L’Afrique du sud, l’espérance brisée de l’Afrique Noire.

La solution de Jacob Zuma contre  la xénophobie est-elle crédible ?

Le président sud-africain Jacob Zuma s'est engagé le mercredi 15 avril dernier à combattre la xénophobie, relatent les journaux. Après la semaine d’émeutes xénophobes, le président Jacob Zuma a promis de s'attaquer aux racines du mal."Les Sud-Africains ne sont pas xénophobes", a-t-il assuré. "Si nous ne traitons pas les problèmes sous-jacents, cela va recommencer!", a-t-il dit.

 Comment compte-t-il alors s'attaquer aux "racines du mal" xénophobe?  En luttant contre « la culture de la violence héritée de l'apartheid " explique-t-il. Au plus fort de la semaine des agressions xénophobes, le président Zuma avait déploré que la culture de la violence, héritée du régime ségrégationniste de l'apartheid, n’ait pas été assez combattue lors de l'avènement de la démocratie. "En Afrique du Sud, nous avons eu un système nommé apartheid, qui était très violent. Pour l'abattre, nous avons dû être très violents aussi. Cette culture n'a pas été prise en compte", a-t-il dit. « Dans l'euphorie de l'arrivée de Nelson Mandela au pouvoir en 1994, nous avons adopté une Constitution excellente et nous avons cru que cette Constitution, ce document, allait résoudre le problème". "Grave erreur", a ajouté le chef de l'Etat sud-africain.

Alors que son gouvernement "répète à l'envi que la pauvreté, les inégalités et les frustrations de ceux qui n'ont pas profité économiquement de la chute du régime de l'apartheid en 1994 sont à l'origine des problèmes actuels," avouant son échec à travers ce diagnostic  et reconnaissant sa responsabilité dans cette situation, Jacob Zuma botte en touche, en rejetant la faute sur l'apartheid, sur la culture de la violence héritée du régime ségrégationniste blanc. Et au final, il accuse la Constitution héritée de Mandela. Son parti, quant à lui, propose de résoudre le problème de la xénophobie en défendant plus effectivement les droits de l’homme des étrangers. "Il n'est pas possible d'arrêter l'immigration vers l'Afrique du Sud", a noté Jessie Duarte, la secrétaire générale adjointe de l'ANC, le parti au pouvoir. "Mais nous pensons qu'il est nécessaire de mieux gérer la défense des droits de l’Homme de tous les étrangers qui viennent dans notre pays, particulièrement pour les plus vulnérables."

En proposant un tel remède, fondé sur la défense judicaire des droits des étrangers, le parti de Jacob Zuma semble ignorer que la xénophobie pourra être le plus effectivement combattue en faisant en sorte que les droits (de l’Homme) des sud-africains des townships deviennent des réalités tangibles grâce à une politique économique volontariste favorisant l’accès aux ressources pour le grand nombre.

 Jacob Zuma omet de dire, en rejetant indirectement la faute sur  Mandela, que la violence économique dont souffre les sud-africains des Townships depuis la fin de l'apartheid  est une violence causée par la répartition inégalitaire politiquement déterminée des ressources, inégalité contre laquelle son gouvernement aurait dû lutter en priorité. Jacob Zuma omet de dire et de reconnaître, en faisant de la xénophobie en Afrique du sud un problème de Constitution et de culture de la violence héritée de l’apartheid,  que son gouvernement a échoué à promouvoir une politique d'accès aux ressources pour le plus grand nombre de la majorité noire.

Jacob Zuma et son gouvernement dissimulent, en mobilisant les stratégies d'extraversion, en désignant la culture de violence de l’apartheid et de la lutte de libération, que la minorité noire au pouvoir, constituée par les membres de l'ANC a monopolisé les ressources économiques qu'elle aurait dû partager avec la majorité noire. Il n’ose pas regarder en face la trahison perpétrée par l’ANC contre cette majorité qui a fourni au mouvement de libération ses nombreux combattants anonymes tombés sous les balles et les répressions meurtrières du pouvoir ségrégationniste afrikaner. Jacob Zuma, son gouvernement et les membres de l’ANC reconvertis en affairistes dans le grand commerce, n'osent pas regarder en face que le mouvement de libération qu’était l’ANC est largement devenu un mouvement d'asservissement de la majorité noire par une minorité noire suivant en cela la pente naturelle des mouvements de libération africains. Son gouvernement désigne « la pauvreté, les inégalités et les frustrations de ceux qui n'ont pas profité économiquement de la chute du régime de l'apartheid en 1994 » comme « origine des problèmes actuels » en faisant comme si ces phénomènes résultaient des opérations de  forces surnaturelles malfaisantes. C’est une attestation d’irresponsabilité, d’autant plus que, corroborant les soupçons les plus graves sur une possible instrumentalisation politique des agressions xénophobes, certains membres du gouvernement semblaient, par leurs déclarations, telle la ministre de l’eau ou celle des petites entreprises, prendre fait et cause pour les attaques xénophobes.
 L'explication oiseuse de Jacob Zuma dévoile donc la plaie purulente qui dévore et corrompt en profondeur les corps politiques africains: l'indifférence de la plupart des gouvernements et des pouvoirs africains au sort des populations dont ils régentent le destin, l'indifférence de la plupart des classes dirigeantes africaines au sort du plus grand nombre. Cette négation politique des droits élémentaires des populations, ce défaut de souci des gouvernements envers le quotidien des  peuples  est paradoxal en démocratie. Ce mépris des besoins de la société  qui était en quelque sorte « normal » dans une dictature vivant précisément de cette oppression,  devient anormal et inacceptable dans une démocratie électorale représentative ayant pour raison d’être de représenter les intérêts sociaux et de redistribuer équitablement le produit  nationale. C’est donc en direction de  la problématique de la crise de la représentativité des élites politiques dans les nouvelles démocraties africaines que la xénophobie sud-africaine, qui n’en est que le symptôme, oblige à tourner le regard. Il faut en dévoiler les sources endogènes. (A suivre)

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