Côte d’Ivoire : en quelle qualité ai-je interpellé Franklin Nyamsi ?

Le contrôle politique de l’espace public ivoirien illustré par le cas Franklin Nyamsi et l’exemple Tiburce Koffi.

Je n’ai pas interpellé Franklin Nyamsi pour régler un différend privé. Je ne l’ai pas non plus interpellé en qualité de collègue pour régler un différend scientifique. Mon conflit avec Franklin n’est ni un conflit privé ni une confrontation philosophique académique indument étalés sur la place publique. Mon conflit avec Franklin Nyamsi est un conflit civique concernant l’espace public. Il a trait à la responsabilité des citoyens envers leur gouvernement. J’ai interpellé Franklin Nyamsi en qualité de citoyen car son comportement mettait en péril l’autorité des Institutions de la République dont dépend la stabilité politique du pays. L’espace de règlement de ce différend n’est ni l’espace privé du foyer familial, ni l’entre-soi privé amicale, ni l’espace théorétique des académies. Le lieu de ce différend civique est l’espace public du débat citoyen relativement au respect des vertus  civiques,  à la défense des institutions de la cité, de l’intérêt général et du Bien commun des membres de la cité. J’ai interpellé Franklin Nyamsi en qualité de citoyen ivoirien, outré par ses propos orduriers contre les Ministres de la République de Côte d’Ivoire. Confondre ces trois espaces différents, espace privé des familles et des amis, espace publique des citoyens, espace académique des scientifiques et des enseignants, c’est errer gravement. Ce mélange des registres est inquiétant.

Certaines réactions suite à mon interpellation de Franklin Nyamsi, me laissent penser que cette confusion des registres est la raison majeure des maux de notre pays. Cette confusion des registres du privé et du public conduit à la personnalisation des problématiques politiques, à l’ethnicisation et la tribalisation des affrontements politiques.

Ce retrait régressif dans l’entre-soi du privé, cette perte de soi dans les particularismes, cet oubli consécutif de la généralité, et cet abandon de l’espace public, lequel n’est pas reconnu dans sa spécificité politique, ont favorisé les agressions verbales perpétrées par Franklin Nyamsi contre les institutions de la Res publica, contre la chose publique ivoirienne autrement dit contre la République de Côte d’Ivoire et l’autorité des personnes qui les incarnent. Motivé par des intérêts factionnels, ces agressions verbales récurrentes contre la République ont été perpétrées dans l’indifférence quasi générale des associations civiles et de la société politique. Repliés sur leurs intérêts particuliers personnels et partisans mesquins, certains de nos concitoyens ont perdu le sens d’indignation républicaine. Ce sens du refus et de la dénonciation des fautes civiques, qui mettent en péril la République, définit les peuples démocratiques. Son absence est le signe inquiétant de la crise de la République.

Ma rude interpellation citoyenne de Franklin Nyamsi a été considérée par certains comme un problème privé de personnes venant étaler leurs différends sur la place publique. Certains intellectuels ont considéré, de manière surprenante, que deux philosophes étalaient leur affrontement académique sur la place publique, alors même qu’il était évident que mon interpellation était civique et concernait une violation des principes qui soutiennent l’édifice de la Cité. Caractéristique de cette confusion du registre du privé, du public et de l’académique est la réponse de mon collègue Tiburce Koffi, suite à mon interpellation un peu brutal d’un avatar des réseaux sociaux.

Ce grand littéraire ivoirien a confondu mon interpellation de Franklin Nyamsi avec des gamineries ou avec un débat philosophique, une discussion académique qui ne devrait pas s’étaler sur la place publique.

Cette confusion surprenante nous interpelle : ou bien Tiburce Koffi veut travestir le délit civique perpétré par son coéquipier Franklin Nyamsi en différend privé pour l’évacuer de l’espace publique, afin de le banaliser et de tenter de sauver Franklin Nyamsi ; ou bien il confond, par ignorance personnelle, le registre du privé, du public et de l’académique. Dans les deux cas, il s’agit d’une faute politique ou d’une faute civique.

L’exemple Tiburce Koffi est plein d’enseignements. Le coéquipier de Franklin Nyamsi tente de délégitimer ma dénonciation citoyenne de l’incivisme gravissime perpétré par ce dernier contre les Institutions de la République de Côte d’Ivoire dans un objectif factionnel d’appropriation privée du pouvoir. La stratégie de Tiburce Koffi est de faire passer cette affaire politique grave pour un différend privé, de personnaliser une problématique publique et politique afin de tenter de sauver son équipier qui a perdu toute crédibilité.

L’intervention de Tiburce Koffi démontre que l’espace public ivoirien est contrôlé par des intellectuels organiques et des avatars disséminés sur les réseaux sociaux par des systèmes de pouvoir qui s’attachent à en interdire l’accès. Le travestissement des problématiques publiques en problématiques privées, en faits divers ou en problématique académiques, permet de réprimer efficacement toute tentative d’occupation de cet espace public par des sujets d’intérêt général qui pourraient placer, sous le regard de l’opinion publique, des stratégies d’appropriation privée du pouvoir et des biens publics . (A suivre)

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