Essy Amara ou la nostalgie de l’économie étatisée en Côte d’Ivoire.

Réponse au propos de Mr Essy Amara  « Le programme infrastructurel de Ouattara est un plagiat grotesque »

Monsieur Essy Amara, vous êtes d'une autre époque, d'une époque maintenant dépassée et révolue: celle de l'économie contrôlée et planifiée par l’État.

Houphouët Boigny, dont vous aviez été le disciple, a accompli avec brio la tâche qui fut la sienne dans l'Etat mobilisateur et centralisateur qui fut le sien. Vous voulez ramener la Côte d'Ivoire à la période des autocraties et de l’économie étatisée. Ce que vous qualifiez de réalisation  anarchique des infrastructures, en portant le fer de votre critique sur le modèle économique ivoirien en cours dans la nouvelle Côte d’Ivoire démocratique et libérale, n’est rien d’autre qu’une économie libérée du contrôle d’un Etat planificateur et centralisateur. L’économie ivoirienne n’est plus sous la tutelle d’un homme fort qui piétine allègrement les droits de l’homme lorsque son intérêt personnel et la raison antiéconomique d’un Etat autocratique l’exigent.

Désormais, l’économie ivoirienne est régulée par les lois impersonnelles  de la science économique, et par la confrontation conflictuelle des intérêts des entrepreneurs et des consommateurs. Le maître de l’économie ivoirienne n’est plus l’Etat mais la société civile qui contrôle aussi l’Etat. L’Etat ivoirien n’est plus le maître de la société civile ivoirienne naissante mais le serviteur des intérêts suprêmes de cette société civile, l’arbitre impartial de ses conflits et le défenseur du bien commun. Il est désormais limité par les droits fondamentaux des individus et des collectivités, et contrôlé par la vigilance d’une opinion publique ivoirienne éclairée et majeure, qui le contraint en permanence à rester  dans le cadre de la République, de la démocratie et à en respecter les valeurs. Vous êtes en décalage par rapport à cette évolution interne de la société ivoirienne. Votre dénonciation du  clanisme et de la corruption est  démagogique, ce d’autant plus que vous ne soufflez mot sur ces tares insignes du régime Gbabgo que vous encensez.

 Est-ce étonnant que vous preniez alors pour modèle Laurent Gbagbo que vous proclamez, de manière étonnante, continuateur fidèle de Félix Houphouët Boigny  et représentant le plus authentique de l’Houphouëtisme ? Houphouët Boigny fut un patriote républicain,  libéral et francophile, ouvert sur l'Universel et l'Altérité.  Laurent Gbagbo fut un ethno-nationaliste francophobe fermé à l'altérité et hostile à la différence. Il s'est attaché à saper à la base l'œuvre d'Houphouët et à instrumentaliser ses réalisations phares pour célébrer sa propre gloire et conforter son propre pouvoir d’apprenti  dictateur.

Le souci de Félix Houphouët Boigny de promouvoir l’entreprenariat ivoirien s’actualisa dans une formation patiente de l’expertise économique et technologique ivoirienne. Le programme de promotion de l’Entreprise locale,   sous Houphouët Boigny,  fut ouvert sans discrimination à tous les Ivoiriens de toutes les régions de la Côte d’Ivoire. Son propre fils, Guillaume Houphouët- Boigny, fut un citoyen ivoirien discret et non un entrepreneur roulant carrosse. Laurent Gbagbo, au contraire, s’empressa d’ouvrir et de réserver le grand commerce ivoirien  aux membres de sa famille, de son clan et de sa clientèle politique dans une improvisation de parvenu pressé de s’accaparer le pouvoir et les richesses. Sous Gbagbo, que vous prenez comme modèle, l’entreprenariat local disparut au profit de la mainmise des Chinois, des Russes et des couches dirigeantes des Etats africains prétendant à un leadership politique et économique régional, sinon continental, tels l’Angola et l’Afrique du Sud. Les grands opérateurs économiques français ne furent pas en reste  dans ce partage du gâteau économique ivoirien initié par la logique clientéliste de son Etat pourtant francophobe et prétendument anticolonialiste.  Le programme économique du socialisme mâtiné à la sauce empoisonnée de l’ethno-nationalisme antilibéral de Laurent Gbagbo ne fut pas un programme  de promotion entrepreneuriale des classes populaires. Ces dernières furent, au contraire, enrôlées massivement comme chair à canon  dans les bataillons de choc d’un Etat communautaire belliciste. Le programme économique du FPI de Laurent Gbagbo consista à ouvrir l’économie ivoirienne à l’emprise des multinationales originaires des Etats émancipés  de l’ancien monde communiste.  L’argument du bradage de l’économie nationale à des intérêts étrangers, qui inspire vos critiques contre la politique économique du gouvernement actuel, est l’argument phare et symbolique des nationalismes communautaires antidémocratiques.

Vous avez donc retenu de Laurent Gbagbo l'ethno-nationalisme, la revendication  identitaire et l’étatisation à outrance qui sont conformes à votre propre programme politique inavoué,  et vous avez rejeté le patriotisme républicain humaniste et universaliste de Félix Houphouët Boigny. Vous ne combattez pas pour la promotion sans discrimination de l'entreprenariat ivoirien et pour un développement endogène. En réalité, vous en appelez, au contraire, à une réappropriation étatique de l'économie ivoirienne, à sa reprise en main par les oligarchies traditionalistes locales. Votre modèle économique est l’économie étatisée dominée par le principe de la préférence nationale. Votre conception du libre-échange est un échange où les entreprises étrangères se soumettent à la logique clientéliste d'un Etat dominateur, distributeur exclusif des ressources. Le document d’orientation de votre politique des infrastructures et des Grands travaux révèle que vous proposez à la Côte d’Ivoire un retour à l’économie planifiée et contrôlée par l’Etat. Votre conception de la politique mène à l’autocratie. Votre conception de l’économie conduit au sous-développement. Vous n'êtes pas pour le progrès. Vous êtes pour la régression de la Côte d'Ivoire.

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