteurs politiques  quant à l’usage des frais de souscription au programme des logements sociaux et concernant l’état d'avancement des travaux.  La revendication de ce droit ne saurait cependant être l’occasion de mélanger les registres du politique et de l’économique, de la société civile, de la société politique et de l’Etat.  

 Il est malhonnête d'entretenir la confusion sur ce registre et d'accréditer dans les populations l'idée que les décisions marchandes et privées d'un opérateur économique de la société civile engagent la responsabilité de l’État.

La question, relativement à cette problématique générale du traitement politique des demandes sociales, est, comme je l’ai mainte fois souligné, de travailler collectivement à l’autonomisation et à l’efficience du système politique ivoirien dans le cadre de la démocratie et du consensus républicain. Les diverses réformes  y mènent.

Pour éclairer les lanternes, il importe de préciser que cette séparation des systèmes, qui définit le régime démocratique, est le garant de la participation politique de la société civile, de l'administration impartiale de la justice et du service du Bien commun.

L'autonomie de la société civile  permet la libre expression des opinions et des intérêts divergents des acteurs économiques et sociaux, des diverses associations et corporations. L'autonomie de la société politique permet l'administration impartiale de la justice, l'arbitrage indépendant des conflits d'intérêt et d'opinion selon les lois à l'abri des forces dominantes de la société civile et de l’interventionnisme possible de l’État. L'autonomie de l’État permet au gouvernement d'administrer la cité et de gérer le bien commun, sous le principe de la défense de l'intérêt général, en opérant des choix et en privilégiant le court ou le long terme selon les cas.

La problématique sociale des déguerpis de la SICOGI doit être appréhendée rationnellement dans le cadre général des logiques de la société démocratique et des choix des obédiences partisanes. La problématique sociale des déguerpis de la SICOGI et les faits divers ne devraient pas être instrumentalisés politiquement par les logiques factionnelles qui animent la guerre actuelle irrationnelle de succession dans notre pays. Cette instrumentalisation délibérée doit être vigoureusement dénoncée.

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