La présidentielle 2020 aux prises avec le factionnalisme en Côte d’Ivoire.

Tentatives multiformes de dés-appropriation du peuple, captation de la décision politique par des minorités actives, manipulation de l’opinion publique, confusion du discours politique, instrumentalisation politique des grandes et petites organisations, des syndicats et des mouvements associatifs, des ethnies et des confessions, privatisation des partis politiques par des oligarchies et des groupes d’intérêts particuliers, prédominance de l’arbitraire et du secret si contraires à la démocratie. La guerre irrationnelle de succession qui  fait rage en Côte d’Ivoire  depuis deux ans, est entrée dans sa phase la plus active.

Cette guerre est marquée par la concentration des protagonistes sur la captation des partis politiques et le détournement de leur rôle fonctionnel. Cette captation et ce détournement se traduisent par le factionnalisme et la prolifération des groupes d’intérêts particuliers au sein des partis. L’effet conjugué de la crise idéologique et programmatique, fait la part belle à la personnalisation de l’affrontement politique.

Pour sauvegarder la liberté du choix politique qui donne son sens au suffrage universel et constitue en tant que telle la condition de la démocratie, il importe de sauvegarder, en Côte d’Ivoire, le parti politique contre les tentatives de privatisation. Il faut  le resituer dans son rôle démocratique de formation de l’intérêt général et de la volonté du peuple.

Un parti politique est, en démocratie républicaine pluraliste, une propriété de la Nation. Institution de la société politique, il est chargé d’exprimer la diversité de la société, de représenter et de défendre les intérêts et les valeurs des catégories socio-professionnelles de la société civile, d’élaborer un programme politique et économique et un projet sociétale inclusif à destination de la société globale pour prendre le gouvernement de l’Etat.

 Tel est le rôle fonctionnel du parti politique dans les démocraties républicaines pluralistes. Cette institution relativement récente des démocraties pluralistes été crée à la fin des années 1800 pour permettre aux masses de participer pleinement à la vie politique de la cité. Le pluripartisme traduit l’expression légitime de la diversité des  intérêts et des conceptions du bien qui composent la société civile.

Le parti politique ne saurait donc être la propriété d'une faction ou d’une fraction et encore moins celle d'une personne. Les partis politiques n’ont pas vocation à être des sociétés partielles à l’intérieur de la société globale, des entités  au service des intérêts particuliers d’entrepreneurs politiques en quête de pouvoir personnel.

 L'élu est d'abord au service de la Nation, de l'intérêt général et du Bien commun de la société globale avant d'être au service des intérêts particuliers des collectivités particulières. Ce rôle fonctionnel du parti politique,  expression d’une partie de la société globale explique que dans les démocraties avancées le peuple soit autorisé à avoir un droit de regard  sur les primaires d’un parti politique et même à y participer.

Au service du peuple en sa diversité, les partis politiques servent à formuler et à exprimer les demandes de la société, à organiser et à déclarer la volonté générale.

L’affrontement politique démocratique est donc un débat contradictoire entre des positions et des intérêts différents et divergents. L’élection démocratique est un affrontement de programmes et de projets sociétaux contradictoires qui formulent les demandes et besoins de la société globale.

Ce rôle fonctionnel et institutionnel du parti politique en démocratie républicaine semble perdu de vue dans les pays d’Afrique sub-saharienne. La représentativité sociale des partis politiques s’est transformée en représentativité communautaire et leur rôle de médiateur entre la société civile et l’Etat a été oublié au profit des dynamiques et des logiques d’appropriation personnelle. (Cf. Comment reconstruire la représentativité sociale de nos partis politiques pour en finir avec le tribalisme ? cedea.net, Novembre 2017.)

 Subissant le même sort que les confessions religieuses, le parti politique est investi par des individus où des groupes d’intérêts particuliers. Ils en font une entreprise marchande au service de leurs intérêts particuliers et des ambitions personnelles de leurs promoteurs.

Dépourvus de base sociale et minés par le factionnalisme, certains partis ivoiriens se réduisent au cercle rapproché de leurs chefs qui les utilisent à la fois comme entreprise financière personnelle  et comme instrument de pouvoir. Ils tournent à vide et se servent eux-mêmes. Ils sont les autels du culte sectaire de leurs chefs respectifs déifiés, campés en homme providentiel et en démiurges.

La santé d’une démocratie pluraliste est déterminée par la capacité de ses partis politiques à assurer la représentativité  des intérêts sociaux. Elle est caractérisée par leur aptitude à élaborer des offres politiques qui correspondent aux demandes des catégories de la société civile. Elle est définie par leur aptitude à mettre en forme  de programmes économiques, sociaux et politiques structurés,  les besoins des citoyens.

Les  Ivoiriens devraient donc être plus exigeants sur la qualité de cette institution de leur société politique. (Cf : Partis politiques ivoiriens, présentez-nous vos cartes d’identité. Cedea.net Novembre 2017). Ils devraient exiger que les partis politiques déterminent leur base sociale respective, présentent leur programme politique et économique, leur projet sociétal alternatifs, leur politique intérieur et leur politique étrangère. Ils devraient exiger d’être éclairés sur ces questions fondamentales qui légitiment les candidatures en démocratie pluraliste.

 

 

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