La thématique-valise de « réconciliation nationale », arnaque politique du nationalisme communautaire contre la démocratie en Côte d’Ivoire.

Camouflés sous la thématique-valise de « réconciliation nationale », le discours identitaire et sa conception anti-houphouëtiste de nation tentent de  reconquérir du terrain et de se définir comme références politiques normatives en Côte d’Ivoire. Sous ce camouflage, ses acteurs et ses thuriféraires sont politiquement légitimés à partir d’une vision communautariste de la société ivoirienne. La demande d’amnistie adressée au Président de la République au profit des détenus de La Haye et des responsables politiques de la guerre civile post-électorale, est le masque d’une revendication de type identitaire. Ces appels à l’amnistie, demandent au droit positif républicain de céder la priorité aux droits coutumiers des communautés et aux intérêts particuliers factionnels des porteurs du discours de la réconciliation nationale. Ces appels redéfinissent comme référence normative, le modèle ethnique de la nation et de l’Etat qui céda la priorité au modèle démocratique et républicain en 1960. Le discours de la réconciliation nationale est, de ce point de vue, un discours réactionnaire.

La thématique de « la réconciliation nationale » est donc bel et bien  une thématique-valise qui cache une vision communautariste de la nation et un appel à la restauration d’un État communautaire dirigé par des autochtones. Qu’elle ait été imposée, comme thématique centrale de l’élection présidentielle 2020 au détriment du débat programmatique, par les porteurs ivoiriens du national-populisme et de la conception identitaire de la nation, n’est pas anodin.

Les Ivoiriens emprisonnés à La Haye ou en Côte d’Ivoire, dont on demande la libération et l’amnistie, sont identifiés en tant que fils de cette nation-communauté. C’est d’ailleurs comme tel que leur retour au bercail est réclamé par les communautés dont les dirigeants des factions politiques pro-amnistie se définissent comme  porte-paroles.

L’imaginaire identitaire identifie ces détenus, qui agressèrent la République et voulurent installer une démocratie et un Etat communautaires en lieu et place de la démocratie républicaine, à des héros nationaux déportés auxquels reviendrait de droit la direction de l’État ivoirien. Ils en auraient été désappropriés en 2010  par des puissances politiques et économiques étrangères d’invasion. Laurent Gbagbo, Charles Blé Goudé et tous les identitaires emprisonnés à La Haye ou en Côte d’Ivoire, ou volontairement exilés, seraient  les analogues ivoiriens des Samory Touré, ou des Nelson Mandela, des combattants de la liberté, auxquels ils n’hésitent pas à se comparer eux-mêmes.

Vue sous cette perspective, la thématique de la réconciliation nationale est le thème central d’une épopée nationaliste. Cette fable réécrit l’histoire de la Côte d’Ivoire pour la réinvestir par les épopées de l’autochtonie politique et de la lutte de libération anticolonialiste, afin de satisfaire les ambitions de pouvoir et les intérêts particuliers d’une certaine intelligentsia politique ivoirienne. L’objet ultime de cette réécriture de l’histoire de la Côte d’Ivoire moderne est de délégitimer le moment démocratique de 2010 au profit d’une autre temporalité politique brodée selon la trame du mythe ethno-nationaliste. Cette réécriture permet de définir le pouvoir d’État comme trône ou propriété de classe, de se représenter son détenteur comme leader lignager ou dirigeant d’un mouvement de libération nationale, de concevoir le mode de sa dévolution comme transmission par héritage ou par renversement révolutionnaire. Cette réécriture de l’histoire est une arnaque politique perpétrée contre la démocratie républicaine ivoirienne et contre l’Houphouëtisme qui en exprime les valeurs en Côte d’Ivoire.

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