Côte d’Ivoire : le masque démocratique du FPI est tombé.

thumb_1814« Ne touchez pas à nos terres » ! C’est désormais le slogan des manifestants anti-référendum du FPI, un parti qui semble, maintenant, se poser ouvertement en défenseur de la terre et de la pureté du sang des dirigeants ivoiriens contre d’imaginaires spoliateurs étrangers ! Une nouvelle position politique dangereuse, un air de déjà vu, que vient de confirmer le discours ouvertement xénophobe de Mme Odette Lorougnon, une responsable de premier plan du FPI

Que défendait donc en réalité le FPI, sous la posture de la défense de la démocratie contre la prétendue dérive monarchique du gouvernement ivoirien ? « Nous ne voulons pas de cette constitution qui arrache les terres des Ivoiriens » avoue Mme Lorougnon Odette. En quoi la nouvelle constitution arracherait-elle « la terre des ivoiriens » ?  Cet entretien des peurs irrationnelles, cette excitation des pulsions morbides des masses populaires, ce discours identitaire mortifère contre une prétendue invasion étrangère est-il en cohérence avec l’argument de la défense de la démocratie, de la liberté et de l’égalité affiché par le FPI ? Sous le masque des slogans démocratiques du FPI, n’est-ce pas un appel à la défense du peuple ethnique, du terroir et du sang contre le peuple citoyen, contre la liberté de l’esprit et contre le pluralisme ? N’est-ce pas un appel à la fermeture identitaire de la Côte d’Ivoire, au rejet de l’Altérité et du monde?

« Blut und Boden. » « Le sang et la terre » proclamaient les nazis du 3ème Reich Allemand sous la botte de Hitler. « Ne touchez pas à nos terres » proclame par la bouche de son électorat,  le FPI identitaire qui veut assurer la protection de la terre par la pureté du sang des dirigeants de l’Etat ivoirien. Au FPI et dans la clientèle partisane qui le soutient, le discours démocratique s’est finalement révélé être ce qu’il a toujours été : un camouflage démagogique du discours identitaire qui anime le parti depuis ses origines. A la veille du référendum et  face à la perspective inéluctable d’une défaite cinglante infligée par le peuple citoyen, le masque démocratique du FPI est tombé et le discours identitaire qui excite les peurs et les pulsions primaires des masses, a pris le pas sur le discours démocratique devenu dès lors récessif.

 Ce choix est-il pour autant opportuniste et stratégique, purement circonstanciel ? Au FPI ce choix de l’identité communautaire contre l’identité citoyenne, de l’ethno-nationalisme contre le patriotisme républicain, de l’homogénéité communautaire fondée sur le lignage contre l’homogénéité républicaine fondée sur l’égalité et la liberté, ce choix de l’Etat communautaire contre l’Etat démocratique, ne doit rien au hasard. Il est déterminé par le transfert, au plan politique du modèle de représentation syndicale à savoir, la représentation d’incarnation de type substantiel. Cette représentation qui transporte le principe de la particularité au niveau de la société politique et de l’Etat, est l’antithèse radicale de la représentation par délégation. De nature citoyenne, la représentation par délégation libère l’élu de la pression du sang et de l’attraction de sa terre. Elle lui permet de défendre au besoin, au-delà des intérêts particuliers de ses mandants, l’intérêt général de la Nation toute entière.

Le représentant syndical du corps enseignant ou du corps médical doit être nécessairement un enseignant ou un médecin. De même que le chef syndicaliste incarne une catégorie professionnelle, le chef politique qui se pense en représentant syndicaliste estime devoir incarner une communauté et une identité culturelle. Il estime alors devoir s’octroyer une légitimité d’incarnation communautaire.

Le projet politique des syndicalistes défroqués du FPI fut alors de reconstruire la nation ivoirienne en l’homogénéisant ethniquement et confessionnellement. Ils  devaient donc nécessairement,  renverser la représentation citoyenne par délégation en son contraire afin de se donner une base sociale construite sur l’arrière fond des alliances communautaires. Cette reconfiguration syndicale de la représentation politique explique que les syndicalistes  de l’identité puissent se revendiquer représentants de la nation ivoirienne en sa globalité et non pas seulement de leur ethnie.

En fait, dans l’exercice du pouvoir, ils s’attachèrent, conformément à ce syndicalisme politique, à diviser la Côte d’Ivoire en autochtones et en étrangers, à séparer les catégories socio-professionnelles selon les lignes de fracture ethniques et confessionnelles afin de se donner une base sociale en qualité de représentants lignagers. Ils subvertirent la représentation partisane en représentation d’incarnation communautaire et lignagère, version politique de la représentation d’incarnation syndicale.

Euthanasiant la représentativité citoyenne qui prévalait en Côte d’Ivoire depuis le 3 Novembre 1960, cette redéfinition communautariste de la représentativité démocratique, permit aux anciens syndicalistes défroqués de mobiliser les identités primordiales, les ethnies et les confessions en guise d’idéologie partisane. Le chiffre secret de la métamorphose identitaire étonnante des syndicalistes du FPI qui se réclamaient auparavant du communisme-léniniste révolutionnaire athée est à chercher dans cette mutation opportuniste et stratégique. Elle leur permit de s’affirmer comme représentants naturels d’une nation ivoirienne définie désormais en termes ethniques et en termes biologiques. Elle leur permit de désigner comme corps étrangers et  ennemis mortels, les catégories sociales et politiques ivoiriennes différentes. L’objet de ce stratagème sournois des syndicalistes défroqués du FPI, fut de désigner à la vindicte populaire,  des boucs émissaires pour camoufler leur position de classe dominante. Le discours identitaire leur permit de dissimuler le service de leurs intérêts particuliers de classe sous le manteau du patriotisme, de la défense de la souveraineté de la Nation ivoirienne contre une invasion d’intérêts économiques et politiques étrangers. Elle leur a aussi permis d’externaliser, sous l’écran de fumée de l’anticolonialisme, de la lutte contre le néo-colonialisme, et les multinationales, le conflit de classe interne qui les oppose, comme oligarchie politique, au reste de la société ivoirienne.

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