L’Afrique du sud, l’espérance brisée de l’Afrique Noire. (2ème partie)

La solution de Jacob Zuma est-elle crédible ?

La maladie de la démocratie sud-africaine, dont la xénophobie est le symptôme, est la crise de la représentation politique des intérêts des populations. La crise de la représentativité résulte de la dérive oligarchique de la classe politique. Elle survient quand cette dernière se met au service de ses propres intérêts, se coupe de la société qu’elle utilise comme ressource politique. La représentation politique des intérêts de la diversité sociale que la démocratie électorale représentative permet de satisfaire est bien souvent dévoyée en Afrique Noire. La représentativité démocratique s’y conçoit, bien souvent, comme incarnation politique d'une identité  ethnique ou confessionnelle.

L’Afrique du sud se conçoit aujourd’hui, plus comme une nation zouloue que comme une nation citoyenne constituée par l’unité de la pluralité des peuples sud-africains. Paradant dans ses vêtements traditionnels et ses peaux de léopard au cours de cérémonies folkloriques, Jacob Zuma se veut l’incarnation de l’identité politique de la communauté majoritaire zouloue. La légitimité de la classe politique dirigeante sud-africaine se définie, dans ce cas, relativement à une légitimité de type ethnique. Le discours politique devient ainsi un discours d’affirmation identitaire tombant dans la démagogie populiste. On en arrive alors facilement au discours de la défense d’une identité communautaire menacée par l’invasion des étrangers ; discours qui potentialise les effets délétères de la discrimination économique du plus grand nombre!

La démocratie sud-africaine était considérée comme un modèle pour l’Afrique noire en ce qu’elle devrait incarner pour cette région du monde, deux exigences cardinales de la démocratie électorale représentative : la citoyenneté et la représentation politique des intérêts de la diversité et surtout du plus grand nombre. L’icône Mandela a incarné ce rêve d’une nation sud-africaine plurielle et égalitaire dont les intérêts devraient être promus par une politique d’intégration inclusive multiforme. La lutte de Mandela, contre l’apartheid pour une Afrique du Sud démocratique et égalitaire, avait pour objet d’assurer, pour tous les citoyens sud-africains, une redistribution non discriminatoire du produit national. La dénomination de l’Afrique du sud comme nation arc-en-ciel traduisait symboliquement cette espérance continentale.

L’Afrique Noire attendait de l’Afrique du Sud que le gouvernement post-apartheid donne l’exemple qu’un gouvernement des opprimés noirs pouvait mettre en œuvre une politique concrète d’émancipation économique, sociale et politique de sa population en représentant politiquement les intérêts du plus grand nombre . C’est en cela qu’elle aurait initié une politique anticolonialiste et anti-apartheid panafricaniste qui aurait libéré le continent noir en lui montrant l’exemple, le schème sensible d’une politique démocratique émancipatrice. Cette attente a été déçue. La victoire sur l’apartheid n’aura consisté qu’en ce que le pouvoir afrikaner restitue aux cadres de l’ANC, une partie du monopole du grand commerce. A l’image des anciennes élites lignagères pré-coloniales, les cadres dirigeants de l’ANC ont récupéré au terme de la lutte anti-apartheid le monopole traditionnel du grand commerce qui était le domaine réservé des pouvoirs royaux et aristocratiques du passé. Les anciens maquisards se sont alors transformés en hommes d’affaire et en oligarques ,oubliant leur peuple et reproduisant pour leur propre compte, la logique de l’apartheid. L'apartheid ne fut que masque racial d’une ségrégation politique et social fondée sur le monopole du pouvoir économique par une classe dominante et  sur la négation des intérêts du plus grand nombre.

L’oppression colonialiste et l’apartheid ont consisté précisément en ce qu’un État installé par la force des armes, par des envahisseurs étrangers,  dans un pays,  gouverne en niant les intérêts des populations locales et réprimant leur souveraineté. Lorsqu’après avoir reconquis le gouvernement, au terme d’une guerre de libération, l’avant-garde d’un mouvement de lutte anticolonialiste monopolise le pouvoir économique et politique au détriment du plus grand nombre,  récusant ainsi la souveraineté de ce dernier, il réitère le colonialisme et la politique d’apartheid pour son propre compte contre les populations. Son anticolonialisme devient un anticolonialisme démagogique. Génératrice des révoltes populaires qu’elle détourne sur des boucs émissaires étrangers, cette politique de prédation nourrit et entretient la xénophobie. Le panafricanisme de cette politique de prédation qui détourne la colère populaire contre les étrangers devient alors une moquerie. Ce n’est pas en luttant démagogiquement contre la culture de la violence de l’apartheid, et en transformant la constitution héritée de Mandela pour légitimer des lois répressives contre l’immigration, que le pouvoir sud-africain vaincra la xénophobie et ses violences. Ce n’est pas en menant sous l’instigation de Jacob Zuma des campagnes dans leurs circonscriptions respectives que les députés sud-africains arrêteront la haine de l’Autre et les violences xénophobes qui trouvent leur origine dans le désespoir économique et social des populations des townships.  Les députés sud-africains lutteront effectivement contre la xénophobie  en représentant effectivement les intérêts du plus grand nombre au parlement sud-africain, en construisant des lois garantissant une meilleure redistribution du produit national et  abrogeant le monopole de fait,  détenu par minorité dirigeante sur  la richesse économique du pays.

La guerre de libération conduit à la libération réelle quand elle substitue au pouvoir de l’avant-garde  et de la nomenklatura du parti, le pouvoir de la société sur l’État et sur le parti mettant ces derniers au service du premier. La guerre de libération conduit à la libération réelle quand elle  accouche d’un parlement autonome qui soumet par les lois, l’exécutif au service des intérêts de la société et à l’attention à ses besoins. Le gouvernement de Jacob Zuma vaincra la culture de la violence et la xénophobie qui en résulte en luttant contre sa propre violence économique et politique et son propre apartheid  contre  la population des townships.  Le gouvernement de Jacob Zuma triomphera de la haine de l’Autre dans l’Afrique du sud post-apartheid, en triomphant de lui-même. Notre pire ennemi n’est jamais personne d’autre que nous-mêmes.

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