Le deal Laurent Gbagbo-Mamadou Koulibaly. Autopsie d’une faillite et d’un naufrage. (2ème partie)

 Les causes objectives de l’évolution catastrophique du FPI sont à rechercher dans le caractère foncièrement antagonique du socialisme de Laurent Gbagbo et du libéralisme de Mamadou Koulibaly. Le socialisme du premier était de nature étatique antilibérale et anticapitaliste. Le projet de société qui était le sien était influencé par la doctrine marxiste-léniniste de la dictature du prolétariat. Le libéralisme du second était de nature antiétatique, élitiste et darwinienne. Il était au contraire influencé par le modèle bourgeois de la société et par le modèle capitaliste de l’économie dérégulée. Le liant de ce mariage contre nature de la carpe et du lapin, était l’anticolonialisme de ressentiment et d’imprécation qui aveugle. Cet anticolonialisme de slogans et ce panafricanisme contradictoirement xénophobe représentaient l’antithèse démagogique de l’anticolonialisme et du panafricanisme visionnaire humaniste d’action et de propositions d’un Kwamé Nkrumah ou récemment d’un Thomas Sankara.

 Dans les deux bords idéologiques de cette alliance contre-nature, les valeurs des démocraties libérales, l’autonomie de la personne, l’égalité, la liberté, la citoyenneté, la limitation du pouvoir par les Droits de l’homme, étaient rejetées. Considérées comme superstructures idéologiques du mode de production capitaliste, ces valeurs furent identifiées au système économique de l’Occident colonisateur. Ce rejet des valeurs du libéralisme positif dont le socialisme voulait cependant remplir pleinement le programme, rompit la passerelle qui aurait pu unir idéologiquement les deux parties de l’alliance.

Lestés donc par le matérialisme relativiste d’un socialisme de type marxiste  qui voulait s’enraciner dans le terroir et par l’économisme pur d’un libéralisme qui rejetait sa propre utopie, l’anticolonialisme et le panafricanisme démagogiques de ressentiment du FPI ont chaviré dans le nationalisme ethnique xénophobe et dans l’affairisme cynique. L’étatisme contenu dans le socialisme de type marxiste, a conduit à la dictature oligarchique des cadres du parti et de son chef charismatique qui ambitionnaient de construire en réalité en Côte d’Ivoire un Etat de classe. La figure dévoyée de ce nationalisme étatique,  le FPI communautariste de Aboudramane Sangaré est l’expression achevée de ce naufrage de l’idéal internationaliste et humaniste du socialisme. Le Lider de Mamadou Koulibaly qui veut maintenant transformer la Côte d’Ivoire en une société de marché « où l’homme d’affaire remplace l’homme politique comme modèle de réussite sociale » est,  quant à lui, la figure dévoyée du libéralisme économique antiétatique dérégulé qui a rompu les amarres avec le libéralisme politique pour  faire le jeu du capitalisme et des systèmes de pouvoir du marché.

Les contradictions entre ces deux projets politiques foncièrement antinomiques et gangrenés par leurs extrémismes respectifs internes ont donc conduit à la rupture de deux obédiences idéologiques difficilement compatibles. Incapable de s’approprier les valeurs universalistes du socialisme internationaliste qui permettraient de travailler à l’émancipation des couches populaires et de donner du contenu à son panafricanisme autoproclamé, Laurent Gbagbo a échoué à réaliser le projet socialiste. A la tête d’un parti xénophobe antilibérale et antidémocratique rêvant d’un Etat national-communautaire, il n’est devenu finalement que le chef d’une secte. L’élitiste Mamadou Koulibaly qui méprise en réalité les couches populaires, a rompu avec le FPI pour tenter, à la tête de son LIDER, de séduire le patronat ivoirien  avec « le libéralisme à préférence nationale », un colifichet. Les deux projets de société qui sont, dans ces deux cas de figures, maintenant proposés aux ivoiriens c’est, d’une part, un Etat communautaire fermé à l’Altérité, antilibéral, antidémocratique et replié sur son identité ethnique. C’est d’autre part une société affairiste ségrégationniste, ultralibérale et contradictoirement fermée dans la préférence nationale.

Née d’un deal improbable entre le socialisme révolutionnariste étatisant, et le libéralisme mercantiliste qui influençaient confusément leurs visions du monde respectives, l’alliance Laurent Gbagbo-Mamadou Koulibaly a donc échoué à émanciper les classes populaires et les élites. Les deux obédiences partisanes du corps émasculé de cette monstruosité politique, se sont métamorphosées en deux avatars dangereux qui tentent  de faire illusion en se réclamant encore de la Démocratie et du Libéralisme. L’ethno-nationalisme xénophobe du FPI d’Aboudramane Sangaré le gardien du temple,  est incapable de défendre concrètement les intérêts et les valeurs des catégories populaires. Le libéralisme affairiste à préférence nationale de Mamadou Koulibaly, ne répond pas aux besoins des élites et du patronat ivoiriens soucieux d’être des acteurs du marché international dans une économie ouverte mondialisée. Dans la faillite et le naufrage de cette alliance contre-nature reconstruite dans une coalition d’opposition aveugle et pleine de contradictions (CNC) où l’égocentrisme des chefs de faction s’articule à la volonté de prédation et de contrôle de la société par les maîtres de l’Etat, est consommé un projet politique avorté dont les ivoiriens doivent prendre acte. Quelles sont donc les raisons subjectives qui montreraient que, loin d’être liées à des contingences historiques non maîtrisables, à des manœuvres externes néo-colonialistes de déstabilisation,  d’être donc accidentelles et involontaires, cette faillite et ce naufrage  sont  les  conséquences nécessaires des incapacités personnelles des acteurs de cette tentative de synthèse du socialisme et du libéralisme en Côte d’Ivoire ? (A suivre)

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