Mémoire du 19 Septembre 2002 en Côte d’Ivoire : les travestissements contestables du journaliste André Konan Sylver.

La crise des corps politiques s’explique toujours par l’ébranlement de leur structure normative interne dans les sommets de l’Etat. Elle ne s’explique pas par les conséquences sociales  qui en dérivent. Tomber dans ce travers c’est prétendre expliquer les causes par leurs effets.

Contrairement aux allégations du journaliste André Sylver Konan, la rébellion de 2002 fut provoquée par une tentative de restructuration communautaire de la société ivoirienne par le FPI national-populiste, qui avait repris à compte l'idéologie ethno-nationaliste de l'ivoirité comme programme politique en lieu et place du socialisme promis aux Ivoiriens.

Concentrés, potentialisés et endurcis par les années de la dictature national-populiste du FPI,  "les maux que nous connaissons aujourd'hui: broutage, faillite des valeurs, enrichissement rapide",selon l'expression de ce journaliste, ont leur source profonde dans le viol de la Loi fondamentale qui avait, dans les années 1995, parachevé la dérive patrimonialiste du PDCI sous l'emprise des factions oligarchiques tentant de confisquer l’État ivoirien. C’est en trahissant les valeurs du socialisme, en foulant au pied la structure normative de cette obédience politique, que le FPI a engagé la Côte d’Ivoire dans une crise profonde de repères moraux, juridiques et politiques.

Est-il besoin de souligner que cette complicité active entre le PDCI et le FPI qui fut à l’origine de la rupture de la structure normative de la Côte d’Ivoire est réitérée aujourd’hui dans une tentative d’alliance politique qui brouille les repères axiologiques et politique  des Ivoiriens et à laquelle le journaliste André Konan Sylver semble participer activement en réécrivant l’histoire par la désinformation ?

Un corps social n’entre en crise que quand sa structure normative est ébranlée de l’intérieur, quand les principes constitutifs de son esprit  sont remis en cause de l’intérieur par les élites qui le dirigent. C’est la négation du principe républicain d’égalité et du principe démocratique de reconnaissance de la différence, dans les années 1990, par des acteurs politiques à l’intérieur du gouvernement, qui  provoqua la rébellion et la crise des valeurs en Côte d’Ivoire. La structure normative intérieure de la Côte d’Ivoire indépendante fut ébranlée par cette manipulation.

La crise ivoirienne  des valeurs républicaines et démocratiques ne fut pas provoquée  par  la rébellion militaire de 2002, qui ne fut que la conséquence  emblématique de la défaillance politique initiée au sommet de l’Etat. La cause ultime de cette série historique calamiteuse, dont la Côte d’Ivoire essaie de sortir, fut la remise en question politicienne des principes structurants de la République et de la Démocratie. Cette rébellion  s’est elle-même mise en porte à faux, avec ses propres raisons justificatives,  en allant en quête d’une alliance politique avec les acteurs de la destruction de la République qu’elle avait prétendu combattre.

Rendre objectivement compte de l’histoire consiste à insérer les évènements dans une chaîne de causalité qui explique les effets par les causes. Travestir l’histoire, c’est transposer les effets à la place des causes. Le journaliste André Konan Sylver, qui ignore manifestement cette position prépondérante de la structure normative, des idéaux et des valeurs et la responsabilité afférente des élites dirigeantes,  tend donc à réécrire l’histoire en omettant de dénoncer et de condamner la dérive inaugurale des années 1990 dont procède la série de conséquences qu’il érige indument en causes.

Ce travestissement saillit particulièrement quand il imagine que le régime politique, sous lequel vivent actuellement les Ivoiriens, est une autocratie qui aurait été selon lui favorisée par la rébellion de 2002 !

La démocratie ivoirienne date du renversement du pouvoir national-populiste du FPI en Décembre 2010 dans les urnes.

La Côte d’Ivoire vit-elle sous la férule d’une autocratie implacable depuis 2011 comme l’allègue le journaliste André Konan Sylver dans le sillage du FPI National-populiste et du PDCI ethno-nationaliste ? Les faits disent le contraire, étant entendu que la perfection n’étant pas de ce monde, l’efficience d’une gouvernance démocratique s’accomplit à travers l’ouverture du gouvernement à la critique qui limite le pouvoir et empêche son arbitraire.

Le journaliste André Konan Sylver, qui accomplit son office dans ce sens sans entrave en prenant souvent des libertés avec la déontologie journalistique d’objectivité, tombe dans une contradiction contre-performative en accusant  le régime politique ivoirien d’être une autocratie du RDR. Les mots ont un sens.

En démocratie les interpellations critiques contre le gouvernement ne donnent pas lieu à des arrestations arbitraires, à la condamnation à mort des auteurs, aux chasses à l'homme organisées par des escadrons de la mort, bras armés du pouvoir. Le journaliste André Konan Sylver et bien d'autres critiquent et interpellent librement le gouvernement RHDP sans risquer l'arrestation arbitraire, la torture et la mort. Les faits de sociétés, les conflits d'intérêts impliquant des acteurs politiques, fussent-ils du gouvernement, sont donc débattus librement sur la place publique en Côte d'Ivoire depuis 2011 sous la gouvernance du RHDP. "L'Éléphant déchaîné", le "Canard enchaîné" ivoirien, remplit son office sans entrave. Ces critiques informées participent à la correction et au redressement du pouvoir comme il se doit en démocratie pluraliste.

 Cette liberté de la critique prouve que nous vivons bel et bien depuis 2011 sous un régime démocratique en Côte d'Ivoire. Ce n'était pas le cas entre 2000 et 2011, en comptant les mois de la guerre civile. Pourchassés, sans répit, par les escadrons de la mort, les simples citoyens et les journalistes, y compris Mr André Sylver Konan, rusèrent au quotidien jour et nuit jour pour échapper à l'arrestation arbitraire, à la torture et à la mort. L’objectivité du journaliste repose aussi sur l’acuité de sa mémoire historique. Cette acuité de la mémoire aide le journaliste à se dépasser pour rester toujours fidèle à la déontologie de sa profession. (A suivre)

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