Les modèles de la pyromanie politique en Afrique Noire : Pierre Nkurunziza versus Laurent Gbagbo.

Malgré les avancées remarquables réalisées en Afrique noire sur le chapitre crucial de l’alternance du pouvoir comme en témoigne le geste exemplaire de Goodluck Jonathan récemment au Nigeria, le syndrome de la folie du pouvoir, résidu pathologique des dictatures et des autocraties qui s’installèrent durant les trois premières décennies de l’Indépendance, constitue de nos jours la menace la plus sérieuse contre la démocratie en Afrique. Ce syndrome africain de la folie du pouvoir, source de la pyromanie politique, se décline sous deux formes principales. La première forme est celle d’un chef d’Etat, démocrate autoproclamé, qui refuse le verdict des urnes prononçant sa défaite, décide de se déclarer lui-même vainqueur de l’élection présidentielle et décide de conserver le pouvoir en refusant le principe démocratique de la majorité du vote. La deuxième forme est celle d’un chef d'Etat prétendument démocrate mais encore inspiré par la culture des dictatures et des autocraties du passé, qui décide de s'octroyer contre la constitution ou en la manipulant, un nombre indu et non autorisé de mandats.

 Ces deux impostures procèdent selon une stratégie d’accaparement similaire. Egocentré, le pyromane, shooté à la drogue dure du pouvoir, s'aménage le soutien d'une partie de l'élite politique et d'une importante partie de la haute hiérarchie militaire et sécuritaire du pays moyennant des privilèges et des avantages financiers. Il prend soin d'instrumentaliser et de manipuler  les institutions, notamment la cour constitutionnelle, pour légitimer par le droit la perpétration de son imposture. Pour donner à cette  imposture une assise sociale, il mobilise son ethnie, sa région, sa confession religieuse  et s'appuie sur des milices constituées en grande partie de jeunes de son ethnie, et pour partie de jeunes désœuvrés des villes ou des campagnes, victimes de sa politique de prédation ! L’aménagement d’un vaste réseau de soutiens multisectoriels extérieurs comme l’avait démontré l’expertise de Laurent Gbagbo et de son camp, en ce domaine en 2010, complète la panoplie de cette stratégie de l’imposture.

Adossé sur le soutien de cette base politique, militaire, policière, judiciaire sociale et confessionnelle, sur ces réseaux intérieurs et extérieurs, l'imposteur drogué du pouvoir, le pyromane politique se lance dans l'aventure. Sourd  aux appels à la raison  après avoir bétonné son poste de combat, il n'hésitera pas à  faire couler des flots de sang pour réduire au silence les contestataires, à faire massacrer son peuple  pour réaliser ses ambitions de pouvoir absolu, quitte à  livrer son pays aux flammes!

Dans cette aventure funeste, le pyromane politique peut compter sur le strabisme de la justice internationale de nos jours. Au terme de cette catastrophe, dont l’initiateur fut clairement identifié, la communauté internationale exigera pourtant que  les victimes de l’aventure destructrice du pyromane politique, qui se sont bien souvent trouvées en situation de légitime défense face à son hubris meurtrier et à sa folie destructrice, soient judiciairement jugées et condamnées au même titre que l’aventurier et sa clientèle  politique militaire et sécuritaire. Le pyromane politique peut, dans ces conditions, se délecter d'avoir réussi à entrainer ses victimes dans sa chute finale. Le pyromane politique, l’irresponsable qui n'a pas hésité à sacrifier le destin et le bien-être de son peuple sur l’hôtel sanglant de son hubris personnel, peut finalement se réjouir de voir les victimes de son imposture et de ses agressions judiciairement condamnées. Le déchainement de l’hubris meurtrier du pyromane politique inaugure en effet  un cycle mortel de violence et instaure un chaos qui enferme ses victimes dans un piège. Bien souvent contraints de se défendre, en opposant à la force et la brutalité démesurées du pyromane une force équivalente sinon supérieure pour survivre, celles-ci deviennent, malgré elles et à leur corps défendant, des criminels et des assassins. Ainsi, la radicalité du déchainement de violence qui permet d’impliquer  les divers protagonistes dans le cycle des meurtres, constitue la garantie qui permettra au pyromane de réclamer le tribunal pour tous au terme de l’échec de son aventure. Pour s’en sortir judiciairement le pyromane politique doit déclencher une violence paroxystique. C’est l’assurance de son éventuelle impunité qui est toujours négociée sur l’autel de la réconciliation d’une société divisée.

La victoire finale du pyromane politique s’accomplit donc étrangement dans l’impunité de tous les crimes commis à la suite de son hubris ou dans la justice impartiale qui punit le délit du pyromane politique en enfermant dans les filets de la justice pénale ceux qui se sont courageusement dressés pour tenter de faire barrage au déchainement meurtrier de son hubris. Faire porter à égalité, au pyromane politique et à ses victimes, la responsabilité pénale des torts commis constitue assurément en cela  un encouragement à la pyromanie politique en Afrique, d'autant plus que l'imposteur peut se consoler dans sa triste fin de voir les victimes de son hubris être  trainées devant les  tribunaux  au même titre que lui!   

Le rituel de la justice impartiale, qui se construit sur la dénonciation d’une justice des vainqueurs après la défaite militaire des pyromanes politiques, est donc problématique. Ce traitement judiciaire à égalité des criminels politiques de masse déchus et de leurs victimes, est  inéquitable. Dans  une Afrique  qui doit construire sa démocratie contre des autocrates prêts à tout pour conserver le statu quo de leur position de prébendiers au détriment des peuples et de l‘avenir des pays, l’équité judiciaire appelle une autre approche du jugement pénal des pyromanes politiques.

Il est donc à espérer qu'une nouvelle jurisprudence pénale internationale voit le jour pour imputer selon le critère de l’équité, aux pyromanes politiques africains, toute la responsabilité judiciaire des crimes qui procèderont de leur hubris. (A suivre)

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