Présidentielle de l’an 2020 en Côte d’Ivoire : conjurer la menace identitaire et populiste.

Sauvegarder la démocratie et la république en notre pays, préserver nos acquis économiques et politiques, tel doit être le mot d’ordre de mobilisation citoyenne pour la présidentielle 2020 à venir. La réactivation en notre pays de la thématique identitaire et du populisme en vue de cette échéance politique, constitue le danger le plus immédiat et le pressant.

Notre vigilance citoyenne d’Ivoiriens est d’autant plus sollicitée que ces illusions politiques dont nous fîmes récemment l’amère expérience entre 1996 et 2010, ont mondialement le vent en poupe dans un contexte historique marqué par les passifs sociaux de la globalisation économique. Or les discours et les pratiques de certaines écuries politiques en notre pays, tendent à prouver que ces illusions tiennent encore lieu de programmes politiques pour certains prétendants à l’exercice du pouvoir suprême dans l’élection présidentielle 2020 où chacun s’estime en droit de prendre la direction de l’Etat.

Certains excipent, à cette fin, une légitimité historique et font prévaloir une logique d’adoubement. D’autres excipent une légitimité patrimoniale et  tiennent le discours de la récupération d’un héritage. Sans s’apercevoir de la contradiction, certains en appellent, en même temps, à une légitimité identitaire, nationaliste, panafricaniste et révolutionnaire.

 Ces diverses légitimités contredisent et rejettent implicitement la légitimité démocratique et républicaine. Abrités sous la personnalisation des problématiques et sous le culte de la personnalité qui caractérisent notre affrontement politique, ces modèles antidémocratiques de légitimation se trahissent néanmoins par la résilience de certaines thématiques, par la récurrence de certains propos politiques et de certaines actions.

Font partie de ce florilège qui en dit long, la thématique de la réconciliation au moyen de la libération de Laurent Gbagbo. Cette thématique est consacrée par le quasi pèlerinage d’un certain nombre d’élus sur les lieux de détention de cet acteur politique qui symbolise en Côte d’Ivoire le nationalisme identitaire militant d’extrême droite. Ils soutiennent que Laurent Gbagbo est le fils du pays injustement déporté et incarcéré à l’étranger par les manœuvres d’un gouvernement ivoirien qui se serait fait le complice d’un complot international.

Revient aussi, de manière récurrente, la thématique du village comme référence normative de l’identité nationale ivoirienne, comme bastion de résistance à  une désappropriation économique des nationaux et à une prétendue invasion du pays par des peuplades étrangères. S’ajoute à ce florilège, la thématique de l’invasion de la Côte d’Ivoire par les intérêts étrangers du capitalisme financier néocolonialiste au service desquels officieraient le chef de l’Etat et le gouvernement ivoirien.

Pour un certain nombre d’acteurs politiques et d’intellectuels organiques ivoiriens, le programme politique et le projet sociétal national  de l’élection présidentielle 2020 demeurent  encore  de reconstruire  la société ivoirienne selon un modèle communautariste, de défendre une identité culturelle,  prétendument menacée par le mondialisme, de donner une force politique et militaire à la défense de cette identité, de reconstruire la cohésion sociale en rejetant les étrangers.

Ces thématiques nationalistes, identitaires et xénophobes, constituèrent la substance du discours et du programme politique des factions de l’opposition ivoirienne rassemblées dans la CNC,  une coalition dite du « front du refus »  lors  des élections de 2015.  Nous n’en sommes pas encore sortis en Côte d'Ivoire.

Je suis donc porté à penser que l’apparente incapacité notoire de certains acteurs de notre échiquier politique à recentrer l’affrontement et débat électoral ivoirien sur les idéaux universalistes et sur les projets sociétaux d’inclusion et d’intégration de la diversité, trahit un manque de volonté et d’appétence.

Le refus de porter la lutte politique ivoirienne sur le terrain de la concurrence des programmes politiques et économiques du socialisme et du libéralisme républicains,  relève d’une option délibérée pour l’anti-démocratie. Elle est loin de traduire une incapacité à défendre des thématiques républicaines et démocratiques.

Le refus de faire de la thématique de l’alliance nécessaire des identités et de la rationalité économique la substance du débat électoral  montre que le choix contraire qui consiste à opter pour le repli identitaire est le choix programmatique d’une partie des acteurs politiques ivoiriens. Fondée originellement dans le nationalisme modernisateur qui présida à la naissance de la Côte d’Ivoire, notre tradition politique et économique les invitait, au contraire, à choisir de repenser une nouvelle alliance entre les identités et la nouvelle rationalité économique pour conjurer les dérives de l’ultralibéralisme.

La personnalisation de l’affrontement politique et le flou programmatique procurent un camouflage parfait à cette nature identitaire profonde de l’affrontement politique ivoirien. La spécificité de la présidentielle 2020 qui est placée sous le signe de l’alternance du pouvoir, pourrait donner lieu à des tentations extrémistes symptomatiquement annoncées par la guerre de succession et par la précocité contre-nature de la campagne électorale. Il est, en cela, d’une importance vitale de recentrer l’affrontement électoral ivoirien sur les débats idéologiques, sur la concurrence des programmes et des projets sociétaux, d’identifier les acteurs politiques  pour clarifier la problématique politique ivoirienne afin de préserver la liberté du choix politique lors de l'élection présidentielle 2020.

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