Questions sur le libéralisme de Mamadou Koulibaly.

Mamadou Koulibaly est un libéral. Ce n’est pas un socialiste comme en témoigne l’aveu de taille révélé par l’interview accordée à l’équipe d’UnMondeLibre.org. Il y déclare ceci : « Nous travaillons à promouvoir le libéralisme c’est à dire les libertés et les droits des individus, l’économie de marché, l’entreprise privée, la propriété privée, sur le fondement d’un état de droit sachant que les libertés ne peuvent s’exprimer et s’accroître qu’à travers un cadre institutionnel adapté. »

 Cet engagement politique libéral  semble s’appuyer sur des convictions libérales revendiquées. Mamadou Koulibaly croit que le libéralisme est une force de progrès et d’émancipation des individus et des peuples. Il soutient que « les pays les plus avancés sont ceux qui font la promotion de ces valeurs et de ces principes ». Et le lecteur étonné apprend au détour de cette surprenante interview que Mamadou Koulibaly, ex n°2 du FPI, parti socialiste, était depuis l’année dernière et probablement bien avant la crise post-électorale le créateur du think-tank libéral, Audace Institut Afrique, laboratoire des idées et du programme libéral qui devaient être mis en pratique dans un gouvernement libéral sous sa direction. Mamadou Koulibaly prend le parti de l’entrepreneur, du propriétaire et du créateur de richesses, contre l’Etat interventionniste, planificateur et organisateur de l’économie. Il défend la propriété privée, l’entreprise privée et l’économie de marché, contre la propriété collective, la nationalisation de l’économie et la tutelle d’un Etat entrepreneur.

Or Mamadou Koulibaly, l’universitaire et le théoricien de l’économie, qui proclame cette déclaration d’intention libérale que son précédent engagement irréductible dans un parti d’obédience socialiste, ethniciste et antilibéral, semble pourtant démentir, fait face à un praticien du libéralisme économique qui souscrit clairement au libéralisme positif qui est la défense des droits de l’homme. Mamadou Koulibaly oppose donc son libéralisme théorique  qui a été aveugle à la violation massive des droits de l'homme dans les pogroms perpétrés par les milices du FPI de Laurent Gbagbo dont il était le numéro 2 (cf notre article" L'indignation sélective de Mamadou Koulibaly" in afrik.com du 8 janvier 2013) , au libéralisme pragmatique d’un praticien de l’économie de renommée internationale qui conduit concrètement en Côte d’Ivoire une politique libérale  plutôt couronnée de succès  aux dires des spécialistes et d’après le ressenti des populations.

Le libéralisme de Mamadou Koulibaly se veut-il donc plus authentique que le libéralisme de Alassane Dramane Ouattara? S’il se veut plus authentique c’est qu’il intègre la concurrence et la recherche du profit maximum, aiguillons de l’éclosion des talents individuels, et de la prépondérance des plus doués et des plus forts, un darwinisme  qui conduit aux inégalités et aux clivages sociaux. Comment pourra-t-il alors concilier la liberté et l’égalité dans le libéralisme économique authentique entièrement dérégulé qu’il prône ? Ne se représente-il pas sa Côte d’Ivoire idéale comme une société où « l’homme d’affaires remplace le politique comme modèle de réussite» comme il vient de le déclarer explicitement hier dans sa conférence de presse ? Son projet politique n’est-il pas alors de faire de la Côte d’Ivoire une société de marché ? N’est-il pas alors secrètement un adepte du libéralisme économique utopique sur lequel s’appuient souvent les intérêts capitalistes des multinationales ? 

 Devant cette déclaration et ce virage à 90 degré de l’ancien n°2 du FPI, à la réputation de puriste, dans un parti qui s’affichait comme socialiste et nationaliste, le lecteur décontenancé ne manque pas de se poser des questions. Le FPI n’était-il qu’une coquille vide et une machine à produire des faussetés qui a servi des illusions aux Ivoiriens tout au long de sa magistrature catastrophique ? Le socialisme proclamé de manière tonitruante était-il autre chose qu’un masque populiste dissimulant un libéralisme économique inavoué protecteur des intérêts capitalistes des multinationales ? Mamadou Koulibaly aurait-il rompu avec le FPI de Laurent Gbagbo auquel il reprochait d’avoir trahi les classes populaires ivoiriennes pour réaliser sa part de contrat  dans le deal qui le liait à son mentor ? S’est-il détaché du FPI de Gbagbo à vocation populaire pour créer, par son LIDER, un parti politique libéral bourgeois  clairement consacré à la défense des intérêts du patronat ivoirien qui ne sont pas ceux  des classes populaires ? Comment l’adepte du libéralisme dérégulé envisage-t-il de concilier  à la tête de l’Etat ivoirien, la défense politique des intérêts du patronat ivoirien selon le modèle de la préférence nationale avec le principe libéral de la compétition à égalité  des acteurs économiques sur un marché libre? Comment compte-t-il mettre en œuvre un libéralisme endogène nationaliste et protectionniste  dans une Côte d’Ivoire à l’économie ouverte sur le monde qui se propose d’être un acteur économique majeur du marché international ? N’est-il pas comme son mentor ,avec lequel il peine à rompre le cordon ombilical, en train de vendre du vent à une partie de l’électorat ivoirien en se faisant le héraut d’un libéralisme nationaliste protectionniste fondé sur l’idéologie de la préférence nationale contre le libéralisme internationaliste ouvert d’Alassane Dramane Ouattara ?

Les réponses alambiquées et confuses de Mamadou Koulibaly  à la question précise que lui posèrent les entrepreneurs présents à sa conférence de presse  qui se plaignaient de la préférence accordée aux multinationales étrangères, témoigne d’une certaine incapacité à structurer un programme et un projet de société libéral qui réponde clairement aux demandes de cet électorat en même temps en même temps qu’à celles de la société globale ivoirienne, plurielle et diversifiée.  

La crédibilité des diverses solutions que Mamadou Koulibaly  compte engager pour résoudre les problèmes de la Côte d’Ivoire doit être évaluée à l’aune de cette confusion  et de la contradiction fondamentale que représente le libéralisme de la préférence nationale dans une économie mondialisée, ouverte et libre. En contradiction flagrante avec le libéralisme positif des droits de l’homme, les accents autoritaires du puriste libéral qui veut améliorer le système de santé ivoirien en interdisant  à certains ivoiriens, dès son éventuelle accession au pouvoir, d’aller se faire soigner à l’étranger auraient dû inquiéter plus d’un dans  son auditoire au lieu de susciter des applaudissements.

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